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Dans le numéro d’été 2007 de la RHAF, Jocelyn Létourneau qualifie mon livre La Bataille de la mémoire « d’essai d’histoire contrefactuelle [sic] ». Il est assez troublant de voir qu’un tel anglicisme se retrouve au coeur d’un texte du désormais célèbre polémiste de l’Université Laval. L’adjectif « contrefactuel » ne se retrouve dans aucun dictionnaire de la langue française. Ni dans le Larousse, ni dans le Petit Robert, ni dans le Quillet. Mais surtout il a tort.

En effet, toutes les informations sur les événements entourant la Guerre de la Conquête tels qu’ils sont relatés dans l’essai La Bataille de la mémoire sont tirées des travaux d’historiens reconnus (Guy Frégault et l’abbé Casgrain, entre autres) ou des sources elles-mêmes, notamment le journal de Lévis. Mon but n’était donc pas de corriger mes prédécesseurs, mais simplement d’éclairer les événements à partir d’un cadre d’interprétation plus moderne. Dans mon ouvrage, les faits restent les faits, que cela soit bien clair.

Étant donné que monsieur Létourneau a été directement pris à partie par Pierre Falardeau dans la préface du livre (ce qu’il cache au lecteur dans son compte rendu de mon ouvrage), je lui concède le droit de désapprouver mon travail et d’émettre une opinion défavorable. Je ne le laisserai toutefois pas dire : « Au total, on nage en pleine supputation, supposition et fiction. » Je ne vois pas en quoi réinterpréter en dehors des schèmes de l’École de Québec ajouterait une dimension « imaginaire » au récit de la Guerre de Conquête…

Il est vrai que monsieur Létourneau me reproche de m’en prendre aux historiens de l’acceptation et de faire dans l’idéologie. Sur cela, il n’a pas tort. Mais il se trompe en prétendant que La Bataille de la mémoire est une succession de « si » qui contrevient aux normes habituelles d’une étude historique. Il oublie que la Guerre de la Conquête et la bataille des Plaines d’Abraham sont, à la base, au coeur d’un réseau de significations qui font l’objet d’incessants débats dans le monde des historiens canadiens-anglais et québécois. Devant les thèses avancées par Marcel Trudel et ses successeurs voulant que la conquête britannique aurait eu du bon pour les Français-Canadiens, il me semble qu’il faut montrer ce que la Conquête a réellement détruit comme société. Par exemple, le génocide continental à l’endroit des Amérindiens est une conséquence directe de la défaite de la Nouvelle-France. Pourquoi faudrait-il continuer à le nier ? En vertu de quelle démarche soi-disant scientifique doit-on oblitérer les conséquences politiques des conflits hautement politiques que sont les guerres ?

Réponse de Jocelyn Létourneau

J’ai pris connaissance des répliques des deux auteurs. À mes précédents commentaires et critiques, je n’entends rien retrancher ni modifier.