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À partir de 1792 et durant les premières décennies du XIXe siècle, la scolarisation des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent prend un essor considérable avec la création des premières écoles dans les communautés. Il ne s’agit pas d’un phénomène banal pour l’époque, car non seulement certains villages autochtones obtiennent des institutions scolaires plus hâtivement que la majorité des paroisses bas-canadiennes, mais en plus, la plupart de ces projets sont désormais menés par des Amérindiens eux-mêmes et non plus par des communautés religieuses. Toutefois, seules deux de ces écoles perdurent tout au long du XIXe siècle, tandis que les autres sont rapidement contraintes de fermer, principalement en raison de l’opposition des missionnaires catholiques. Malgré le caractère éphémère de plusieurs de ces écoles, les nombreuses tentatives de scolarisation des Autochtones constituent une vitrine sur des enjeux sociaux et des luttes politiques qui dépassent la simple existence des établissements et leur impact purement éducatif.

L’historiographie sur l’éducation autochtone, qui s’est concentrée jusqu’ici sur les pensionnats indiens établis à partir de la fin du XIXe siècle[1], s’articule essentiellement autour du concept d’assimilation, qui paraît central dans les projets de transformation culturelle liés à ces institutions. Les écoles qui ont vu le jour dans les communautés amérindiennes au début du XIXe siècle présentent cependant une réalité très différente, qui permet de revoir les angles d’analyse et de se concentrer sur d’autres enjeux. Il sera donc question d’étudier les projets de scolarisation[2] des Autochtones en tentant de comprendre les visées des diverses institutions impliquées dans leur élaboration et leur mise en oeuvre (Église catholique, État, communautés autochtones, sociétés protestantes) et d’analyser comment ces institutions ont cherché à bouleverser ou à préserver les rapports de pouvoir locaux en place dans les villages amérindiens.

Ce texte s’intéresse à un phénomène spécifique des premières écoles autochtones au Bas-Canada : l’opposition des missionnaires catholiques à la scolarisation des Amérindiens. Cette résistance se manifeste particulièrement entre 1826, année de la première tentative par une société protestante de créer une école à Kahnawake, et 1845, moment où le clergé catholique modifie sa politique et permet désormais l’établissement de nouvelles institutions scolaires dans les communautés amérindiennes. Au début de la période, l’opposition missionnaire s’articule principalement autour de l’enjeu confessionnel, les premières écoles étant l’oeuvre de sociétés protestantes ou encore d’Autochtones ayant étudié aux États-Unis dans des institutions vouées à la propagation des idées protestantes. Dans les années 1830, les missionnaires catholiques s’opposent aussi à la création de nouvelles écoles anglophones, bien que celles-ci soient catholiques, et ce n’est qu’à partir de 1845 qu’ils toléreront finalement l’établissement d’écoles catholiques sans égard à la langue.

Cette résistance du clergé catholique ne s’explique pas seulement par les raisons religieuses ou linguistiques invoquées, mais plus fondamentalement par la nature des projets de scolarisation qui tendent à mettre en péril le statut politique des missionnaires au sein des communautés. Nous verrons que l’acquisition par certains Autochtones des connaissances de la lecture et de l’écriture vient concurrencer les missionnaires catholiques dans leur rôle de principaux intermédiaires vis-à-vis du Gouverneur ou du département des Affaires indiennes. Par conséquent, limiter l’accès à l’éducation constitue un moyen pour les missionnaires de préserver leur autorité dans la gouvernance locale des villages autochtones. Tout au long de la période, la question des écoles divise les Autochtones qui participent à cette lutte de pouvoir. Certains, principalement ceux formés aux États-Unis, deviennent d’ardents promoteurs de la scolarisation, tandis que d’autres, particulièrement les chefs, se rangent derrière l’autorité des missionnaires en s’opposant à l’établissement d’institutions scolaires.

Le contexte dans lequel évolue l’éducation des Autochtones dans la première moitié du XIXe siècle est marqué par deux phénomènes politiques : le développement du système d’éducation public au Bas-Canada et l’élaboration de la politique indienne. Cependant, ces deux éléments n’affectent qu’indirectement l’évolution des écoles autochtones. D’une part, les premières lois sur l’éducation au Bas-Canada ne s’appliquent pas aux établissements des Amérindiens ; d’autre part, la politique indienne n’amène aucun changement concret en matière d’éducation. Cela explique en partie pourquoi l’éducation des Autochtones n’a pas trouvé sa place ni dans l’historiographie relative à l’éducation au Bas-Canada ni dans celle sur la politique indienne[3].

Cette analyse s’appuie non seulement sur les archives de l’État (fonds RG10 des Affaires indiennes), mais aussi sur celles des communautés religieuses impliquées dans la promotion de l’éducation auprès des Autochtones (archives de la United Church of Canada et du Dartmouth College) et celles du clergé catholique (Archives de l’Archidiocèse de Québec). L’ensemble de cette documentation permet d’aller au-delà de la simple analyse du discours officiel véhiculé par le département des Affaires indiennes et d’obtenir la vision des différents acteurs impliqués dans l’éducation des Autochtones. Les divers projets de scolarisation véhiculés par ces acteurs, qu’ils aient perduré ou non, mettent en lumière à quel point l’éducation des Autochtones a constitué, au XIXe siècle, un enjeu fondamentalement politique.

La situation de l’éducation autochtone au début du XIXe siècle

Les tentatives de scolarisation des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent par des missionnaires catholiques remontent aux débuts du Régime français. Dès le XVIIe siècle, Marie de l’Incarnation et les Ursulines, tout comme les Jésuites du Séminaire de Québec, font la promotion de l’éducation comme outil de civilisation et de francisation des Amérindiens. Cependant, ces projets n’entraînent que peu de résultats et sont abandonnés après seulement quelques décennies. Il faut attendre la toute fin du XVIIIe siècle pour voir réapparaître des écoles destinées aux Amérindiens de la vallée du Saint-Laurent. Celles-ci ne sont cependant plus le fruit d’initiatives de missionnaires catholiques, mais bien d’Autochtones qui fondent eux-mêmes leurs propres institutions d’enseignement, l’une à Wendake, en 1792, l’autre à Odanak, en 1803[4]. Jusqu’en 1825, la scolarisation des communautés autochtones domiciliées reste toutefois un phénomène assez marginal, ces deux écoles représentant les seuls établissements au Bas-Canada voués à l’éducation des Amérindiens. À partir de la fin des années 1820, on assiste à l’émergence de nouveaux projets qui mettent de l’avant le principe de scolarisation des masses à l’égard des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent, notamment avec la création d’écoles à Kahnawake et Akwesasne. Ces deux établissements, tout comme celui d’Odanak, sont toutefois rapidement contraints de fermer, en raison de la résistance et de l’opposition des missionnaires catholiques.

