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L’auteur du volume, qui comprend une introduction générale, suivie de neuf chapitres, annonce qu’il compte mettre l’accent sur : « les satisfactions sensuelles et interpersonnelles que procurait l’alimentation abondante et savoureuse qui était caractéristique de la Nouvelle-France » (p. 21).

Sa démonstration du « plaisir de déguster » emprunte un chemin plutôt cahoteux : si l’on excepte les deux derniers chapitres consacrés, l’un, à une cinquantaine de recettes anciennes, pour la plupart extraites des livres et traités français, l’autre à une visite guidée des trois ou quatre jardins potagers reconstitués fidèlement, dit-on, selon l’époque, les autres chapitres se présentent dans un ordre hautement discutable qui égare le lecteur le mieux disposé. Le premier chapitre présente ainsi le jardin potager comme un luxe ( !) et une nécessité, avec « un petit tour à Versailles » en prime… Il faut ensuite attendre au chapitre sept avant d’aborder les bases de l’alimentation en Nouvelle-France. Le chapitre trois présente un panorama des jardins des communautés religieuses, des nobles et de l’élite paysanne des campagnes, puis d’une « famille de censitaires sans histoire »; ce tableau général, très largement inspiré du récit de Pehr Kalm, revient à nouveau au chapitre quatre sous le titre : « Voyager et manger dans le temps avec Pehr Kalm », dans lequel l’auteur emprunte les réflexions et présente le récit inventé d’un jardinier canadien, assistant imaginaire du savant d’origine finlandaise. Bonjour la rigueur et vive la romance.

En somme, tout le volume est une compilation de témoignages d’époque et d’observations souvent répétitives et jetées plus ou moins sans apprêt ni nuances dans une grande marmite, à la manière d’un pot-au-feu traditionnel. Si le lecteur non initié peut y trouver un certain intérêt, le chercheur plus exigeant est bien forcé de déplorer qu’on tourne en rond depuis plusieurs années et que seul un renouvellement des approches permettra de s’extraire de cette sauce épaisse de connaissances générales et de clichés éculés. En fait, le thème ne pourra vraiment être rajeuni qu’à l’aide de plusieurs autres études particulières, comme celles de François Rousseau sur les Augustines (1983), à l’aide aussi de monographies locales en culture matérielle et de chantiers archéologiques bien conduits, comme ceux de Marcel Moussette sur l’île aux Oies, soit sur des sites vraiment représentatifs des différents genres de vie et de la grande diversité sociale des habitants de cette Nouvelle-France.