IntroductionUne cartographie des revues culturelles au Québec[Notice]

  • Michel Nareau

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  • Michel Nareau
    Collège militaire royal du Canada

L’histoire des revues culturelles québécoises est fort peu connue. La multiplicité des titres, le faible rayonnement de certains périodiques, la mobilité des comités éditoriaux, la direction prise par les études des revues et l’absence de définition claire de la catégorie y sont certainement pour beaucoup. Il suffit de comparer la diversité des publications recensées par Andrée Fortin dans Passage de la modernité et la ténuité de la bibliographie consacrée aux revues pour saisir l’écart important qui existe entre les valeurs intellectuelle, institutionnelle et discursive attribuées aux revues et la place qu’elles ont acquise dans le champ des études culturelles. Fortin recense en effet 606 revues québécoises publiées depuis 1778, date de la parution du premier numéro de La Gazette du commerce et littéraire, pour la ville & district de Montréal. Bien sûr, tous ces périodiques ne sont pas des revues culturelles, mais leur abondance nous force à saisir la valeur d’intervention qui réside dans cet outil, à la fois collé à l’actualité et apte à s’en dégager, l’oeuvre d’un groupe, mais ouvert aux apports personnels, autant producteur de contenu culturel qu’analyste de cette création. Or la recension des articles et livres consacrés aux revues, elle, se limite à 103 textes, dont la plupart sont circonstanciels, commémoratifs ou panoramiques. Du reste, la majorité des études concerne un groupe sélect de revues, qui accapare la quasi-totalité de l’attention universitaire, tant en termes de quantité d’études qu’en vertu de la profondeur de vue de ceux qui s’y sont attardés. Les revues La Relève/La Nouvelle Relève, Cité libre, Liberté, Parti pris, La barre du jour/La nouvelle barre du jour et Vice Versa sont largement les plus commentées. Quelques arbres semblent cacher une vaste forêt, dont la cartographie reste à faire. Les revues précédemment nommées sont certes très différentes les unes des autres, tant sur le plan esthétique qu’idéologique, allant d’un questionnement spirituel à un programme politique axé sur le socialisme, l’indépendance et la laïcité. Pourtant, elles appartiennent à ce que nous nommons dans ce dossier les revues culturelles, terme assez souple qui qualifie les périodiques hybrides et leurs collaborateurs, qui participent à la création artistique, en tant que créateurs ou commentateurs, et à l’intervention sociale, comme essayistes, militants, intellectuels. Les revues culturelles, en vertu d’une périodicité longue (elles ne sont pas des quotidiens ou des hebdomadaires), se dégagent un peu du souci d’information, mais n’en deviennent pas non plus des lieux éditoriaux voués exclusivement à l’étude distanciée d’une conjoncture culturelle, sociale ou politique comme le feraient les revues savantes ou universitaires. Les revues culturelles se reconnaissent ainsi à leur volonté de médiation sociale et intellectuelle, où le besoin de communication est fondateur, de même que la capacité à concevoir un « nous » qui parle au nom d’une certaine communauté d’intérêts. Par la prise de parole commune et simultanée de nombreux auteurs autour d’un axe discursif partagé, endossé, la revue impose un groupe, reconnaît des individus en fonction d’une signature collective et d’une appartenance à un périodique. Les revues sont autant des lieux de sociabilité, de création, que d’intervention. Quelques voies, jusqu’à aujourd’hui, ont été abordées pour examiner le dynamisme des revues culturelles : l’étude des prises de position discursives ou idéologiques ; l’analyse des réseaux, influences et transferts culturels ; l’identification d’une trajectoire individuelle par l’étude des revues ; l’établissement des transformations intellectuelles ou sociales provoquées par l’avènement d’une revue, ce que Jacqueline Pluet-Despatin nomme sa « contribution à l’histoire des intellectuels » ; la détermination des fonctions sociales appelées de leurs voeux par les intellectuels. Rares sont toutefois les études qui prennent la revue pour objet en …

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