À cette époque, le département des Affaires indiennes joue un rôle plutôt marginal dans la promotion de l’éducation pour les Autochtones, son unique contribution se limitant à offrir un salaire annuel de 20£ aux instituteurs qui enseignent dans les communautés[5]. Le département ne s’occupe pas à l’époque de la gestion des écoles dans les villages, tant en ce qui concerne leur création que le recrutement des instituteurs. Ces prérogatives sont entièrement laissées entre les mains des groupes religieux et des communautés amérindiennes. La politique britannique accorde à la religion majoritaire d’une paroisse l’exclusivité en matière d’éducation et protège celle-ci de l’influence d’autres communautés religieuses[6]. Les missionnaires catholiques obtiennent ainsi le contrôle de l’éducation des Amérindiens domiciliés, puisque ces derniers sont déjà tous convertis au catholicisme et disposent des services d’un missionnaire. Cela n’empêche pas, comme nous le verrons, diverses organisations protestantes de tenter d’établir des institutions scolaires dans certains villages.

En 1828, le surintendant des Affaires indiennes du Canada, Henry C. Darling, élabore la nouvelle politique de civilisation du gouvernement, qui vise à sédentariser les Amérindiens et à les inciter, à travers la christianisation et l’éducation, à abandonner leurs habitudes de vie « sauvage » et à adopter la pratique de l’agriculture[7]. Civiliser les Amérindiens constitue également un moyen de diminuer les dépenses de l’État, particulièrement dans les présents annuels distribués aux Autochtones. Selon Darling, en devenant autonomes, les Amérindiens pourront désormais assurer leur propre subsistance et ne plus dépendre des largesses de l’État[8]. Bien que plusieurs historiens aient tenu pour acquis l’impact de ces objectifs sur les populations autochtones[9], dans les faits, la politique de civilisation n’entraîne pratiquement aucun changement concret dans les communautés. En ce qui a trait à l’éducation, le département n’entreprend aucune démarche pour appliquer cette politique et développer de nouvelles écoles en vue de scolariser les Autochtones. Au contraire, dans les années qui suivent l’élaboration de la politique de civilisation, les Affaires indiennes sont touchées par des coupures financières considérables, qui réduisent leur personnel et entravent les visées du gouvernement. De plus, les missionnaires catholiques exercent un rôle important dans les communautés amérindiennes et s’opposent à l’ouverture de nouvelles écoles.

En dehors des communautés amérindiennes, le début du XIXe siècle marque également les débuts et l’essor d’un système scolaire public au Bas-Canada. Entre 1801 et 1832, l’Assemblée législative de la province adopte plusieurs lois visant à encadrer et à promouvoir le développement des écoles. La loi de 1829, dite des écoles de syndics, entraîne une augmentation considérable du nombre d’élèves, qui passe ainsi de 18 410 à 45 203, en deux ans seulement[10]. Les lois scolaires de 1829 et de 1832, plus particulièrement, permettent d’accroître l’accès à l’éducation et posent les bases du système scolaire public bas-canadien[11]. Ces législations adoptées par la Chambre d’assemblée n’ont toutefois pas d’impact direct sur les Autochtones, qui relèvent de l’administration des Affaires indiennes. Ceux-ci sont néanmoins bien au fait de l’évolution de la réalité bas-canadienne, comme en témoignent les chefs d’Akwesasne, qui manifestent en 1836 leur désir « to be put on a footing with our brethren the White Skins, who we are informed have their children educated at the public expense[12] ». Ainsi, sans être directement affectées par les lois scolaires du Bas-Canada, les communautés amérindiennes de la vallée du Saint-Laurent cherchent à profiter de l’essor de ce système scolaire public. Même si elles en sont tenues à l’écart, elles sont néanmoins affectées par les mêmes courants idéologiques visant à établir un système d’éducation universel, financé publiquement.

Catholiques et protestants : deux vision différentes de l’éducation

Durant la première moitié du XIXe siècle, deux visions bien distinctes de l’éducation s’affrontent au Bas-Canada : l’une promue par le clergé catholique, l’autre par les différentes congrégations protestantes. Pour le clergé catholique, l’enseignement de la religion et l’apprentissage du catéchisme priment, aux dépens parfois de l’éducation formelle et des connaissances de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique. Contrairement aux protestants, les autorités catholiques s’opposent à la lecture de la Bible, le clergé devant servir d’intermédiaire entre le texte et les croyants[13]. Lorsqu’une communauté protestante tente d’implanter une école à Kahnawake, en 1826, le missionnaire Joseph Marcoux rappelle à l’instituteur protestant l’importance de l’autorité cléricale :

Seulement, je vous dirai au sujet du livre que vous soumettez à mon inspection, que, pour nous autres catholiques, une bible sans autorité, c’est à dire un livre qui n’a d’autre mérite que celui de porter le titre bible n’est pas plus bible pour nous qu’un autre livre quelquonque, et qu’une telle bible n’a pas plus d’autorité parmi nous que n’en aurait par exemple une simple copie de lettre ou de contrat sans témoins compétents de sa conformité avec l’original[14].

Les missionnaires établis dans les villages autochtones, iroquois plus particulièrement, se montrent réticents à l’usage de livres religieux. Comme l’indique l’agent d’Akwesasne, Solomon Y. Chesley, le missionnaire François-Xavier Marcoux interdit même aux Amérindiens de posséder ces livres :

The only Religious instruction that the Indians get is from the Resident Missionary, & that instruction (as I am informed) is confined to the Catechism. The reading or possessing [of] any Religious Book except a small hymn Book printed at Montreal is strictly forbidden [to] the Indians by the Priest, and so long as the Indians are under this influence much good in a Religious sense cannot be expected to result from education whatever might be the benefits in other respects[15].

Attachés à la lecture de la Bible, les protestants tiennent davantage au développement de la scolarisation et de l’alphabétisation que les catholiques. L’école est donc perçue comme un moyen efficace de diffusion de la religion à l’ensemble de la société et les congrégations protestantes y voient un outil particulièrement utile pour acquérir de nouveaux fidèles dans les villages autochtones.

La question raciale influence également le rapport à l’éducation. Protestants et catholiques considèrent tous deux les Indiens comme une race inférieure. Pour les premiers, cependant, l’éducation constitue un moyen d’émancipation, devant permettre aux Amérindiens d’atteindre un niveau de civilisation supérieur[16]. L’évêque catholique Joseph Signay, pour sa part, n’adhère pas à cette politique et se montre nettement plus pessimiste à l’égard du potentiel des Autochtones :

I consider it as certain, that our Indians (I mean those residing in villages), have no desire whatever of making more progress in civilization than at present. […] One may succeed in imparting to them a slight knowledge of letters in their younger days, […] but experience as shown […] that it would be losing one’s time to attempt to create in them a feeling of disgust for the roaming life which they think themselves destined to lead[17].

Signay ne s’oppose pas pour autant à toute forme d’éducation pour les Amérindiens, mais considère « perfectly useless, to attempt to impart to our Indians any other knowledge than that of their religion ». L’évêque indique aussi clairement que cette instruction doit se faire « entirely under the superintendence of the missionaries »[18]. Les autorités catholiques encouragent donc peu l’acquisition de connaissances scolaires pour les Autochtones et priorisent un contrôle strict de l’éducation par les missionnaires.

