Recension

Mortels ! Imaginaires de la mort au début du XXIe siècle, Socio-anthropologie : revue interdisciplinaire de sciences sociales, numéro 31, Souffron Valerie (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, 194 p.[Notice]

  • Serge-Olivier Rondeau

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  • Serge-Olivier Rondeau
    Candidat à la maîtrise, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal

Le numéro 31 de la revue Socio-Anthropologie paru sous le titre Mortels! s’engage à poursuivre le travail de Louis-Vincent Thomas sur les imaginaires de la mort plus de 20 ans après son décès. C’est Valérie Souffron, l’auteure de Lire l’Homme et la mort d’Edgar Morin publié aux éditions Éllipses en 2013 et maître de conférences en sociologie à l’Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, qui en assume la direction. En suivant l’un des axes de la socio-anthropologie de Louis-Vincent Thomas, chacune des contributions du numéro s’interroge sur la teneur des imaginaires de la mort à notre époque. Ces travaux se fondent sur l’hypothèse qu’à partir d’objets socio-anthropologiques tels que ceux que les « cultures non cultivées, populaires ou non » (p. 9) rendent disponibles au chercheur, il est possible de déceler des « manifestations de l’angoisse face à la mort telle qu’elle se joue, c’est-à-dire à la fois telle qu’elle se divertit et telle quelle se met en jeu » (p. 9). À l’issue du numéro, les résultats semblent rester fidèles à ceux des travaux de Louis-Vincent Thomas et visent à les actualiser. Le premier texte du dossier que signe Valérie Souffron, comme l’entretien à caractère méthodologique qu’elle mène avec Patrick Baudry à la fin du volume, doit permettre au lecteur de cerner les contours de la socio-anthropologie de la mort de Thomas dans laquelle s’insère chacune des autres contributions du numéro. Pour les lecteurs moins familiers avec les travaux de l’anthropologue, il peut être utile de commencer par la conversation entre Souffron et Baudry puisque certaines des notions sur lesquelles s’appuie l’ensemble des textes, tels que celles d’imaginaires (p. 155) et de déni de mort (p. 160), y sont exposées avec davantage de clarté que dans le texte introductif du numéro où le lexique utilisé rend parfois la compréhension difficile. Ainsi, la synthèse que fait Souffron des travaux de Thomas en ouverture insiste sur : 1/« la puissance de la mort », elle est à la fois la source d’« angoisse » et d’« horreur » ainsi que l’origine de « tout pouvoir » et de « toute vie sociale » (p. 10) ; 2/la mort est niée, c’est-à-dire que la vie est menée comme si celle-ci n’allait pas survenir et comme si cet évènement n’avait aucune gravité, ce qui est une forme d’aliénation nous dit-elle. En outre, la thèse anthropologique de Thomas, toujours selon Souffron, soutient que « la part d’imaginaire et du mythe en nous » (p. 9) ressurgit dès qu’une allusion est faite à la mort. C’est cette voie des imaginaires de la mort, tracée par l’anthropologue, que chacun des auteurs du dossier emprunte. La question qui est alors soulevée est celle des trajets que suivent ces imaginaires aujourd’hui. Chaque contribution laisse voir de quelle manière les archétypes qu’a repéré Thomas dans ces imaginaires (mort-renaissance, négation de la mort, ammortalité et immortalité, etc.) se répartissent désormais dans de nouvelles manières de faire et dans de nouveaux contenus et formes médiatiques. Plus largement, la mort qui se dérobe aux pratiques et regards quotidiens doit trouver dans les manières de faire, les formes et les contenus nouveaux un lieu propice pour se mettre en scène. Par l’entremise de ces derniers, il sera donc possible d’évaluer quels sont les espoirs et les angoisses de toute une culture face à la mort, du moins, c’est ce que propose Valérie Souffron en suivant la trajectoire initiée par Louis-Vincent Thomas. Dans le sillage des cultural studies et selon la posture qu’adopte Thomas dans ses travaux qui prennent pour objet d’étude la science-fiction, les divers textes que contient le numéro plongent au coeur de …