Recensions

Jocelyn Létourneau, Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse, Montréal, Fides, 2014[Notice]

  • Louise Bienvenue

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  • Louise Bienvenue
    Université de Sherbrooke

« Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement ? » Telle est la question qu’ont posée Jocelyn Létourneau et son équipe à 3475 jeunes issus de toutes les régions du Québec, entre 2003 et 2013. Cette enquête menée dans des classes de 4e et de 5e secondaire, de cégep et d’université a généré un très honorable taux de réponse de 79,2 %. Les données recueillies forment le corpus à partir duquel l’historien explore la conscience historique de la jeunesse québécoise. Présentées telles qu’elles ont été écrites, les réponses des jeunes, dont voici quelques exemples, ne manquent pas de sel : « On se fait fourrer et il se passe pas grand chose au Québec mais on est bien » (p. 86) ; « Ça juste pris du temps avant que ça l’aboutisse » (p. 68) ; « C’est beau mais c’est trop nationalistis » (p. 69) ; « Un échange de culture qui nous a rendu ouvert d’esprit » (p. 97) ; « Puisque l’histoire est écrite par les vainqueurs, on est chanceux d’en avoir une » (p. 110) ; « Le Québec est très influençable peu importe l’époque » (p. 154) ; « Un certain nombre de marins partent de France pour aller chercher des épices et arrive [sic] au Québec » (p. 156) ; « Une histoire qui date depuis 402 ans et qui continue » (p. 209) ; « It’s all about the English versus the French » (p. 119). De toute évidence, l’équipe de Létourneau a dû travailler fort pour classifier ces énoncés et en extraire de l’intelligibilité. Après avoir présenté la méthodologie d’enquête (chapitre 1), l’ouvrage expose la morphologie d’ensemble du corpus (chapitre 2), telle qu’elle se dégage d’un classement des énoncés en cinq catégories, chacune exprimant des visions différentes du passé : malheureuses, mixtes, positives, neutres et « autres ». La catégorie dominante est celle du malheur, qui rassemble 35,6 % des résultats. Un pessimisme ambiant s’observerait ainsi dès le 4e secondaire (2,32 %), avant même que les élèves n’aient suivi le cours d’histoire nationale, et s’accentue tout au cours de la scolarité pour atteindre 48,8 % à l’université. Les chapitres 3 à 11 décortiquent les réponses selon les catégories de répondants et en fonction de quelques thèmes. On s’intéresse d’abord aux élèves de 4e secondaire (chapitre 3). Moins instruits que leurs aînés, ils ont tendance à privilégier des phrases neutres pour exprimer leur vision mal assurée du passé québécois. L’auteur s’intéresse ensuite aux élèves de 5e secondaire (chapitre 4). Âgés de 16 ou 17 ans et plus autonomes sur le plan intellectuel, ces jeunes formulent des opinions plus affermies. Ils sont désormais près de 40 % à exprimer une vision de l’aventure québécoise classée comme malheureuse. On observe aussi que ces jeunes s’identifient au sujet collectif dont ils parlent, se percevant comme « héritiers et fiduciaires d’une société, d’une nation ou d’un peuple dans la continuité duquel ils veulent se situer » (p. 88). À propos des finissants du secondaire, Létourneau rappelle que seulement 5 % d’entre eux auront l’occasion de suivre des cours d’histoire dans la suite de leur parcours. Pour l’immense majorité, la vision générale du passé québécois acquise au terme du secondaire risque d’être peu ébranlée par la suite. Puis, suivant les échelons du système éducatif, l’ouvrage se consacre aux étudiants du collégial. Ce segment de l’enquête s’appuie sur un corpus plus restreint, composé de 298 répondants, dont aucun n’est issu de la région montréalaise. À leur sujet, l’auteur constate que près de la …