Dans les villages amérindiens de la vallée du Saint-Laurent, limiter l’accès à la scolarisation permet aux missionnaires catholiques de garder un certain monopole sur la lecture et l’écriture. Contrairement aux Hurons de Wendake, qui emploient couramment le français au début du XIXe siècle, la majorité des Iroquois de Kahnawake, d’Akwesasne et de Kanesatake utilisent encore leur langue première[19]. Les missionnaires et les interprètes constituent donc des intermédiaires essentiels entre les Amérindiens et le gouvernement et la plupart des demandes adressées aux autorités politiques, sous forme de pétitions, doivent passer entre leurs mains[20]. Restreindre l’accès aux écoles constitue ainsi un moyen pour les missionnaires catholiques de maintenir leur rôle politique prédominant au sein des villages des domiciliés.

Le missionnaire de Kahnawake, Joseph Marcoux, représente un exemple extrême du contrôle catholique sur les communautés autochtones. Avant d’être affecté au village de Kahnawake en 1819, Marcoux avait appris l’iroquois lors de sa formation de prêtre, à la mission d’Akwesasne. Après de nombreuses années à travailler sur une grammaire et un dictionnaire iroquois, Marcoux termine finalement ses ouvrages en 1827. Rapidement, son dictionnaire iroquois attire la curiosité de nombreuses personnes. Pour les communautés religieuses, cet ouvrage aurait permis aux missionnaires de s’initier rapidement à cette langue et d’entrer plus facilement en contact avec les nations iroquoises du Bas-Canada et du Haut-Canada. Lorsque l’évêque protestant de Québec apprend que le livre est terminé, il écrit à Bernard-Claude Panet, l’évêque catholique de Québec, pour savoir quand l’ouvrage sera publié et insiste pour qu’il soit imprimé à Montréal[21]. Le dictionnaire iroquois ne sera pourtant jamais publié[22]. Un document rédigé quelques années plus tard par William Plenderleath Christie, protestant et ardent défenseur de l’éducation autochtone, nous informe des raisons de cette non-publication :

At that time the last [Joseph Marcoux] had just completed an Iroquois Dictionnary, begun by his predecessors. I requested a sight of it, which was granted, when the following dialogue took place between the Priest and myself : I congratulated him on the termination of his labor, I hoped he would send it to the press, as many persons would be glad to purchase such a curiosity. He replied that he had no such intention. I then inquired of what use it was ? His answer was, for the Mission. Thus it appeared that the labor which may have commenced before the conquest, was only designed to give the Priest control over the Chiefs, and through them to rule the community. For neither Chiefs nor people were ever taught the language[23].

Pour Christie, le dictionnaire de Marcoux représente un instrument de contrôle et non un outil éducatif. Cet événement témoigne bien de la compétition entre les communautés protestantes et catholiques en ce qui a trait à l’éducation. D’une part, des protestants comme William Christie dénoncent le comportement des missionnaires catholiques et accentuent le manque d’éducation et de connaissances des langues anglaise et française des Autochtones, afin de valoriser la création de nouvelles écoles. D’autre part, le missionnaire Joseph Marcoux cherche à garder son avantage linguistique, afin d’établir des liens plus étroits avec les Iroquois. L’éducation et l’apprentissage du français et de l’anglais se trouvent donc au coeur d’un conflit à la fois religieux et politique.

La lutte des catholiques contre les école autochtones protestantes

Dès 1826, certaines sociétés protestantes tentent d’investir le domaine scolaire des Amérindiens domiciliés, soit par l’intermédiaire d’instituteurs autochtones, soit en créant directement des écoles dans les villages. Des protestants fondent des établissements autant à Kahnawake, à Odanak, qu’à Akwesasne, mais dans tous les cas, l’opposition du clergé catholique finit par entraîner leur fermeture. La résistance des missionnaires catholiques, qui semble de prime abord dirigée uniquement contre l’éducation protestante, se manifeste aussi par la suite contre les institutions dirigées par des catholiques anglophones. En réalité, de 1826 à 1845, les missionnaires catholiques semblent opposés à tous les projets scolaires destinés aux Autochtones, puisqu’ils ne tentent jamais eux-mêmes de créer des écoles en recrutant des enseignants catholiques et francophones. Toutefois, une seule école, celle de Wendake, créée en 1792 et dirigée par des Hurons durant toute la première moitié du XIXe siècle, réussit à poursuivre ses activités sans l’opposition des missionnaires catholiques[24].

Les premières tentatives pour établir des écoles protestantes dans des villages autochtones du Bas-Canada remontent à 1826. Selon Duncan C. Napier, surintendant des Affaires indiennes du Bas-Canada, la Society for promoting education and industry in Canada, d’affiliation protestante, cherche cette année-là à fonder une école à Wendake et à Kahnawake[25]. Malheureusement, on ne sait que très peu de choses sur le cas de Wendake, si ce n’est que l’opposition du missionnaire catholique Thomas Cooke fait rapidement échouer le projet[26]. Toutefois, les événements à Kahnawake sont plus éloquents et caractérisent bien la lutte entre catholiques et protestants à l’époque.

En 1825, le révérend congrégationaliste Thaddeus Osgood fonde la Society for promoting education and industry in Canada. Natif du Massachussetts, Osgood étudie au Dartmouth College, à Hanover au New Hampshire, puis est envoyé par la Society for propagating the gospel (SPG) prêcher dans différentes communautés indiennes des États-Unis et du Canada[27]. Voulant démarrer un projet d’éducation pour les Amérindiens du Canada, mais aussi pour les pauvres et les nouveaux immigrants qui ne disposent pas des ressources suffisantes, Osgood se rend à Londres, où il gagne l’appui de personnalités influentes qui l’aideront financièrement dans ses démarches[28].

Peu après la fondation de cette société, Thaddeus Osgood ouvre une école à Kahnawake en 1826 avec l’approbation du gouverneur George Ramsay Dalhousie. Osgood ne consulte cependant ni l’évêque catholique du district ni le missionnaire du village Joseph Marcoux, si bien que le clergé apprend l’existence de l’école après sa création. L’école de Kahnawake attire dès sa création plusieurs élèves iroquois, mais se bute rapidement à l’opposition catholique. L’évêque auxiliaire à Montréal, Jean-Jacques Lartigue, qui compte dans son district la communauté catholique de Kahnawake, exprime sa frustration à l’archevêque de Québec :

Une clique de ministres & maîtres d’école d’Angleterre est venue fondre sur mon district, & deux d’entr’eux, sans en prévenir le missionnaire, se sont déjà établis parmi les Sauvages du Sault St. Loüis, où ils ne manqueront pas de faire beaucoup de mal aux Sauvages, sous prétexte de les éduquer. Vous pourriez peut-être faire entendre raison là-dessus au Gouverneur qui paroît si opposé au mêlange des Blancs avec les Sauvages, puisqu’il ne veut pas qu’il se marient entre eux, & obtenir un ordre pour les faire déguerpir au plutôt : le danger est urgent pour ce village[29].

En accord avec son évêque, l’archevêque de Québec intervient auprès du gouverneur Dalhousie. Ce dernier, bien qu’ayant préalablement autorisé Osgood à fonder une école à Kahnawake, se rétracte face aux objections du clergé catholique. Dalhousie va même jusqu’à interdire à la Society for promoting education and industry d’établir des écoles protestantes dans les villages amérindiens placés sous la tutelle des missionnaires catholiques[30].

