Recensions

Janusz Przychodzen (dir.), Écritures québécoises, inspirations orientales. Dialogues réinventés ?, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013[Notice]

  • Camille Arpin

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  • Camille Arpin
    Université Laval

Janusz Przychodzen, professeur agrégé au Département d’études françaises de l’Université York, souhaite réorienter, au moyen de son plus récent ouvrage, la conception de l’Orient qui est véhiculée dans la littérature québécoise. Il désire s’éloigner de celle instaurée par Edward Saïd depuis la publication de son livre Orientalism en 1978. Il n’y est plus question d’une vision dichotomique où l’altérité est au premier plan, comme Przychodzen l’a précédemment étudiée dans son ouvrage Asie du soi, Asie de l’autre. Récits et figures de l’altérité. Cette fois-ci, il s’agit de comprendre l’orientalisme dans la littérature québécoise comme une multiplicité de voix qui permettent d’accéder à un nouveau dialogue, dont les assises sont d’ordre esthétique et poétique. Pour parvenir à circonscrire ce dialogue, l’auteur a sélectionné comme angles d’approche l’intersubjectivité, l’interculturalité et la transculturalité, qui, à leur façon, éliminent les idées préconçues et créent une situation d’échange positive. Les textes de ce recueil ont été subdivisés en quatre grandes thématiques : le langage, les lieux de paroles, les stéréotypes et l’Histoire. Dans le premier chapitre, « Entre violence et silence : langage », Michel Peterson et Carmen Mata Barreiro examinent comment les oeuvres de Wajdi Mouawad et d’Abla Farhoud utilisent d’autres formes de langage pour donner sens à leurs récits. Chez Mouawad, la langue qui permet de communiquer est celle du Walten, terme emprunté à Heidegger, une violence sous-jacente constitutive et traumatisante qui, lorsqu’on l’affronte, permet d’effectuer un retour au pays d’origine. Il ne s’agit pas du Liban de Mouawad, mais plutôt d’un voyage « à travers les différentes couches géologiques de la psyché » (p. 13). Pour Farhoud, le langage passe par différentes variations du silence. Barreiro en répertorie trois : le silence de l’incompréhension et de l’incommunicabilité, qui résulte d’une difficulté à s’intégrer à une nouvelle culture ; le silence reconstructeur, qui devient un espace et un temps de réflexion durant un processus de deuil ; et, finalement, le silence de l’impossibilité, qui résulte de l’impuissance des mots à communiquer les horreurs de la guerre. En somme, lorsque la parole ne peut traduire convenablement toutes les situations, il est préférable d’utiliser des langages universels comme la violence et le silence. Le deuxième chapitre, « Nouveaux lieux de parole », étudie les places occupées par la parole et l’écriture chez trois auteurs, Nadine Ltaif, Kim Thùy et Ook Chung. Les écrits de Nadine Ltaif, souligne Lucie Lequin, lui permettent de se mouvoir dans « un lieu de réinterprétations multiples » (p. 55). Ce lieu, sans frontières, propose un dialogue sans contraintes en s’éloignant des maux occasionnés par la guerre pour accéder à un monde d’espoir et de beauté. Grâce à l’écriture, Ltaif peut adopter une appartenance plurielle. Anne Caumartin soutient que le récit de Kim Thùy, Ru, est une « entreprise de cohésion » (p. 77) où la mémoire devient un lieu de référence pour l’Orient. Cet espace n’est pas le lieu du ressentiment et du déchirement d’une identité perdue, mais plutôt un endroit où l’identité d’un sujet responsable est en train de se construire dans un futur commun. Puis, chez Ook Chung, Catherine P. Cua explique comment cet auteur, depuis un dialogue entre cultures, brise les frontières littéraires en créant « un ouvrage polyphonique et hybride tant dans sa forme que dans son contenu » (p. 87). Dans L’expérience interdite, la multiplicité des personnages met en évidence l’illusion d’un dialogue, qui relève plutôt d’une seule voix polyphonique. Le dialogue ne s’effectue plus au niveau de la voix narrative, mais entre les différents fragments génériques qui créent une oeuvre plurielle originale. Ces trois textes permettent de reconnaître un désir …