Résumés
Résumé
Parmi les rivages des régions froides, ceux de la rive sud de l’estuaire maritime offrent des particularités qui méritent d’être mieux connues. Celui de l’anse au Sable, près de Rimouski, appartient à cette catégorie. Situé le long d’une crête rocheuse appalachienne orientée SO-NE, il comprend dans la partie supérieure un étroit cordon littoral composé de sable et gravier, une ancienne plate-forme rocheuse qui occupe la moitié supérieure du bas estran et, dans la moitié inférieure, un substrat argileux en très grande partie recouvert de cailloux dont plus de 65 % sont des erratiques précambriens provenant du Bouclier laurentidien, situé sur la rive nord de l’estuaire à plus de 30 km. Les erratiques d’origine lointaine, précambriens et appalachiens, ont d’abord été déplacés par les glaciers wisconsiniens vers la vallée du Saint-Laurent ; la majorité ont ensuite été transportés et relâchés par des icebergs sur le fond de la Mer de Goldthwait au cours de la déglaciation entre 13 et 10 ka environ. Les erratiques sédimentaires d’âge ordovicien et silurien provenant de l’intérieur des terres en zone appalachienne comptent pour un faible pourcentage des cailloux de la batture de l’anse au Sable. La majorité des autres erratiques sédimentaires sont issus des crêtes rocheuses appalachiennes en bordure du rivage. Un nombre indéterminé d’erratiques précambriens, d’abord déplacés par l’Inlandsis laurentidien et abandonnés dans la zone côtière appalachienne, ont pu être remobilisés vers l’estuaire après le maximum glaciaire, lors de l’inversion de l’écoulement des glaces du secteur appalachien vers le nord et le nord-est. Les cailloux formant des dallages et des cordons simples proviennent en grande partie du résidu grossier laissé derrière par l’érosion par les vagues et les courants des dépôts marins et littoraux. Dégagés de leur gangue, les cailloux ont alors été repris par des radeaux de glace et concentrés sur la batture argileuse.
Abstract
Among the various cold region shorelines, those of the Lower St. Lawrence estuary have particular characteristics that need to be better known. The shore at Anse au Sable (Sandy Cove), near Rimouski, is of special interest. Located at the foot of an Appalachian rock ridge oriented SW-NE, the shoreline includes a narrow sandy gravel beach at the high tide level, a relatively wide rock platform in the upper half of the strand, and, in the lower half, a clayey substrate which is covered by boulders, 65 % being Precambrian erratics from the Laurentidian Shield located 30 km north of the St. Lawrence valley. Precambrian and Appalachian far-travelled erratics were first moved toward the estuary by Wisconsinian glaciers. Most erratics were then transported and dropped on the sea floor of the Goldthwait Sea by icebergs during deglaciation between 13 and 10 ka. An unknown percentage of Precambrian erratics, first displaced by the Laurentide Ice Sheet and dropped in the Appalachian region, were removed and displaced northward and northeastward at the Late Glacial maximum. The sedimentary errratics at Anse au Sable have two origins. Most are from local bedrock outcrops near the present shoreline, whereas a low percentage are from the Ordovician and Silurian formations of the Appalachians south of the coastal area submerged by the postglacial sea. Erosion by waves and currents during the Holocene of shore and marine clay deposits containing ice rafted coarse debris resulted in a boulder lag from which boulders were removed by shore ice and concentrated on the lower clayey tidal flat.
Corps de l’article
Introduction
L’anse au Sable, dans la région de Rimouski, représente un estran typique fréquent sur la rive sud de l’estuaire maritime du Saint-Laurent. Bien que facile d’accès, ce site a jusqu’à ce jour fait l’objet de rares études de géographie physique, en particulier de géomorphologie.
Bourget (1977) a fait des observations sur l’action du froid sur la plage sableuse de Rocher-Blanc située à l’extrémité nord-est de l’anse au Sable, alors que Guilcher (1981) s’est intéressé aux cordons glaciels de basse mer qu’il a comparés aux « boulder barricades » de Tanner (1939). Nous avons souligné déjà que cette appellation n’était pas exacte (Dionne, 1994a). Guilcher (1981) offre une description sommaire du rivage et du cordon de blocs de l’anse au Sable. Il mentionne seulement que le cordon glaciel situé sur la partie inférieure de l’estran est formé d’éléments allogènes (cristallins arrondis) sans fournir de données statistiques précises sur la lithologie des cailloux, leur mise en place, la nature du substrat sur lequel ils reposent, ni sur les dimensions et les caractéristiques des cordons de blocs. Il attribue d’emblée une origine glacielle au cordon de blocs sans expliquer comment il a vraiment été formé.
Hétu (1994) a publié une synthèse sur le Quaternaire de la région de Rimouski. Il est question du cadre morphostructural, des mouvements glaciaires et de la déglaciation, de l’émersion des terres ainsi que du pergélisol tardiglaciaire. Mais la synthèse ne contient rien de spécifique pour l’anse au Sable.
