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Selon une coutume dans plusieurs pays européens, les géographes qui ont marqué leur époque par leur enseignement et leurs travaux se voient offrir, au sommet de leur carrière ou à leur retraite, un recueil de mélanges de la part d’anciens étudiants et de collègues. Celui offert récemment au professeur Alain Godard est susceptible de faire des envieux. En effet, ce collectif de 48 contributions signées par 69 auteurs constitue un vibrant hommage à un géographe-géomorphologue qui a réalisé, selon certains jeunes collègues, une oeuvre magistrale.
Dans ce volumineux ouvrage, les articles, de longueur, d’intérêt et de poids variables, ont été regroupés sous trois thèmes principaux. Consacré aux « Socles cristallins », le premier thème comprend 18 contributions concernant diverses régions dans le monde. Plusieurs aspects y sont abordés, allant de l’architecture des socles aux caractéristiques des zones d’altération en passant par l’organisation du drainage, l’érosion aréolaire et les grands épandages détritiques des marges septentrionales du massif central. À signaler pour les lecteurs québécois, la petite synthèse de Bouchard, Jolicoeur et Peulvast intitulée « Altération et évolution géomorphologique du bouclier canadien dans le sud-ouest du Québec ».
Le deuxième thème concerne les « Domaines froids ». Il comprend 13 articles principalement de géomorphologie dynamique. Il y est notamment question des tors, des versants, des coins de glace, de la corticométrie, du paraglaciaire, des déserts dysréiques, des glaces marines dans l’Arctique et des tempêtes dans l’Atlantique nord en rapport avec les changements climatiques. À lire entre autres le texte de Denis Mercier intitulé « Le paraglaciaire, évolution d’un concept » et celui de Dominique Sellier, « Le rôle des relais de processus glaciaires et périglaciaires dans la genèse des felsenmeers ».
Le troisième thème, « Bilans d’érosion et rythmes d’évolution », totalise 17 articles traitant de sujets variés, la plupart sur des régions de France mais aussi d’ailleurs (Anatolie, Canaries, Espagne, Kabylie, Scandinavie). À lire entre autres l’article de René Neboit-Guilhot « Crises, transitions critiques et mutations morphogéniques à l’Holocène » et celui de Yvonne Battiau-Queney, « Bilan d’érosion et concept de système morphotectonique ».
En plus de l’avant-propos, l’ouvrage comprend un court texte d’Alain Godard intitulé « Les jalons d’un parcours teinté d’éclectisme », une liste de ses publications scientifiques de 1951 à 2006 (86), ainsi que la liste des thèses de doctorat préparées sous sa direction (14 thèses de doctorat d’état, 12 de doctorat de 3e cycle et 14 de doctorat d’Université nouveau régime).
Une lecture attentive de l’ensemble des contributions réunies dans cet ouvrage permet un enrichissement certain des connaissances même si quelques-unes manquent un peu de contenu. Références comprises, les textes plus courts ne font que quatre pages alors que le plus long en totalise 24 ; la médiane est de 9,5 pages. La très grande majorité sont évidemment rédigés en français (83 %), les autres en anglais, ce qui reflète la nationalité des collaborateurs, 77 % étant originaires de la France et 23 % de 8 autres pays.
Il s’agit d’un ouvrage de référence à connaître, en particulier pour les étudiants gradués ; édition soignée ; texte sur deux colonnes avec des sous-titres bien dégagés et, pour la plupart, accompagnés d’une illustration (graphiques, cartes et photographies) de bonne qualité ; plusieurs illustrations en couleurs.
Contrairement à la tendance actuelle, la part faite aux modèles dans cette publication demeure modeste. Est-ce un signe de sagesse ou un retour à la tradition ? Quoi qu’il en soit, de nombreux lecteurs apprécieront. En dehors des événements catastrophiques, en général imprévisibles, et de cas particuliers, l’évolution du relief, notamment dans les roches consolidées, requiert beaucoup de temps, de sorte que la validité des modèles peut difficilement être vérifiée à court ou à moyen terme. En conséquence, la « cartomancie » ne saurait prévaloir sur les observations de terrain bien faites et sur les données de laboratoire patiemment acquises et prudemment analysées.
Les coordonnateurs de l’ouvrage ont réalisé un beau travail qui devrait réjouir à la fois les géomorphologues et les autres spécialistes des sciences de la Terre. Le volume offert au professeur Godard constitue un magnifique témoignage de gratitude susceptible d’inspirer la relève à répéter l’exercice pour les aînés méritants.