Recensions

Howard Adelman et Pierre Anctil (dir.), Religion, Culture, and the State: Reflections on the Bouchard-Taylor Report, Toronto, University of Toronto Press, 2011[Notice]

  • Rachad Antonius

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  • Rachad Antonius
    Université du Québec à Montréal

Il s’agit d’un ouvrage collectif publié sous la direction des deux auteurs principaux. L’ouvrage est dédié à Ralph Halbert, fondateur du Halbert Center for Canadian Studies de l’Université hébraïque de Jérusalem, en Cisjordanie. Chacun des chapitres amène des éléments empiriques importants concernant les débats soulevés par la commission Bouchard-Taylor et le rapport entre la religion, la culture et l’État. Ces questions sont problématisées à travers une série de tensions, qui structurent le matériau empirique mobilisé : les tensions qui se sont manifestées dans l’histoire entre les anglophones et les francophones ; la tension entre la reconnaissance des spécificités identitaires des groupes et la recherche de valeurs communes ; la tension entre la réalité de l’insertion des communautés juives dans l’histoire québécoise et le statut d’altérité qu’elles ont eu et ont toujours ; l’opposition entre des conceptions dites « ouvertes » de la laïcité et celles dites « rigides », telles qu’elles se manifestent dans les décisions de la Cour suprême du Canada et dans les positions de la Commission ; la tension entre les attitudes exprimées face à l’altérité (plutôt hostiles) et les comportements dans le quotidien, plutôt tolérants et pragmatiques ; et la tension entre l’individualisme et le communautarisme. Malgré la riche matière empirique qu’on y trouve, l’entreprise reste prisonnière d’une orientation générale que l’on ressent, mais qui n’est pas explicitée, d’un paradigme implicite, pourrait-on dire, que nous allons tenter de cerner. Dans son chapitre introductif, Pierre Anctil montre que la politique québécoise de l’interculturalisme a été construite sur les bases de la politique fédérale du multiculturalisme, mais en y ajoutant des éléments qui garantiraient l’intégration des immigrants à la majorité francophone du Québec. Il rappelle que la Charte canadienne des droits et libertés, promulguée en 1982, ne fait aucune référence à une quelconque laïcité de l’État canadien, ni à aucune obligation qui serait faite aux fonctionnaires fédéraux de respecter une neutralité absolue par rapport à la religion. Il souligne que, « alors que cette loi canadienne fondamentale a été mise en oeuvre en premier lieu pour protéger les individus contre l’arbitraire de l’État, nous commençons à voir à présent qu’elle peut aussi indirectement appuyer des revendications d’une nature communautariste ou en lien avec les identités minoritaires » (p. 27). Anctil estime que la Commission a contribué à clarifier le sens des accommodements et a rappelé à la majorité sa responsabilité dans l’établissement d’un climat propice au dialogue, mais qu’elle n’a pas été capable de traiter adéquatement de la question de la laïcité. Il termine son chapitre en déplorant que la commission Bouchard-Taylor n’ait pas été capable de contribuer au débat de façon novatrice et qu’elle n’ait pas contribué à la résolution de difficultés spécifiques. Il estime que les commissaires ont quelquefois manqué de sens politique en ne se dissociant pas clairement de remarques hostiles faites durant les audiences, mais que dans le concret du quotidien, les Québécois gèrent plutôt bien la question du pluralisme qui les entoure. Pour sa part, Howard Adelman met en parallèle la situation française et celle du Québec par une comparaison entre la commission Stasi et la commission Bouchard-Taylor. Il exprime des vues assez critiques sur la société québécoise, en ironisant, par exemple, sur le fait que le Québec parle d’accommodements raisonnables, mais que les outils mis en place par l’État pour protéger la langue sont complètement déraisonnables (p. 51). Il souligne que si la commission Stasi a bien été accueillie en France, la commission Bouchard-Taylor a été sévèrement critiquée par le mouvement souverainiste au Québec et qu’elle l’aurait été encore plus si elle avait révélé les aspects sombres de ce mouvement. Ira Robinson …