La présente contribution renseigne sur les caractéristiques géomorphologiques du rivage, la dimension des unités, la nature lithologique des cailloux, leur provenance et sur les modes de transport et de mise en place des cailloux.
Caractéristiques géomorphologiques du milieu
L’anse au Sable est située dans le secteur sud-ouest de la municipalité de Rimouski, sur la rive sud de l’estuaire maritime du Saint-Laurent, à 68° 37’ O et 48° 25’ N (fig. 1).
Le secteur appelé l’anse au Sable s’étend sur une distance de 7,6 km, entre le Rocher Blanc, au nord-est, et la pointe à Santerre, au sud-ouest. À cette extrémité, il existe un petit rentrant appelé baie Hâtée.
Orienté SO-NE, le littoral est contrôlé structuralement par une crête rocheuse appalachienne remarquablement rectiligne. Cette dernière est composée essentiellement de schistes argileux ou ardoisiers appelés aussi pélites ou encore mudrock et clayrock par certains (Lajoie, 1972). La formation appalachienne en bordure du rivage est d’âge cambro-ordovicien (Tremblay et Bourque, 1991). D’une hauteur maximale de 50-55 m, la crête rocheuse longe l’anse au Sable sur toute sa longueur et l’isole de la route nationale 132 située à quelques centaines de mètres à l’intérieur des terres (fig. 2).
La crête rocheuse suit de près le rivage actuel. Dans le secteur sud-ouest, elle en est séparée seulement par un étroit terre-plein emprunté par le chemin de fer du Canadien National, alors que dans la partie nord-est, il existe une étroite terrasse de 30 à 50 m de largeur (terrasse Mitis de Dionne, 2002a) (fig. 3). Une coupe transversale schématique du littoral (fig. 4) comprend les unités suivantes : (1) la crête rocheuse avec des talus d’éboulis sur le versant nord, (2) la basse terrasse constituée de sable et gravier (30-50 m), (3) un étroit (15-20 m) et mince (35-30 cm) cordon littoral de sable et gravier, (4) une plate-forme d’érosion taillée dans les schistes de 30 à 50 m de largeur et (5) un bas estran limono-argileux de 40 à 60 m de largeur, en grande partie couvert d’un dallage de cailloux de petite à moyenne taille (25-50 cm) avec, ici et là, quelques méga-blocs[1]. Ces derniers sont plutôt alignés à la limite des plus basses mers. Bref, la largeur maximale de la batture dans le secteur étudié, qui s’étend sur une distance d’environ 5 km, n’excède guère 150 m. En dehors du cordon littoral avec une pente de 5 à 6°, celle de la batture ou du bas estran est généralement faible : environ 2 %. La surface argileuse à dallage de cailloux et à pente faible se poursuit dans la zone infratidale sur une largeur de 250 à 300 m ; elle correspond à une vaste prairie de laminaires (Chabot et Rossignol, 2003) visible sur la photographie aérienne prise à marée basse de vives eaux (fig. 3). Plus de 75 méga-blocs caractérisent cette zone et celle qui la prolonge vers le large.
La batture argileuse constituant la moitié inférieure de l’estran est une surface d’érosion taillée dans un dépôt argileux de la Mer de Goldthwait (Dionne, 1977) au cours de l’Holocène, en particulier lors du bas niveau marin mi-holocène (Dionne, 1988a ; Hétu, 1998). Bien qu’il existe d’épais dépôts argileux dans la zone côtière, il n’y en a pas entre la crête rocheuse et le rivage actuel (Dionne, 1966).
D’après les données des tables de marées pour la station de Rimouski (Service hydrographique du Canada, 2005), l’anse au Sable connaît des marées semi-diurnes de hauteurs différentes. Durant les grandes marées, la hauteur de la pleine mer est de 4,4 à 4,8 m et la basse mer, de 0,2 à 0,6 m, tandis que les marées moyennes ou ordinaires ont une hauteur de 3,5 à 3,9 m pour la pleine mer et de 0,7 m pour la basse mer. Le marnage des marées moyennes est donc de 2,8 à 3,2 m et celui des vives eaux, de 3,8 à 4,6 m. Les extrêmes de pleine mer et de basse mer enregistrés atteignent toutefois 5,8 et –0,9 m. Le niveau moyen de la mer est de 2,3 m, ce qui correspond au zéro géodésique des cartes topographiques. En général, seule la base du cordon littoral est submergée lors des marées moyennes ou ordinaires.
De petite à moyenne taille (25-50 cm), les blocs sont essentiellement concentrés sur le substrat argileux, à la bordure externe de la plate-forme rocheuse (fig. 5) ou encore dans des creux de cette dernière où ils ont été piégés. Ils tapissent l’ensemble de la batture argileuse (fig. 6) ; la concentration est dense, les cailloux étant rapprochés les uns des autres (fig. 7). La base des cailloux est généralement enfoncée dans le substrat argileux de sorte que la surface des dallages est quasi au même niveau. Des méga-blocs épars émergent ici et là dans les dallages, mais ils sont plus fréquents à la limite des basses mers et dans la zone infratidale (fig. 8).