L’attitude du gouverneur Dalhousie semble à première vue contradictoire. Cependant, le gouverneur tente de comprendre pourquoi le missionnaire catholique s’est opposé au projet et charge ainsi les avocats George Pyke et Jean-Marie Mondelet d’enquêter sur l’événement. Par les questions formulées par les deux avocats, on peut présumer que le gouverneur, en permettant la création d’une école à Kahnawake, cherchait à voir qu’elle serait la réaction du missionnaire catholique à l’ouverture d’une institution protestante. En effet, lors de son enquête, la délégation tente de comprendre les causes de la fermeture de l’établissement scolaire, mais aussi d’observer les conditions qui auraient permis le maintien d’une école. Dans leur rapport, Pyke et Mondelet soulignent la résistance du missionnaire Joseph Marcoux, qui aurait déclaré « that he would not countenance or support the school as he conceived it was calculated and intended to weaken the Catholic principles of those children and withdraw them from his Church ». Pourtant, Thaddeus Osgood, quoique protestant, défend officiellement l’idée que les écoles doivent être non confessionnelles. D’ailleurs, les chefs iroquois informent Pyke et Mondelet que l’instituteur n’a pas enseigné la religion aux enfants. La délégation demande enfin à Marcoux s’il accepterait un poste de surintendant ou de visiteur de l’école, mais ce dernier refuse l’offre[31]. Le rapport remis au gouverneur Dalhousie laisse donc entendre que le missionnaire Marcoux est à l’époque opposé à la scolarisation des Autochtones, puisqu’il n’accepte pas les conditions permettant l’implantation d’une école non confessionnelle au village ni même ne propose une école catholique.

Ce même genre d’opposition des missionnaires catholiques à l’établissement d’écoles dirigées par des protestants se produit également à Odanak et à Akwesasne. Dans ces deux cas, ce sont des Autochtones et anciens étudiants de la Moor’s Indian Charity School[32], Eleazar Williams et Pierre-Paul Osunkhirhine, qui fondent ces écoles et non des sociétés protestantes directement. Ces deux Amérindiens, convertis au protestantisme, connaissent bien leur communauté et possèdent un avantage linguistique dont la Society for promoting education and industry n’a pas pu bénéficier dans le cas de Kahnawake.

Ayant grandi à Odanak, Pierre-Paul Osunkhirhine, surnommé Masta, profite d’une subvention de la Scottish Society for Promoting Christian Knowledge (SSPCK) et des relations établies à la fin du XVIIIe siècle entre les Abénaquis et le révérend Eleazar Wheelock[33], pour s’instruire à la Moor’s Indian Charity School et au Dartmouth College. Son passage aux États-Unis est déterminant. Non seulement il y reçoit une éducation supérieure, mais à la suite de son séjour, il délaisse la religion catholique, se convertit au protestantisme et devient ministre de l’Église méthodiste. Ses nouvelles fonctions et son éducation lui permettront de laisser de nombreux écrits, témoignages de l’importance de la scolarisation et du pouvoir des connaissances de la lecture et de l’écriture. Auteur prolifique, Osunkhirhine entretient d’abondantes correspondances avec son Église et le département des Affaires indiennes, en plus de rédiger un dictionnaire abénaquis, des manuels scolaires et de traduire la Bible dans la langue de sa communauté[34].

La première école à Odanak avait été fondée en 1803 par François Annance, mais après son décès en 1826, le missionnaire catholique s’est opposé à la nomination de Simon Annance comme nouvel instituteur, ce qui a entraîné la fermeture de l’école[35]. À la fin des années 1820, Pierre-Paul Osunkhirhine se présente comme un candidat de choix aux yeux des Abénaquis qui pétitionnent le gouverneur James Kempt, afin qu’Osunkhirhine enseigne aux enfants « both the English and the French languages, so that the children may be trained up in such a manner as to exercise and improve their intellectual powers to examine and prove all things without prejudice[36] ». Osunkhirhine obtient ainsi le poste d’instituteur à Odanak en 1829. Son école connaît rapidement un vif succès, accueillant quarante-deux élèves dès la première année[37]. Il éprouve cependant des difficultés financières et l’école doit cesser ses activités pendant quelques mois, pour reprendre ensuite de façon régulière, de 1830 à 1835[38].

Toutefois, la nomination de Pierre-Paul Osunkhirhine soulève l’ire des catholiques. Les missionnaires d’Odanak qui se succèdent dans les années 1830 tentent tous de contrer l’influence du nouveau maître d’école à l’aide d’une stratégie simple et efficace : refuser les sacrements de l’Église à tous les Autochtones qui envoient leurs enfants à l’école. L’archevêque de Québec rappelle même à son missionnaire d’Odanak, Noël-Laurent Amiot, qu’il s’agit là d’un devoir catholique :

Monsieur, vous ne faites que votre devoir en défendant aux sauvages et autres catholiques d’envoyer leurs enfans ou ceux qui dépendent d’eux à l’école de ce sauvage imbu d’une doctrine Anti-Catholique. […] Ainsi vous devez refuser aux sacremens les sauvages & les Canadiens qui ne veulent pas s’y conformer[39].

Grâce à cette politique, les missionnaires catholiques réussissent à décourager bon nombre Abénaquis d’envoyer leurs enfants à l’école. En 1833, le nombre d’élèves passe de quarante-deux à douze[40]. De plus, comme le mentionne Osunkhirhine, « The priest gained upon the Chiefs of this tribe to make complaints against me to the Government that my appointment as schoolmaster may be taken away[41]. » Les chefs d’Odanak se rangent donc majoritairement du côté du missionnaire et s’opposent à leur tour à ce qu’Osunkhirhine reste maître d’école.

En 1832, trente Abénaquis signent une pétition rédigée par le missionnaire Joseph Bellenger, à l’intention du surintendant des Affaires indiennes de Montréal, William McKay, pour se plaindre du comportement d’Osunkhirhine :

Pierre Paul Osonkhilaïn met le trouble et la confusion parmi nous en enseignant principalement aux femmes et aux enfans une doctrine qui nous est étrangère et qui nous détourne non seulement de la religion que nous avions toujours suivie, mais qui occasionne parmi les plus proches parens des disputes de Religion[42]

Ces plaintes se rendent jusqu’au gouverneur du Bas-Canada, qui condamne la conduite d’Osunkhirhine et l’interdit de toute interférence avec la religion de la majorité catholique[43]. Mais cette réprimande de la part du gouverneur ne satisfait ni le missionnaire catholique ni les chefs, qui continuent à s’opposer au maître d’école et à exiger son départ. Ceux-ci envoient une nouvelle pétition, en 1834, demandant le renvoi de l’instituteur Osunkhirhine, l’accusant d’avoir manqué plusieurs jours de classe et de détourner les enfants de leur religion[44]. À la suite de cette pétition, le nouveau surintendant des Affaires indiennes de Montréal, James Hughes, est chargé d’enquêter sur les plaintes formulées par les chefs et le missionnaire. Dans son rapport, Hughes mentionne que ces plaintes sont sans fondement. Selon lui, la plupart des problèmes qui surviennent dans les villages autochtones proviennent plutôt de l’attitude des missionnaires :

You will perceive that the chiefs their present could bring no good founded accusations against him [Osunkhirhine], of his having tempered with his Indian scholars, or made use of any means whatever to try and convert them from the Roman Catholic faith […] The Missionaries I am sorry to say in all the villages are so fond of meddling with things that do not at all concern them, and are actually the cause of all the dissentions and difficulties that take place in the Indian villages[45].

