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Prix Lionel-Groulx – Fondation Yves-Saint-Germain

CRAIG, Béatrice, Backwoods Consumers and Homespun Capitalists : The Rise of a Market Culture in Eastern Canada (Toronto, University of Toronto Press, 2009), 349 p.

Doté d’une bourse de 5000$, le Prix Lionel-Groulx — Fondation Yves-Saint-Germain veut primer le meilleur ouvrage paru durant l’année 2009, portant sur un aspect de l’histoire de l’Amérique française et s’imposant par son caractère scientifique.

Le livre de Béatrice Craig sur l’économie et la société du Madawaska au XIXe siècle est une étude magistrale et originale, la somme de longues années de travail. Partant d’une région bien circonscrite à la frontière du Nouveau-Brunswick, du Maine et du Québec, l’auteure tire des conclusions qui peuvent s’appliquer de manière plus large aux sociétés rurales du nord-est de l’Amérique du Nord. Elle démontre ainsi toute la valeur des études de cas ciblées.

En mettant l’accent sur la capacité d’agir des hommes et des femmes du Madawaska, qu’ils soient d’origine acadienne, bas-canadienne ou autre, l’étude vient souligner l’influence des dynamiques locales sur la croissance d’une culture de marché. Elle montre avec finesse que l’économie locale, fondée sur l’agriculture et l’exploitation forestière, est loin d’être tributaire des aléas du capitalisme commercial international. Adoptant avec justesse une définition élargie du marché qui s’étend à l’ensemble des activités d’échange des ménages, à la fois de production et de consommation, l’auteure expose de manière convaincante comment l’économie du Madawaska se transforme sous l’influence de réseaux d’échange complexes autant locaux et régionaux qu’internationaux, basés en bonne partie sur les réseaux personnels de sa population hétéroclite et sur l’initiative d’agriculteurs et d’entrepreneurs locaux.

En même temps, l’étude évite la tentation de voir le développement économique uniquement en termes positifs en faisant bien ressortir les inégalités sociales et économiques importantes qui caractérisent cette microsociété.

D’une grande rigueur scientifique, l’ouvrage conjugue une gamme impressionnante de sources avec des méthodes à la fois quantitatives et qualitatives et des échelles d’analyse qui vont de la biographie individuelle à la macroéconomie, le tout fondé sur une reconstitution exhaustive des familles, des propriétés et des productions des habitants de la région. En somme, l’ouvrage de Béatrice Craig nous apporte un éclairage précieux non seulement sur le Madawaska, mais également sur l’histoire de l’Amérique française dans son ensemble.

Prix Guy-et-Lilianne Frégault

DUPUIS, Serge, « “Plus peur de l’hiver que du diable” : des immigrants aux hivernants canadiens-français à Palm Beach (Floride), 1945-1997 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 63, 4 (printemps 2010)

Le prix Guy-et-Lilianne-Frégault couronne le meilleur article publié dans le dernier volume complet de la Revue d’histoire de l’Amérique française.

Le prix Guy-et-Lilianne-Frégault 2010 est décerné à Serge Dupuis pour son article intitulé « “Plus peur de l’hiver que du diable” : des immigrants aux hivernants canadiens-français à Palm Beach (Floride), 1945-1997 » dans le numéro 4 du vol. 63 de la Revue.

Serge Dupuis y propose une étude remarquable par son originalité, son cadre théorique solide, la diversité des sources utilisées ainsi que par sa structure limpide. Cette contribution, que l’on pourrait situer au carrefour de l’histoire des migrations et de l’histoire du tourisme, fait de la localité de Palm Beach son cadre d’observation de la présence canadienne-française en Floride durant la seconde moitié du XXe siècle. Cette présence des Canadiens français en Floride (des Québécois mais aussi des Franco-Ontariens, des Acadiens…) se transforme considérablement durant la période étudiée et revêt un caractère qu’il qualifie de nationalitaire.

Alors que dans l’après-guerre la Floride constitue une destination migratoire dans une logique similaire à celle qui avait prévalu aux migrations vers la Nouvelle-Angleterre avec le soleil en supplément, celle-ci devient progressivement un lieu d’hivernement pour nombre de retraités qui n’en gardent pas moins leurs attaches au Canada. L’auteur a recours à des sources variées, dont les recensements et les archives d’associations francophones de la région de Palm Beach qui rendent l’analyse solide ; il s’appuie, par ailleurs, sur une série d’entrevues qu’il a réalisées auprès de 25 migrants. C’est à l’un d’eux que l’on doit le sous-titre évocateur de l’article « Plus peur de l’hiver que du diable ». Soulignons enfin qu’en adoptant une perspective large de la francophonie canadienne, Serge Dupuis révèle une certaine solidarité entre les Canadiens français de Palm Beach, contribuant ainsi à la réflexion sur les rapports entre Québécois et minorités francophones hors Québec.