Bien qu’il y ait des algues brunes (Fucus spp., Ascophyllum nodosum) attachées aux cailloux, surtout dans la moitié inférieure de la batture, les blocs sont la plupart du temps dénudés et propres. On peut donc identifier facilement leur lithologie.
Ajoutons que dans le secteur nord-est, près de la plage de l’anse de Rocher-Blanc, il existe aussi une étroite et peu profonde dépression entre la plate-forme rocheuse et le dallage de blocs sur le substrat argileux, de sorte qu’à un certain moment de la marée descendante ou montante, il existe une mare temporaire allongée parallèlement au rivage d’où la ressemblance avec un « boulder barricade » (Guilcher, 1981).
Relevés de terrain
Les relevés concernant la lithologie de l’ensemble des blocs d’estran ont été effectués en mai et juin 2005, à marée basse durant la période des vives eaux. Le relevé systématique des cailloux de dolomie a été réalisé en 1994 et 1995 dans des conditions semblables et s’est déroulé sur plus d’une semaine.
Pour l’ensemble du secteur étudié en 2005, 59 comptages ont été faits pour un total de 30 123 blocs, ce qui donne une moyenne de 510 blocs par comptage, avec un minimum et un maximum respectif de 301 et 741. La valeur statistique pour ce type de relevé est donc élevée (Van der Plas et Tobi, 1965). D’une longueur d’environ 5 km, le secteur étudié a été subdivisé en cinq segments allant du sud-ouest au nord-est (fig. 2) dans le but de découvrir s’il existait des variations significatives de l’amont vers l’aval (voir les tableaux VIIIa à VIIIe en annexe).
Nature lithologique des blocs
Le tableau I indique les pourcentages pour chaque lithologie des cailloux observés sur la batture de l’anse au Sable, à l’exception des méga-blocs. Les erratiques précambriens, ignés et métamorphiques (granite, gneiss, anorthosite, basalte, etc.), totalisent, en moyenne, 65,4 % pour l’ensemble du secteur étudié, avec une médiane de 65,8 %, un minimum de 50,2 % et un maximum de 77,5 %. Dans plus de 59 % des comptages, le pourcentage des précambriens est compris entre 60 et 70 %. Il y a donc beaucoup d’erratiques de provenance lointaine.
Parmi les roches sédimentaires appalachiennes, les grès (toutes variétés confondues) sont les plus abondants, avec une moyenne de 25,8 %, une médiane de 26,1 %, un minimum de 11,4 % et un maximum de 36,5 %. Les schistes argileux ou ardoisiers comptent seulement pour 5,4 % en moyenne, avec un écart très marqué entre le minimum (1,2 %) et le maximum (12,3 %). Les quartzites (toutes variétés confondues) totalisent 2,3 % en moyenne, alors que les conglomérats ne représentent que 0,9 %. Les erratiques carbonatés sont également rares, avec une moyenne de 0,2 % pour les calcaires et de 0,3 % pour la dolomie.
Dans la catégorie des erratiques précambriens particuliers mais assez fréquents, il convient de mentionner les blocs d’anorthosite (fig. 8) : 175 blocs sur un total de 19 844 précambriens ; il y a aussi quelques blocs noirs, à surface polie et lustrée (fig. 9), correspondant à des roches intrusives provenant de dykes (diorite vs gabbro) et des quartzites blancs (fig. 10). Les erratiques appalachiens particuliers provenant de l’intérieur des terres comprennent divers conglomérats non calcaires (fig. 11) et des calcaires à coraux.
Autres caractéristiques à signaler : la présence sur plusieurs cailloux de marques d’abrasion glacielles récentes (fig. 12) ainsi que des marques d’abrasion et de percussion glaciaires (fig. 10). Quelques cailloux blancs, incrustés d’algues corallines mortes, provenant de la zone infratidale ont aussi été observés. Ces derniers témoignent de déplacements glaciels occasionnels vers la rive comme dans le cas de certains méga-blocs (fig. 13).
Les cailloux de dolomie
Bien que les cailloux de dolomie totalisent seulement 0,3 % de l’ensemble des cailloux de la batture, ils ont fait l’objet de relevés séparés en raison de l’importance de cet erratique sur les rives du Saint-Laurent estuarien (Dionne, 1994b, 2002b, 2003 ; Dionne et Bernatchez, 2000).
Au total, 361 cailloux de dolomie ont été observés et mesurés lors des relevés effectués en 1994 et 1995 dans le secteur de l’anse au Sable. Il y en a plusieurs variétés, dont certains à stromatolites, d’autres marbrés, laminés, bréchiques, gréseux ou argileux (tabl. II). Plus de 50 % des cailloux sont striés (stries glaciaires ou glacielles) et environ 15 % sont corrodés. La couleur est aussi un élément caractéristique. Il y a des « dolos[2] » roses, rouges, blanches et surtout des grises de teintes variées (tabl. III). La majorité des dolomies sont cristallines.