Le surintendant des Affaires indiennes du Bas-Canada, Duncan C. Napier, doit toutefois se rendre à l’évidence : Osunkhirhine ne peut poursuivre son travail d’instituteur en raison de l’opposition qui règne à Odanak. Selon Napier, le missionnaire d’Odanak avait réussi à fomenter une conspiration contre Osunkhirhine basée sur leurs différences religieuses :

I have taken very great pains to inquire into the complaints ; which a few of the Chiefs of the Abenaquois Tribe, at the instigation of their missionary, have preferred against P. P. Osunkhirhine, the present schoolmaster at St. Francis, and from the result of my inquiries I feel satisfied, that the Parties to the Petition have formed a conspiracy against this young man, with a view to obtain his removal from the Indian Department, and, that the charges have originated in Religious animosity, altogether, the Schoolmaster being a Methodist, and a convert from the Church of Rome[46].

Finalement, en 1835, l’opposition catholique a finalement raison de Pierre-Paul Osunkhirhine et celui-ci perd son poste de maître d’école. Nous verrons toutefois dans la prochaine section qu’Osunkhirhine parvient à maintenir une école non officielle après son renvoi.

Dans ce conflit, les chefs d’Odanak semblent appuyer majoritairement leur missionnaire, probablement parce qu’ils sont eux-mêmes catholiques et en raison de l’autorité que détient le missionnaire sur la communauté. Les documents d’archives ne permettent toutefois pas de comprendre clairement la pensée des chefs, puisque les pétitions qu’ils signent sont presque toujours écrites par des missionnaires qui ont leur propre motivation à formuler des plaintes au gouvernement.

Le cas d’un autre ancien étudiant de la Moor’s Indian Charity School, Lazar On8arenhiaki, mieux connu sous le nom d’Eleazar Williams, ressemble beaucoup à celui d’Osunkhirhine. Né à Kahnawake, Williams est envoyé dès sa jeunesse dans l’État de New York pour y recevoir une éducation protestante. Après quelques années, ses tuteurs décident de le placer à la Moor’s School, mais Williams quitte l’école après seulement quelques semaines en raison de son état de santé. Ordonné ministre de l’Église épiscopale, Williams oeuvre pendant plusieurs années auprès des Oneidas et de plusieurs autres nations de l’Ouest, avant de revenir fonder le premier établissement scolaire du village iroquois d’Akwesasne, en 1835[47].

Cette première école d’Akwesasne voit le jour grâce à une collaboration entre l’agent des Affaires indiennes résidant au village, Solomon Y. Chesley, et certains protestants promoteurs de l’éducation, comme le recteur de Cornwall, George Archbold, et William Plenderleath Christie[48]. Le 9 juillet 1835, Eleazar Williams commence à enseigner à dix-sept élèves iroquois, nombre qui augmente graduellement au fil des semaines[49]. Toutefois, le missionnaire catholique François-Xavier Marcoux n’avait pas consenti à la création de l’école. Comme dans le cas d’Odanak, le missionnaire d’Akwesasne défend aux Autochtones de fréquenter l’institution scolaire protestante et refuse les sacrements aux parents qui y envoient leurs jeunes, les menaçant même d’excommunication[50]. La forte influence de Marcoux sur les chefs d’Akwesasne et la population iroquoise incite une majorité de parents à retirer leurs enfants de l’école. Les chefs, bien qu’ayant consenti à l’établissement d’une école et voulant une éducation pour leurs jeunes, ne souhaitent pas se dresser contre l’opinion de leur missionnaire, comme le souligne l’agent des Affaires indiennes du village :

I had the question to them [les chefs d’Akwesasne], if it was their desire to have a school and if they approved of Mr. Williams as its teacher : to which they all separately & distinctly answered in the affirmation, & signed a writing to that effect, which is in my possession. One of the Chiefs named Teosarakwentie signing, said that he wished a school, but he wished at the same time not to displease his Priest. That he would not like to be turned out of the Church as some who had been & that he hoped their Father the Governor would not allow Mr Marcoux to exercise his Ecclesiastick authority in a bad manner over them for doing what their great father recommended[51].

Les chefs autochtones réclament donc deux choses : d’abord de maintenir de bonnes relations avec leur missionnaire et l’Église catholique, mais aussi que le gouverneur intervienne pour protéger l’école des Iroquois, menacée par les abus de pouvoir de ce même missionnaire.

Malgré les pressions exercées par l’Église catholique, Eleazar Williams maintient son école qui accueille même jusqu’à vingt-quatre élèves au début de l’année 1836[52]. Cette continuité de l’établissement protestant irrite le clergé catholique qui se mobilise pour obtenir la fermeture de l’école. Le 5 octobre 1835, le missionnaire d’Akwesasne, François-Xavier Marcoux, se plaint à l’évêque auxiliaire Jean-Jacques Lartigue (qui deviendra le premier évêque de Montréal en mai 1836) du comportement de l’agent des Affaires indiennes, Solomon Y. Chesley, qui aurait encouragé et soutenu l’école protestante[53]. Même le missionnaire de Kahnawake, Joseph Marcoux, qui connaissait bien Eleazar Williams puisque celui-ci était originaire de Kahnawake, fait pression sur l’évêque de Québec afin que ce dernier intervienne auprès du gouverneur[54].

L’opposition du clergé catholique atteint son point culminant le 23 mars 1836, lorsque l’évêque de Québec, Joseph Signay, remet une lettre au gouverneur Gosford, accompagnée d’une pétition des Iroquois d’Akwesasne comportant 116 signatures. Ce document réclame l’expulsion d’Eleazar Williams du village et dénonce le comportement de l’agent Solomon Y. Chesley. Dans sa lettre, Signay manifeste son opposition à ce que Williams et Chesley, deux employés des Affaires indiennes, se permettent de « prêcher une doctrine étrangère à celle que professent les Sauvages de l’endroit »[55]. Les charges contenues dans la pétition sont encore plus virulentes. Les Iroquois qualifient Williams de « traitor to his country », pour être devenu ministre protestant, et accusent même Chesley d’avoir falsifié une pétition[56]. L’accusation de falsification est prise au sérieux par le gouverneur qui demande aussitôt que le juge de paix John Davidson mène une enquête sur cette requête des Iroquois, afin de connaître plus en détail les récriminations de ceux-ci[57].