Prix Michel-Brunet

GOHIER, Maxime, Onontio le médiateur : la gestion des conflits amérindiens en Nouvelle-France, 1603-1717 (Sillery, Septentrion, 2008), 248 p.

Le Prix Michel-Brunet couronne le meilleur ouvrage traitant d’un sujet historique, quel que soit le champ spatio-temporel, produit par un(e) jeune historien(ne) québécois(e) de moins de 35 ans.

Dans un ouvrage qui allie le récit et l’analyse, Maxime Gohier apporte un éclairage neuf aux conflits amérindiens en Nouvelle-France, dont il souligne les constantes de Champlain à Philippe de Rigaud de Vaudreuil. Maniant habilement le recours aux sources et la discussion historiographique, Maxime Gohier s’attache à montrer « l’opposition irréductible » des ambitions hégémoniques des Français et des Iroquois dans la région des Grands Lacs. Il montre comment les gouverneurs de la Nouvelle-France, s’inscrivant dans la logique diplomatique de médiation que la couronne française utilisait en Europe, s’en servaient pour mettre en place une paix générale, une Pax Gallica, entre les nations amérindiennes de la région. Les gouverneurs successifs se heurtaient aux Cinq Nations iroquoises et à leurs chefs, qui cherchaient plutôt à établir et à maintenir une Pax Iroquoia. Loin de s’en laisser imposer, ces derniers se servaient, selon les circonstances, de la guerre et de la diplomatie pour contrer les efforts des gouverneurs français et faire prévaloir leur volonté de réunir à elles les autres nations amérindiennes.

Pour Gohier, les guerres iroquoises s’expliquent non plus par une farouche concurrence commerciale, ni par un particularisme culturel, mais bien plutôt par les stratégies planifiées visant l’hégémonie politique des uns ou des autres sur la région. Dans ce contexte, les chefs iroquois sont donc des acteurs de première importance dont la « finesse politique » met souvent à l’épreuve la diplomatie médiatrice des gouverneurs français. La Grande Paix de Montréal est d’ailleurs l’objet d’une interprétation divergente dont finissent par s’accommoder les gouverneurs et les chefs jusqu’à la fin de la Nouvelle-France.

Prix de l’Assemblée nationale 2010

AIRD, Robert et Mira FALARDEAU, Histoire de la caricature au Québec (Montréal, VLB éditeur, 2009), 249 p.

Le prix de l’Assemblée nationale du Québec a pour objectif de favoriser la production d’ouvrages reliés à l’histoire politique de l’Amérique française qui s’imposent par la qualité, l’originalité et la rigueur de la recherche historique et par leur accessibilité au grand public. Ce prix a été créé à la suite d’une suggestion du Comité des prix de l’IHAF faite en 2008 lors de la remise des prix de l’Institut.

Le prix de l’Assemblée nationale est décerné cette année au livre de Robert Aird et Mira Falardeau, Histoire de la caricature au Québec (VLB éditeur). Par le prisme de la caricature, c’est en quelque sorte à une histoire des idéologies et des débats politiques que nous convie cet ouvrage puisque la caricature est une compagne privilégiée de la presse et joue un rôle crucial en démocratie. De la naissance de la caricature au lendemain de la Conquête jusqu’à l’avènement d’Internet, l’Histoire de la caricature au Québec constitue une contribution notable qui rend compte de la transformation des pratiques, de la diversité des approches ainsi que de la mutation du contexte dans lequel les caricaturistes exercent leur travail.

En primant cet ouvrage novateur, l’IHAF reconnaît non seulement la valeur intrinsèque de son contenu, mais également ses qualités en termes de diffusion de l’histoire auprès du grand public. Le livre de Robert Aird et Mira Falardeau est abondamment illustré mettant à contribution plus de 200 caricatures. Grâce à ces illustrations qui éclairent le propos, l’ouvrage peut rejoindre un vaste lectorat, répondant ainsi à l’un des critères du Prix de l’Assemblée nationale.