La taille des erratiques de dolomie va de celle des galets d’environ 10 cm à ceux excédant un mètre de grand axe. Le tableau IV indique la répartition par catégorie de poids. Les cailloux pesant entre 1 et 10 kg comptent pour 28,2 %, ceux de 10 à 50 kg, 45,8 % et ceux excédant 100 kg, 12 %. Le tableau V indique la taille et le poids des 10 plus gros erratiques de dolomie, le plus gros pesant plus d’une tonne.
Morphométrie et émoussé des erratiques
Les erratiques précambriens sont pour la majorité bien façonnés ; plus de 50 % appartiennent aux catégories sub-arrondis (SAR) et arrondis (AR). Le degré de façonnement des grès et des quartzites est moindre : plus de la moitié entrent dans les catégories sub-anguleux (SAN) et sub-arrondis, alors que les schistes sont majoritairement anguleux (AN) et sub-anguleux.
En dehors des éléments provenant des affleurements avoisinants, principalement les schistes et les grès, la majorité des autres erratiques n’ont pas été façonnés et émoussés sur place. Ces caractères sont de toute évidence hérités.
À l’instar des erratiques précambriens, les cailloux de dolomie sont relativement bien façonnés : 54,5 % appartiennent aux catégories sub-arrondis à arrondis, alors que les autres sont sub-anguleux à sub-arrondis (tabl. VI).
Origine des blocs d’estran
La très grande majorité des cailloux de la batture de l’anse au Sable sont des erratiques, c’est-à-dire des cailloux allochtones, qui proviennent de sites situés à des distances variables allant de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres.
Les plus abondants et parmi les plus remarquables sont évidemment les cailloux précambriens (roches ignées et métamorphiques), originaires du Bouclier laurentidien situé au nord de l’estuaire du Saint-Laurent, à une distance minimale de 30 km.
Quant aux erratiques de nature sédimentaire, mis à part les cailloux de dolomie dont il sera question plus loin, ils proviennent en grande partie des formations appalachiennes de la région côtière, mais aussi de l’intérieur des terres. Toutefois, certains blocs de quartzite, proviennent du Bouclier laurentidien, voire même du bassin sédimentaire de Mistassini. D’après Veillette (2006, in litteris), le bloc de quartzite blanc (fig. 10) serait un erratique glaciaire typique de la formation de Papaskwasati du Protérozoïque inférieur de Mistassini. Comme cette lithologie compte seulement pour 2 %, son importance demeure relative. À défaut d’une étude approfondie, il s’est avéré difficile de distinguer les erratiques de quartzite provenant du Bouclier de ceux ayant leur source dans les Appalaches. La plupart des cailloux de schiste sont issus des crêtes littorales environnantes et sont plutôt considérés comme autochtones. Les conglomérats calcaires polymictiques proviennent, eux aussi, des crêtes rocheuses en bordure du littoral actuel. Bien qu’il soit difficile de préciser la source, mentionnons que les plus proches affleurements se trouvent d’une part, au Rocher-Blanc et à l’Îlet à Canuel, à quelques kilomètres en aval de l’anse au Sable (fig. 2), et, d’autre part, dans la région du Bic et celle de Cap-à-l’Orignal, entre 5 et 20 km en amont. De plus, il y a quelques affleurements de conglomérat calcaire polymictique dans la région côtière sise à quelques kilomètres au sud-est du rivage de l’anse au Sable. Il existe aussi d’autres variétés de conglomérat non calcaire à l’intérieur des terres, mais peu d’erratiques en proviennent. Le cas des grès est plus complexe, car il en existe plusieurs variétés ; néanmoins, les plus fréquents sont des grès de type grauwacke présents dans les formations appalachiennes en bordure de la rive sud. Quant aux erratiques de calcaire, plusieurs sont fossilifères et devraient provenir des formations du Silurien dont les plus proches affleurements se trouvent à une douzaine de kilomètres à l’intérieur des terres. Au total, nous estimons à plus de 70 % les blocs allochtones à la surface de la batture argileuse de l’anse au Sable.
La source des erratiques de dolomie demeure difficile à préciser, car on connaît encore mal l’emplacement des formations de dolomie au Québec. On sait cependant qu’il existe diverses variétés de dolomie dans le bassin sédimentaire de Mistassini, au centre du Québec, à environ 450-500 km au nord-ouest de l’anse au Sable (Neilson, 1953). Il en existe aussi dans les formations du Silurien dans les Appalaches, en particulier dans le synclinorium entre le lac Témiscouata et le lac Matapédia (Lespérance et Greiner, 1969 ; Lajoie, 1971 ; Héroux, 1975 ; Tremblay et Bourque, 1991) ; toutefois, les descriptions sont rares. La limite septentrionale du grand synclinorium d’âge silurien est toutefois située à plus de 12 km de la rive sud du Saint-Laurent dans la région de Rimouski. Il existe en outre deux petits affleurements de silurien dans la bande côtière de l’Ordovicien, notamment à Saint-Eugène-de-Ladrière et à Saint-Mathieu, respectivement à 8 et 12 km de la rive sud de l’estuaire mais à 30 et 40 km de distance de l’anse au Sable. La source la plus rapprochée demeure la région de Sainte-Blandine, au sud de Rimouski, située à environ 12 km de l’anse au Sable (Dionne, 2003 : p. 174, fig. 4). À notre connaissance, aucune description des roches dolomitiques de ce secteur n’est disponible (Lajoie, 1971). Sans information sur la couleur, l’apparence visuelle et la structure (type marbré, laminé, stratifié, bréchique, gréseux, argileux, etc.), il est difficile de préciser les types d’erratiques de dolomie qui proviennent effectivement des Appalaches.
La présence d’erratiques de dolomie à stromatolites colonnaires, de dolomie rose ainsi que de dolomie marbrée, laminée ou bréchique de couleur grise sur les deux rives de l’estuaire (Dionne, 1994b, 2002b, 2002c, 2003 ; Dionne et Poitras, 1998a ; Dionne et Bernatchez, 2000) nous a permis d’affirmer que ces variétés, qui existent dans le bassin sédimentaire de Mistassini, provenaient vraisemblablement de cette région. Dans ce cas, il s’agit d’un déplacement sur une très grande distance (400 à 500 km). Par ailleurs, en raison de l’absence de certains types de dolomie sur la rive nord de l’estuaire maritime du Saint-Laurent, nous estimons qu’à l’anse au Sable environ 25 à 30 % des erratiques de dolomie proviendraient des formations appalachiennes. Nous ignorons cependant les sources précises.
Mode de transport et de mise en place
En raison du fort pourcentage de cailloux précambriens sur les rivages de la rive sud de l’estuaire maritime, il fut une époque où ces erratiques furent attribués d’emblée à un transport glaciaire, c’est-à-dire par l’Inlandsis laurentidien (Dawson, 1886, 1893 ; Lajoie, 1971). Plus récemment, on les a en grande partie attribués à un transport glaciel (glaces flottantes annuelles) (Dionne, 1972, 1979).
L’absence de dépôts glaciaires (till) en bordure du littoral (Dionne, 1966 ; Locat, 1978 ; Hétu, 1998), l’existence de dépôts limono-argileux caillouteux de la Mer de Goldthwait un peu partout sur le rivage et dans la bande côtière jadis submergée, de même que la présence de nombreux blocs précambriens dans des coupes pratiquées dans les terrasses argileuses ont permis de constater que la plupart des blocs erratiques avaient été délestés dans la Mer de Goldthwait lors de leur mise en place. D’où l’hypothèse d’un délestage prépondérant par des icebergs plutôt que par les glaces annuelles. En effet, le front de l’Inlandsis laurentidien en bordure de la rive nord a vêlé de grandes quantités d’icebergs dans la Mer de Goldthwait entre 13 et 10 ka. Ces derniers devaient contenir d’abondants débris comme c’est le cas dans les régions polaires (Lisitzin, 2000).
Nous soutenons donc que la majorité des erratiques précambriens ainsi qu’un pourcentage élevé des erratiques de dolomie, et probablement aussi plusieurs autres erratiques d’origine appalachienne, ont été transportés et mis en place par des icebergs. Dans un premier temps, cependant, les erratiques lointains, précambriens et appalachiens, ont été transportés par les glaciers jusqu’à la vallée du Saint-Laurent ; puis les icebergs et, dans une moindre mesure, les radeaux de glace annuelle ont pris le relais et les ont déposés sur la rive sud de l’estuaire. Certains blocs d’origine locale, comme les schistes, les conglomérats calcaires et certains grès de type grauwacke, ont de leur côté vraisemblablement été déplacés directement par les glaces annuelles comme cela arrive encore de nos jours (Dionne, 1968, 1981, 1988b, 2004b ; Dionne et Poitras, 1998b).
Toutefois, les cailloux formant les dallages sur la batture actuelle de l’anse au Sable ne résultent pas directement d’une mise en place par les icebergs. Ils proviennent plutôt, en grande partie, de l’érosion des dépôts argileux de la Mer de Goldthwait dans lesquels ils avaient été délestés. Il s’agit donc du résidu grossier laissé derrière par l’érosion en raison de l’incompétence des vagues et des courants à les déplacer. Par contre, les glaces annuelles ont joué un rôle important en les déplaçant et en les concentrant principalement sur la moitié inférieure de la batture, en particulier là où elle est argileuse. Par la suite, le couvert glaciel a exercé des pressions verticales sur les cailloux et les a enfoncés plus ou moins profondément, selon leur taille et leur forme, dans le substrat argileux, de sorte que la surface des dallages est quasi au même niveau. De nos jours, on observe encore des déplacements occasionnels de blocs (fig. 13), mais pour l’essentiel, les dallages sont relativement stables. Ils confèrent au rivage de l’anse au Sable son originalité et offrent en quelque sorte une protection contre l’érosion du substrat argileux.
Les erratiques de dolomie ont, eux aussi, été mis en place par les icebergs et les glaces flottantes après avoir été déplacés vers la vallée du Saint-Laurent par les glaciers puisqu’on n’observe pas de formations dolomitiques à proximité de la rive sud (Tremblay et Bourque, 1991 ; Dionne 2002b). Les erratiques provenant du bassin sédimentaire de Mistassini ont pour leur part parcouru quelques centaines de kilomètres avant d’aboutir sur la rive sud, notamment à l’anse au Sable.
Discussion
Le pourcentage élevé d’erratiques précambriens (plus de 65 %) sur la batture argileuse de l’anse au Sable témoigne de l’importance des processus glaciels (icebergs et glaces annuelles) au cours de la déglaciation et durant l’Holocène. Malgré la présence d’une crête appalachienne et d’une plate-forme rocheuse intertidale à l’anse au Sable, les erratiques précambriens dominent largement. C’est aussi le cas dans plusieurs autres localités de la rive sud de l’estuaire maritime (Dionne, 1972, 1979, 2005). Dans la région de Rivière-du-Loup/Trois-Pistoles, par exemple, le pourcentage d’erratiques précambriens à la surface des terrasses marines argileuses atteint en moyenne 75 % ; dans certains sites, ce pourcentage grimpe même jusqu’à 90 % (Dionne, 1972), comme si le Bouclier laurentidien était situé à proximité, alors que la côte sud du Saint-Laurent en est séparé par 20 à 30 km et par une profonde vallée sous-marine (Shepard, 1931 ; Loring et Nota, 1973).
Jusqu’à ce jour, la sédimentation liée aux icebergs a surtout été étudiée dans les régions des hautes latitudes et en milieux relativement profonds, notamment les fjords et les plateaux continentaux (Gilbert, 1983, 1990 ; Drewrey, 1986 ; Syvitski et al., 1987 ; Dowdeswell et Scource, 1990 ; Lisitzin, 2000). Le rôle des icebergs dans le délestage d’éléments grossiers dans la Mer de Goldthwait n’a été évoqué que récemment (Dionne et Poitras, 1998a ; Dionne, 2002b, 2002c, 2003, 2005).
Le pourcentage élevé d’erratiques précambriens sur les rivages de la rive sud de l’estuaire maritime (tabl. VII) permet de réaliser qu’à une époque lointaine la Mer de Goldthwait devait être infestée d’icebergs provenant du front de l’Inlandsis laurentidien en bordure de la rive nord, en particulier à l’embouchure du Saguenay, et vraisemblablement aussi avant 12,5 ka de la langue glaciaire qui occupait encore la vallée du Saint-Laurent en amont du Saguenay (Occhietti et al., 2001).
La contribution des icebergs à la sédimentation glacio-marine dans l’estuaire du Saint-Laurent (Syvitski et Praeg, 1989) ne se limite pas seulement à la fraction fine, certes abondante, mais moins éclairante sur l’origine des matériaux. Des dizaines de milliers de cailloux de tailles variées allant jusqu’à des méga-blocs de plusieurs tonnes ont été relâchés dans les eaux de la Mer de Goldthwait ; un grand nombre d’entre eux se retrouvent aujourd’hui à la surface des terrasses argileuses et sur le rivage actuel. Plusieurs ont été repris par des radeaux de glace, déplacés sur des distances variables ou concentrés sur la moitié inférieure des battures où ils forment de magnifiques dallages (Dionne, 1968, 1972, 1981, 1987, 1988b). Ceux observés dans les plages soulevées et actuelles témoignent forcément d’une mise en place par des radeaux de glace compte tenu que les icebergs impliquent généralement une profondeur d’eau relativement grande.
Les dallages et les cordons de blocs simples de l’anse au Sable ne constituent pas un véritable cordon de blocs frangeant équivalant à un « boulder barricade » ; il s’agit plutôt d’une forme commune à la rive sud du Saint-Laurent estuarien (Dionne, 1994a). Dans les sites étudiés jusqu’à maintenant, le pourcentage des blocs précambriens varie d’un site à l’autre, mais il est rarement inférieur à 30 % (tabl. VII) dans le secteur entre Rivière-du-Loup et le Cap-à-la-Baleine sur la côte nord de la péninsule gaspésienne. À Rivière-Blanche, par exemple, un secteur où le front de la calotte glaciaire résiduelle des Appalaches a atteint la rive sud du Saint-Laurent lors d’une petite récurrence, les cailloux précambriens comptent pour 53 % en moyenne dans le secteur à l’ouest du village et seulement pour 28 % à l’est, soit dans le secteur atteint par la glace appalachienne lors d’une légère réavancée du front. Ainsi, sur une courte distance, le pourcentage de précambriens chute, sans raison apparente, de 20 %. Même constat à Grosses-Roches où les précambriens comptent seulement pour 18 %, alors qu’au Cap-à-la-Baleine, à 8 km en amont, la moyenne des erratiques précambriens excède 40 %.
Il s’avère donc indispensable d’effectuer des relevés détaillés dans tous les secteurs où il existe des concentrations importantes de cailloux afin de mettre en évidence certains événements jusqu’à maintenant passés inaperçus. Signalons que les cailloux à la surface de la batture constituent des échantillons de choix pour connaître l’existence de certaines lithologies rares ou difficilement observables dans les régions boisées des Appalaches et du Bouclier laurentidien (Dionne, 2002b).
L’hypothèse d’une mise en place par des icebergs de la majorité des erratiques précambriens n’implique nullement que, lors du maximum wisconsinien, l’Inlandsis laurentidien n’ait pas recouvert les Appalaches et que l’écoulement général des glaces ait été confiné à la vallée du Saint-Laurent. Les nombreux erratiques précambriens observés un peu partout à l’intérieur des terres de la rive sud, tant dans le Bas-Saint-Laurent qu’en Gaspésie, témoignent de la présence de l’Inlandsis laurentidien dans les Appalaches à pléni-wisconsin. Toutefois, d’après les observations de terrain (Dionne, 1970, 1972 ; Prichonnet et Desmarais, 1985 ; Rappol et Russell, 1989 ; Rappol, 1993 ; Prichonnet, 1995), dans la bande côtière sise entre la limite maximale atteinte par la Mer de Goldthwait et la frontière du Nouveau-Brunswick, au sud, le pourcentage de cailloux précambriens dans les dépôts meubles, en particulier dans les dépôts glaciaires, demeure très faible. Le maximum observé dans un dépôt de gravier fluvio-glaciaire situé le long de la rivière Bleue, au Témiscouata, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Rivière-du-Loup, est seulement de 5 %. C’est pourtant le secteur où les erratiques précambriens sont les plus abondants, bien que la médiane pour 41 sites dans les dépôts glaciaires soit de 1,9 % et de 2 % pour 53 sites dans des dépôts de gravier fluvio-glaciaires.
Si l’on prend en considération l’ensemble des données pour le secteur appalachien entre les vallées du Témiscouata et de la rivière Matane, un territoire d’environ 135 km de longueur par 30 à 50 km de largeur, 207 sites ont été inventoriés, les uns dans du fluvio-glaciaire, les autres dans du till. Toutes catégories confondues (blocs et galets), les erratiques précambriens comptent pour 1 à 1,9 % dans 4,8 % des sites, alors que dans 82,6 % des sites, le nombre d’éléments précambriens va de zéro à 4 pour 1000, et dans 12,8 %, de 5 à 9 pour 1000. Bref, dans 95,4 % des sites, le pourcentage des erratiques précambriens est inférieur à 1 %.
Dans les secteurs entre les vallées des rivières Mitis et Matane, les relevés effectués par Prichonnet et Desmarais (1985) et Prichonnet (1995) confirment les données de Rappol (1993). Les erratiques précambriens sont très rares là aussi. Ainsi, sur 50 sites dans du till et du diamicton, le maximum enregistré est de 3,6 %, avec une médiane de 0 % ; dans les dépôts glaciaires, le maximum est de 2,6 %, avec une médiane de 0,4 % pour 43 sites.
Peut-on alors attribuer au renversement de l’écoulement vers la vallée du Saint-Laurent des glaces du secteur appalachien à la fin du Pléistocène un déplacement important vers le nord et le nord-est des erratiques précambriens antérieurement abandonnés par l’Inlandsis laurentidien ? D’après Rappol (1995), dans les huit comptages faits dans des coupes de till, le pourcentage de cailloux précambriens va de zéro à 1,3, avec une médiane de 0,7. Il apparaît difficile d’attribuer ce faible pourcentage des erratiques précambriens de l’intérieur des terres à un déplacement subséquent vers l’estuaire à la suite du renversement de l’écoulement des glaces sur les Appalaches. Si c’était le cas, on devrait observer sur le rivage actuel de l’anse au Sable davantage de cailloux appalachiens provenant des formations ordoviciennes et siluriennes.
On a par ailleurs déjà évoqué pour d’autres régions que la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent (Lauriol et Gray, 1980 ; Dionne, 1978a, 1978b ; Grant, 1992) le déplacement par les agents littoraux y compris les radeaux de glace annuelle des blocs glaciaires à la surface des substrats rocheux en bordure des mers post-glaciaires. Si ce processus est vraisemblable pour certains sites, il s’applique difficilement à la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent, car les erratiques précambriens sont abondants partout à la surface des terrasses, en particulier sur les dépôts argileux. Dans le secteur côtier entre Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles, par exemple, le pourcentage des blocs précambriens est en moyenne de 75 % (Dionne, 1972). Faut-il attribuer ce fort pourcentage à l’écoulement tardif des glaces appalachiennes vers le nord et le nord-est ? À notre connaissance, personne n’a jusqu’à ce jour évoqué cette hypothèse en s’appuyant sur des données de terrain ou des indices crédibles.
Conclusion
L’anse au Sable, près de Rimouski, constitue un bon exemple d’un type de rivage original fréquent sur la rive sud de l’estuaire maritime. L’estran actuel comprend trois unités : (1) un cordon littoral sablo-graveleux, mince et étroit (15-20 m) dans la partie supérieure, (2) une ancienne plate-forme rocheuse taillée dans des schistes argileux ou ardoisiers, de 30 à 50 m de largeur, dans la moitié supérieure du bas estran, et (3) une batture argileuse capitonnée de cailloux dans la moitié inférieure.