La pétition des Iroquois d’Akwesasne reprenait exactement les mêmes accusations que celles qu’avait formulées François-Xavier Marcoux à son évêque Jean-Jacques Lartigue dans sa lettre du 5 octobre 1835. Cela ne relève pas du hasard. En enquêtant sur les signataires de la pétition, John Davidson interroge Michel Gaiheonhate, qui déclare avoir apposé contre son gré et sous la direction du missionnaire Marcoux, les noms de plusieurs Iroquois alors absents du village ainsi que les noms de certains Iroquois américains :

That deponent [Gaiheonhate] remonstrated against signing the names of persons who were not present to a paper intended to be sent to the Governor, and that Mr Marcoux, told this deponent in the presence of the other there Indians, not to be afraid if any trouble should come in consequence, he Mr Marcoux would see to it, with this assurance & not knowing that the petition contained any charge against Mr Chesley, deponent did write his own name and that of one hundred and fifteen other Indians to the said petition, amongst whom was the name of the said Saksarias Ariweniontha a British Chief, and a great many others that he knew were absent from the village at that time and a long time before[58].

Au moment où la pétition avait été signée, les douze chefs britanniques[59] d’Akwesasne étaient absents du village. Lorsque cinq d’entre eux apprennent qu’une requête a été envoyée en leur nom au gouverneur, ils décident d’aller à leur tour s’expliquer devant le juge Davidson. En prenant connaissance de la pétition, les cinq chefs d’Akwesasne remarquent que le nom du chef britannique Ariweniontha a été inscrit « without the presence or consent of him ». Les chefs dénoncent aussitôt les propos de la pétition :

[…] we the Chiefs herewith subscribed, do wholly disavow the sentiments exposed in said petition, and that it was got up without the knowledge or consent of us or any of us and we further do know, that the sentiment we here express is that of three other Chiefs, who, are acquainted with and expressed their opinion on the subject, who are prevented from attending the council[60]

L’enquête de Davidson démontre clairement que la pétition des Iroquois d’Akwesasne a été falsifiée par le missionnaire du village François-Xavier Marcoux et son allié Joseph Teorakaron. Sur les 116 signatures apposées sur la pétition, 89 sont celles de personnes absentes lors de la rédaction de la requête, partis pour la saison de la chasse. De plus, parmi les Iroquois présents au village lors de l’investigation de Davidson, seulement deux signataires se déclarent en faveur de Marcoux et des propos de la pétition, tandis que 21 chefs et guerriers affirment ouvertement leur appui à Williams et à l’agent Chesley[61].

Malgré la falsification d’une pétition par François-Xavier Marcoux, le secrétaire civil du Bas-Canada, Stephen Walcott, n’impose aucune sanction au missionnaire[62]. Au final, l’Église catholique obtient même raison, puisque le gouverneur lord Gosford retire Williams du poste de maître d’école d’Akwesasne[63]. Gosford avait une réputation de conciliateur, qu’il avait brillamment employée en Irlande auprès des catholiques[64]. Nommé gouverneur du Bas-Canada le 1er juillet 1835, il devait laisser une liberté plus grande à l’Église catholique, afin d’apaiser les troubles politiques de la province. Mais cette politique conciliatrice entrave le développement des écoles dans les communautés autochtones. Pour les Iroquois d’Akwesasne, non seulement ces événements entraînent la fermeture du tout premier et seul établissement scolaire du village, mais aussi, et surtout, une profonde division au sein de la communauté qui devait choisir entre soutenir le missionnaire ou le maître d’école, entre la religion et la scolarisation.

Étant autochtones et protestants, Eleazar Williams et Pierre-Paul Osunkhirhine s’intègrent dans la rivalité et la lutte de pouvoir entre protestants et catholiques. À cet égard, la vision du surintendant (par intérim) des Affaires indiennes à Montréal, William McCulloch, évoque bien les rapports entre Osunkhirhine et le missionnaire d’Odanak : « I would remark that the Schoolmaster, (being a Protestant & methodist), and his Convert, are as eager to gain Proselytes, as the Roman Catholic Missionary is to prevent any interference with the Flock[65]. »

L’opposition à l’enseignement en anglais : la fermeture des écoles d’Odanak et de Kahnawake

La résistance du clergé catholique à l’ouverture d’écoles dans les villages autochtones ne vise pas que l’enseignement protestant, mais aussi l’enseignement anglophone. Pourtant, lors de la création des nouvelles écoles à Kahnawake (1826), à Odanak (1829) et à Akwesasne (1835), toutes dirigées par des anglophones, l’argument de la langue n’est jamais utilisé par le clergé catholique pour s’opposer aux écoles. En effet, les missionnaires dénoncent plutôt l’ingérence des protestants dans l’éducation de jeunes catholiques. Cependant, lors de la réouverture des écoles d’Odanak et de Kahnawake avec des instituteurs catholiques et anglophones, en 1835, les missionnaires affichent clairement leur désaccord envers l’éducation de langue anglaise. Bien que les conflits entourant les écoles anglophones demeurent moins véhéments que ceux concernant les écoles protestantes, les missionnaires maintiennent une attitude d’opposition envers toute forme de scolarisation pour les Autochtones.

En 1835, à la demande du clergé catholique d’éduquer les enfants des villages autochtones dans la religion de la majorité, le département des Affaires indiennes engage Martin McDonnell et Jacob Picard, respectivement comme instituteurs d’Odanak et de Kahnawake. L’évêque catholique de Québec approuve même la nomination de l’instituteur d’Odanak. Dans une lettre au gouverneur Gosford, il déclare que McDonnell est « un homme de probité, et dont la présence ne saurait porter ombrage aux habitans du village[66] ». McDonnell remplace donc Pierre-Paul Osunkhirhine, renvoyé en raison de ses convictions religieuses. À Kahnawake, les chefs du village décident lors d’un conseil de nommer Jacob Picard maître d’école[67]. Picard, un Huron de Wendake, maîtrise le français et avait appris l’anglais à l’école de Charles Forest à Châteauguay[68]. Cette nomination, faite à la demande des chefs, révèle l’intérêt des Autochtones pour l’éducation.

Les écoles anglophones de McDonnell et Picard engendrent une opposition moins forte que celles des protestants. Rappelons qu’en 1835, le clergé catholique lutte encore pour faire fermer l’école d’Eleazar Williams à Akwesasne. Cependant, Picard et McDonnell font tout de même face à la résistance des missionnaires catholiques qui n’acceptent pas que ces deux maîtres d’école enseignent uniquement en anglais[69]. En utilisant leur influence, les missionnaires réussissent une fois de plus à limiter le nombre d’élèves fréquentant ces deux écoles. Le surintendant des Affaires indiennes du district de Montréal, James Hughes, ne manque pas de souligner ce phénomène :

I beg have to represent for the consideration of His Excellency the Govr [Governor] in Chief, that Missr. McDonnell and Jacob Picard the schoolmasters in the In [Indian] Dept [Department] at the villages of St. Francis & Caughnawaga, have for some time past been deserted by their Indian scholars, and I am sorry to say, that this thro’ the opposition of the R. [Roman] Catholic missionr [missionary][70].

Duncan C. Napier fait le même constat que Hughes et se désole d’observer que même après avoir nommé des instituteurs catholiques, l’opposition des missionnaires à l’éducation persiste dans les villages autochtones :

In the Month of August 1835, the late Commander of the Forces appointed English teachers of the Roman Catholic persuasion, to conduct the Indian Schools established by his Lordship, at Caughnawaga and St. Francis, but it would appear that the objection to the Language continues to persist with equal force at both places[71]

La politique du clergé catholique contre l’éducation de langue anglaise semble se développer seulement après l’ouverture des écoles de McDonnell et Picard. En effet, en octobre 1835, lors du conflit avec Eleazar Williams, l’évêque Jean-Jacques Lartigue recommande au missionnaire d’Akwesasne de trouver « un maître catholique d’anglois ou de françois » pour remplacer l’instituteur protestant, « en cas que le Gouvernement exige qu’il y ait un maître d’école à St-Régis pour les Sauvages[72] ». Bien que le missionnaire d’Akwesasne n’ait pas effectivement cherché de nouvel enseignant, on constate que, quelques mois avant l’embauche de McDonnell et Picard, le clergé catholique n’est pas récalcitrant à l’idée d’obtenir un enseignant catholique et anglophone. L’opposition de l’Église catholique à la scolarisation en anglais dans les villages autochtones apparaît donc lors de la création des premières écoles catholiques et anglophones. Entre 1826 et 1845, le clergé catholique tente non seulement d’empêcher la diffusion du protestantisme chez les Autochtones, mais essaye aussi de limiter le développement des institutions d’enseignement, moins par crainte d’anglicisation des communautés que par appréhension de l’émergence d’une classe d’Autochtones scolarisés qui viendrait contester le rôle politique des missionnaires.

Le contentement des protestants

Durant la période 1826-1845, les protestants préservent néanmoins deux établissements voués à la scolarisation des Autochtones. L’un d’eux relève de l’Abénaquis Pierre Paul Osunkhirhine, qui maintient une école protestante dissidente à Odanak, grâce aux subventions de la Scottish Society for Promoting Christian Knowledge (SSPCK). Même si les missionnaires catholiques continuent à s’opposer à sa présence, le gouvernement ne peut expulser cet Abénaquis de son propre village. La deuxième école dirigée par un protestant est un pensionnat, situé à Châteauguay, sous la responsabilité de l’instituteur Charles Forest. Créé après la tentative infructueuse de la Society for promoting education and industry in Canada d’établir un établissement scolaire à Kahnawake, ce pensionnat accueille de jeunes Autochtones du Bas-Canada, de 1829 à 1853. Étant située hors des villages amérindiens, cette institution réussit à assurer sa pérennité, en n’enseignant ni la religion ni la morale. De toutes les nouvelles institutions scolaires créées entre 1826 et 1835 pour les communautés autochtones, le pensionnat de Châteauguay et l’école protestante d’Odanak sont les deux seules qui resteront ouvertes après 1838[73].

Après avoir perdu son poste officiel d’instituteur en 1835, Pierre-Paul Osunkhirhine n’abandonne pas pour autant sa mission éducative. Au contraire, il réussit à exploiter une faille dans le contrôle des missionnaires catholiques sur l’éducation autochtone. Privé de ses fonctions auprès du département des Affaires indiennes, Osunkhirhine se tourne vers le SSPCK, la même société protestante qui avait financé son éducation à la Moor’s Indian Charity School, pour obtenir des fonds afin de créer une école non officielle à Odanak. Le projet fonctionne et, dès la fin de l’année 1835, le SSPCK verse à Osunkhirhine un salaire annuel de 25 £, en plus des 25 £ qu’il reçoit déjà comme ministre méthodiste, afin qu’il poursuive ses activités scolaires de façon indépendante[74].

La persistance d’Osunkhirhine exaspère le clergé catholique qui cherche par tous les moyens à limiter l’influence de cet Abénaquis méthodiste. L’évêque de Québec, Joseph Signay, ne manque pas d’intervenir rapidement auprès du gouverneur Gosford :

Ce qui me reste à désirer pour le bien du village de St.François serait qu’il fût possible d’empêcher Mastha de continuer de dogmatiser comme on m’informe qu’il le fait encore et peut-être au détriment de la loyauté des habitans de ce village ; puisque l’on dit qu’il continue d’être salarié par l’association américaine, dont j’ai parlé plus haut. Quelque sévère que dût paraître une mesure prise par Votre Seigneurie dans la vue de remédier à ce désordre, je suis assuré qu’elle serait bien accueillie de toute personne judicieuse et libérale[75].

Signay ne cache pas ses intentions : il veut que des mesures sévères soient prises contre Osunkhirhine. Mais le gouvernement l’avait déjà démis de ses fonctions d’enseignant, en plus de lui avoir demandé formellement de ne plus influencer les affaires religieuses de la communauté abénaquise. Stephen Walcott, secrétaire civil du Bas-Canada, écrit donc à l’évêque de Québec pour l’informer que le gouverneur ne peut rien faire de plus dans ce dossier, car il n’entend pas bannir ledit Osunkhirhine de son propre village :

I am directed to observe that everything has already been done in the case of Mastha to remedy the complaints made against him. He has been dismissed not only from his situation as schoolmaster, but also from that of Interpreter of the village, and so long as he expresses his opinions within legal limits, His Excellency knows no other means of preventing this [l’influence d’Osunkhirhine], than by banishing him from the village, a step involving such an arbitrary act of executive authority, as to be justifiable, if at all, only under the most peculiar and urgent circumstances[76].

Le gouvernement pose ainsi la limite de son pouvoir d’intervention dans les communautés autochtones et, par conséquent, une limite aux volontés du clergé catholique. Pierre-Paul Osunkhirhine réussit donc à maintenir une école dissidente dans son village natal.

À Odanak, Osunkhirhine prodigue chez lui un enseignement protestant, en anglais et en abénaquis, à seulement quelques élèves. Pour lui, son institution scolaire doit servir d’école préparatoire. Une fois que ses élèves ont acquis les bases de l’anglais, il les dirige vers des écoles américaines, afin qu’ils puissent obtenir rapidement une instruction plus poussée[77]. L’école protestante d’Odanak n’est pas un projet éphémère comme les autres écoles établies dans les villages domiciliés dans les années 1830. Elle prend même un essor considérable avec l’arrivée d’un nouvel instituteur abénaquis, Simon Annance, en 1844[78].

Aux yeux d’Osunkhirhine, l’éducation servira à prendre le contrôle de l’administration de la communauté à la place des vieux chefs catholiques et du missionnaire :

I think I have reason to hope that the rising generation will be better in this tribe, because we have many boys and young men on our side, while the Catholic families of the tribe have scarcily any, and whom they have are kept in ignorance and of course they will not be qualified to do much if they shall stand against those who shall have been taught in good things. So it appears to that in few years hence all the affairs, regulations of the tribe and the whole influence will fall into the hands of our young men that are now sixteen or eighteen years of age, who will, I trust, not be against the religion of the Bible [la religion protestante] as do the present Chiefs[79].

La scolarisation n’est pas seulement un moyen de convertir les Abénaquis à la religion protestante. Elle sert aussi à former une nouvelle génération d’Autochtones, autonomes et prompts à assurer leur propre développement. Une des raisons pour lesquelles Osunkhirhine garde une grande influence sur sa communauté, c’est qu’il incarne les idées d’un groupe d’Abénaquis opposés au pouvoir des chefs et à leur gestion des revenus de la bande[80].