Plus de 65 % des cailloux sont allochtones et proviennent du Bouclier laurentidien situé à plus de 30 km de distance au nord de l’estuaire du Saint-Laurent. La majorité des erratiques précambriens ont d’abord été déplacés par les glaciers vers la vallée du Saint-Laurent avant d’être transportés et délestés par des icebergs dans les eaux de la Mer de Goldthwait durant la déglaciation de la vallée du Saint-Laurent entre 13 et 10 ka. L’érosion de l’argile marine au cours de l’Holocène a laissé derrière les éléments grossiers (blocs) qui ont par la suite été repris par des radeaux de glace et concentrés sur la partie inférieure de la batture argileuse où ils forment de grands dallages ou des cordons simples mais relativement larges que l’on peut appeler « cordons de basse mer » mais non « cordons de blocs frangeants » (boulder barricades).
L’abondance des erratiques lointains sur la rive sud de l’estuaire maritime permet d’affirmer le rôle sédimentaire important des icebergs lors de la déglaciation. Ainsi, les erratiques provenant des Appalaches et du Bouclier laurentidien ont été d’abord déplacés par les glaciers vers la vallée du Saint-Laurent avant d’être dispersés par des icebergs dans les eaux de la Mer de Goldthwait, puis repris plus tard par des radeaux de glace et concentrés sur la batture argileuse.
L’originalité du rivage de l’anse au Sable réside dans l’absence de dépôts glaciaires en bordure du littoral, la nature argileuse de la batture couverte de cailloux et le pourcentage élevé d’erratiques d’origine lointaine, ce qui le distingue des autres rivages couverts de cailloux fréquents dans les régions froides (Araya et Hervé, 1972 ; Jahn, 1977 ; Hansom, 1983, 1986 ; Eyles, 1988 ; Forbes et Syvitski, 1997).
Parties annexes
Annexe
Remarque sur la toponymie
Le secteur étudié porte le nom de « l’anse au Sable » ; voir la carte topographique du fédéral à l’échelle de 1/50 000 et celle du provincial au 1/20 000, ainsi que le Répertoire toponymique du Québec (Québec, 1987).
Nous ignorons l’origine de ce toponyme qui correspond peu à la réalité du lieu. D’abord, le générique « anse » s’avère inapproprié pour un secteur rocheux rectiligne d’une longueur de 7,6 km avec une zone intertidale excédant rarement 150 m de largeur (fig. 2). L’absence d’un véritable rentrant entaillant le trait de côte ne correspond pas à la définition classique d’une anse (Brochu et Michel, 1994 ; Genest, 2000). Par contre, ce générique peut s’appliquer au petit rentrant appelé « baie Hâtée », situé à l’extrémité sud-ouest de l’anse au Sable puisque les dimensions de ce petit rentrant ne correspondent pas à celles d’une baie. En outre, comment expliquer la présence d’une « baie » dans une « anse » ? Quant à la courbure du littoral à l’extrémité nord-est du secteur, d’une longueur d’environ 800 m avec un estran d’environ 300 m lors des plus grandes marées basses, il mérite peut-être d’être qualifié d’anse en raison du beau cordon littoral sableux qui le rattache au Rocher-Blanc et aussi de la présence de la falaise Micmac derrière la terrasse Mitis qui a une forme arquée. Mais traditionnellement, ce secteur est connu sous l’appellation « plage du Rocher-Blanc ».
Quant au secteur rocheux, d’une longueur d’environ 7 km, situé entre les deux petites anses mentionnées, il est contrôlé structuralement par une crête rocheuse appalachienne. Quiconque visite ce lieu est loin de percevoir une anse à cet endroit.
Par ailleurs, le qualificatif « sable » paraît, lui aussi, inadéquat, car il y a peu de sable dans le secteur central, sinon sur l’étroit (environ 20 m) et mince (30-35 cm) cordon littoral, constitué de sable grossier mais surtout de gravier et de galets, qui ourle le pied de la basse terrasse (terrasse Mitis : Dionne, 2002a), alors que la batture comprend une plate-forme rocheuse de 40 à 50 m de largeur suivie vers le large par un estran argileux recouvert en grande partie de cailloux formant dallage ou cordon. Il s’agit donc d’un autre cas de toponymie à revoir.
Remerciements
La présente contribution fait partie d’un projet de recherche sur l’évolution des rives du Saint-Laurent estuarien qui a été partiellement subventionné par le Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG). Les illustrations ont été préparées par Karine Tessier, Sylvie St-Jacques et Serge Duchesneau au Laboratoire de cartographie du Département de géographie (Université Laval). Le texte a été saisi par Pierrette Morissette. Les commentaires et les remarques faits par les évaluateurs, Pascal Bernatchez et Jean Veillette, le rédacteur-en-chef, Pierre J.H. Richard, ainsi que la rédaction ont permis d’améliorer la version finale de ce manuscrit.
Notes
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