Le pensionnat créé à Châteauguay pour les Autochtones domiciliés, en 1829, a également permis de contourner l’opposition des missionnaires catholiques à l’éducation des Amérindiens. Comme le souligne Charles Forest, instituteur de cet établissement, la fondation du pensionnat ne provient toutefois pas d’une initiative protestante, mais bien du désir de certains Hurons d’éduquer leurs enfants en anglais :

The commencement of the education & support of Indian boys under the direction of the government, originated in written petition to the Governor, Lord Aylmer, from some Indians at Lorette, praying, that their sons might be educated in the English language, & places under the care & tuition of the Teacher at Chateauguay[81].

Les Hurons possèdent à l’époque un établissement scolaire à Wendake, mais l’instituteur Vincent Ferrier, ancien étudiant du Séminaire de Québec, n’y enseigne que le français à ses élèves. Conscients de l’importance de la langue anglaise, les Hurons cherchent un endroit où leurs jeunes pourraient apprendre cette langue. En 1829, le gouverneur James Kempt autorise le financement du pensionnat à Châteauguay par le département des Affaires indiennes, ce qui permet d’offrir une éducation à six jeunes. Ce nombre est augmenté à douze par le gouverneur lord Aylmer, en 1834[82]. Comme le mentionne l’instituteur Forest, cette nouvelle institution offre un programme plus complet que les autres écoles :

The general working of this establishment consists in the introduction & diffusion of the English language among the Tribes of Lower Canada : the communication of the elementary parts of useful knowledge, comprising general historical & geographical information, and in an efficient training in civil and moral manners and industrial habits[83].

Bien que dirigé par un protestant, le pensionnat autochtone de Châteauguay ne sert pas à diffuser le protestantisme. Certes, certains Amérindiens y apprennent l’anglais, à lire et à écrire, et peuvent donc comprendre la Bible, chose essentielle pour les protestants. Néanmoins, Charles Forest a comme instruction de ne pas enseigner la religion à l’école et de laisser l’instruction morale aux missionnaires catholiques[84].

Le pensionnat de Châteauguay devient rapidement un succès, reconnu autant par les employés des Affaires indiennes[85] que par les Autochtones de différentes communautés. Ces derniers appliquent régulièrement pour envoyer leurs enfants à cette institution et viendront d’aussi loin que Restigouche. Néanmoins, le pensionnat autochtone s’attire toujours une certaine opposition de la part des missionnaires catholiques. Celui de Kahnawake, Joseph Marcoux, demeure durant toute l’existence du pensionnat le principal opposant à l’institution de Charles Forest. Notons qu’à partir de 1835, la majorité des élèves proviennent de Kahnawake. Joseph Marcoux, qui avait réussi auparavant à empêcher la création d’une école protestante dans son village, s’oppose cette fois à l’enseignement de l’anglais aux Autochtones. Tout comme les missionnaires d’Akwesasne ou d’Odanak, Marcoux utilise l’intimidation pour inciter les parents iroquois à ne pas envoyer leurs enfants à Châteauguay, ce que dénonce Charles Forest :

The benevolence of the home government, and the unceasing & invariable attention of the superintendent of Indian Affairs for the Lower Province would have been much better repaid by the successful results of the Indian Institution, had it not been incessantly affected by the prejudices of the French Priests against the English language. It may be said without hesitancy, that nearly the whole of the present using generation of young men, of the village of Cawgnawaga, would at this time have been capable of speaking the English language, and enjoying the fruits of a common education, had no opposition existed to intimidate their parents & to prevent its accomplishment[86].

Marcoux n’est pas le seul missionnaire à décourager sa communauté d’envoyer des enfants au pensionnat. À Restigouche, le missionnaire fait pression sur la mère du jeune Peter Labobe, le seul Micmac du pensionnat, pour qu’elle retire son enfant de l’école. La mère de Labobe informe son fils des exigences du missionnaire : « I would like you stay get schooling, but the priest is always telling me that schooling is no use to an Indian, and you would be better here in Mission, every day he tells me more when you come home and always holds me[87]. »

Malgré les pressions des missionnaires catholiques, la distance entre le pensionnat et les villages autochtones, ainsi que la réputation de l’institution, permettent à Forest de poursuivre sa mission éducative jusqu’à sa mort, en 1853[88].

Conclusion

De 1826 à 1845, les nombreux projets mis de l’avant pour favoriser la scolarisation des Amérindiens domiciliés sont au coeur de luttes de pouvoirs entre protestants et catholiques et entre les missionnaires et certains Autochtones. En diffusant les connaissances de la lecture et de l’écriture, le développement des écoles pour les Autochtones affecte autant le pouvoir religieux que le pouvoir politique des missionnaires catholiques, en venant menacer leur position d’autorité à l’intérieur des communautés. Cela explique entre autres pourquoi ces missionnaires n’acceptent ni l’éducation protestante ni l’éducation en anglais et n’établissent aucune école catholique francophone pour les domiciliés. Le département des Affaires indiennes, bien qu’ayant élaboré sa nouvelle politique de civilisation, n’intervient que très peu dans le développement scolaire et ne prend aucune mesure concrète pour favoriser la création ou le maintien des écoles. En effet, les Affaires indiennes préfèrent éviter tout conflit avec le clergé catholique, quitte à ce qu’il n’y ait aucun établissement pour scolariser les Autochtones. Le début du XIXe siècle est ainsi marqué par l’instabilité des écoles pour les Amérindiens du Bas-Canada, l’établissement de Wendake et l’école protestante d’Odanak sont les deux seuls qui, à partir de leur création, poursuivent leur mission sans interruption durant tout le XIXe siècle.

Au-delà de cette instabilité, on peut percevoir le projet politique des missionnaires catholiques, qui semblent plus réticents à l’ouverture d’écoles pour les Autochtones que ne l’est le reste du clergé catholique à l’égard des communautés bas-canadiennes. Cela est causé principalement par le rôle important joué par les missionnaires dans les villages amérindiens de la vallée du Saint-Laurent à l’époque. Étant donné le pouvoir local et la place qu’ils occupaient, il n’est pas étonnant que ces missionnaires aient cherché à préserver leur autorité sur les villages autochtones, en freinant l’essor de la scolarisation. Car les connaissances acquises par certains Amérindiens servaient non seulement à des fins purement éducatives, elles permettaient aussi d’interagir directement avec les différentes autorités gouvernementales. Comme nous l’avons vu, des Autochtones comme Pierre-Paul Osunkhirhine ou Eleazar Williams n’ont pas seulement tenté d’établir des écoles, ils ont également, à l’aide de l’éducation, bouleversé les rapports de pouvoir dans les villages, en contestant autant l’influence des chefs que celle du missionnaire.

La période 1826-1845 apparaît ainsi comme un moment particulier où le clergé catholique cherche à maintenir son pouvoir de façon marquée dans les communautés autochtones en limitant l’accès aux écoles. L’étude des projets scolaires de cette époque s’inscrit donc difficilement dans la logique de l’assimilation, utilisée habituellement par l’historiographie pour décrire le développement des écoles destinées aux Autochtones. En effet, le développement des premiers établissements scolaires pour les Autochtones du Bas-Canada ne s’est pas fait à sens unique, c’est-à-dire seulement par le transfert des connaissances et des valeurs européennes vers les Amérindiens, mais bien par une confrontation entre différentes visions de ce que devaient être et devenir les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent.