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Prix Louise-Dechêne (édition 2013)

Le prix Louise-Dechêne est attribué à Mario Mimeault pour sa thèse « La correspondance de la famille de Theodore-Jean Lamontagne (1852-1896). La lettre, véhicule d’une identité migratoire ». Le prix récompense l’originalité de la contribution, la qualité de la recherche et de la méthodologie ainsi que la rigueur de la démarche intellectuelle d’une thèse portant sur l’Amérique française. Le jury n’eut aucune difficulté à identifier toutes ces qualités chez Mario Mimeault. Dans une optique résolument nord-américaine, Mimeault trace les échanges de plus en plus complexes des descendants d’un migrant canadien-français de la Côte-du-Sud vers les quatre coins de l’Amérique du Nord. Joignant un appareil conceptuel exceptionnel et une recherche colossale en archives, Mimeault reconstruit le vaste réseau d’affections et d’obligations qui unit les Lamontagne dans une communauté familiale dont l’existence n’est perceptible que par leurs échanges épistolaires. À travers ces milliers de lettres, les conversations des Lamontagne révèlent avec force les réalités et les difficultés des migrants canadiens-français pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, mais surtout comment l’éloignement géographique des Lamontagne n’effrite pas les liens familiaux, mais plutôt les transforme en une nouvelle intimité familiale, créée par l’échange de lettres. En somme, Mimeault a produit un travail historique d’une grande importance.

Prix Guy-et-Liliane Frégault (volume 64)

À l’unanimité, les membres du jury décernent le Prix Guy-et-Lilianne Fregault (vol. 64) à Dominique Deslandres, pour son article captivant intitulé « “Et loing de France, en l’une & l’autre mer, Les Fleurs de Liz, tu as fait renommer”. Quelques hypothèses touchant la religion, le genre et l’expansion de la souveraineté française en Amérique aux XVIe – XVIIIe siècles ». Fort original, cet article exploratoire propose quelques pistes afin de comprendre comment, au juste, la France a pris possession de territoires nord-américains. L’auteure se concentre plus particulièrement sur les gestes, les rituels et les cérémonies associés à ces prises de possession. Sans prétendre en offrir des explications définitives, elle interroge les rôles joués par le symbolique et la performance dans la légitimation des rapports d’autorité entre Français et Autochtones, mais aussi entre Français. Son analyse, alimentée par une excellente connaissance de l’historiographie de la Nouvelle-France et de celle de l’Europe moderne, comporte d’importantes dimensions comparatives et croisées. Surtout, l’auteure insiste que le genre et la religion, comme catégories d’analyse, peuvent nous aider à comprendre, et la nature de l’autorité cherchée et exercée par le souverain français, et la nature du consentement accordé (ou non) à cette autorité par les Amérindiens.

Prix Guy-et-Liliane Frégault (vol. 65)

Le prix Guy-et-Liliane-Fregault pour le meilleur article paru dans le volume 65 de La Revue d’histoire de l’Amérique française est décerné à Martin Petitclerc pour « L’indigent et l’assistance publique au Québec dans la première moitie du XXe siècle ». Tout en reconnaissant l’influence du regretté Jean-Marie Fecteau et de sa contribution à l’étude de la régulation par l’État du crime et de la pauvreté, Martin Petitclerc insiste sur le rôle fondamental de la loi de 1921 établissant le Service de l’Assistance publique, qui fut un tournant dans la structure et le pouvoir de l’État libéral au Québec. Au lieu de se concentrer sur la vive polémique autour de l’intervention de l’État dans un domaine traditionnellement réservé à l’Église catholique, Petitclerc invite ses lecteurs à porter la réflexion sur l’importance des nouvelles définitions de l’indigence émergeant à l’époque. En effet, la redéfinition de « l’indigent absolu » revêtait une importance idéologique et politique primordiale à l’heure où le Canada s’apprêtait à moderniser ses services sociaux. Ces nouvelles définitions de l’indigence ont permis aux gouvernements Taschereau et Duplessis d’établir de nouvelles formes de certification de l’indigence, d’adopter de nouvelles positions en termes de financement et de réglementation de l’autorité municipale sur les institutions au service des pauvres, et de préparer la position du gouvernement du Québec face aux interventions fédérales dans les juridictions sociales, comme les pensions de vieillesse et l’assurance-maladie. Cet article de Martin Petitclerc, bien écrit et rythmé, s’inscrit dans le cadre de son étude plus large sur l’État-providence. La force de ses arguments en fait une contribution percutante et originale à la compréhension des politiques sociales du Québec.

Prix de l’Assemblée nationale (édition 2013)

Les membres du jury sont enchantés de pouvoir décerner le prix de l’Assemblée nationale 2013 à l’atlas La francophonie nord-américaine, dirigé par Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire. Cet ouvrage ambitieux et érudit, de facture impeccable, offre aux lecteurs universitaires comme au grand public un vaste panorama des communautés francophones établies en Amérique du Nord, du XVIe siècle jusqu’à nos jours. C’est un livre qui nous invite à nous asseoir pour le feuilleter pendant quelques minutes, et duquel on émerge plusieurs heures plus tard, éblouis par les textes, les cartes, les photos et les tableaux qui nous renseignent autant sur la déportation des Acadiens dans les années 1750 et 1760 que sur la présence francophone à Santa Fe, dans le Sud-Ouest américain, au milieu du XIXe siècle. Cette belle contribution à l’histoire de l’Amérique française marie la perspective historique au souci de comprendre la dimension spatiale de la colonisation et des migrations : la démarche multidisciplinaire est ici pleinement assumée et assurément réussie. Par ailleurs, les derniers chapitres, s’ils sont bel et bien ancrés dans l’histoire des francophones de l’Amérique, proposent également des réflexions autour de l’avenir de ces diverses communautés. Enfin, ce livre est le fruit d’un véritable travail collaboratif : trois directeurs d’ouvrage et plus de trente-cinq auteurs ont participé à cette entreprise collective. C’est à l’unanimité que les membres du jury saluent ce merveilleux ouvrage et félicitent tous ceux et toutes celles qui ont contribué à sa réalisation.

Prix Lionel-Groulx (édition 2013)

C’est à l’unanimité que le comité 2013 des prix de l’IHAF a choisi de décerner le prix Lionel-Groulx à Bruce Curtis pour son ouvrage intitulé Ruling by Schooling Quebec : conquest to liberal governementality : a historical sociology. Bruce Curtis y aborde l’évolution de l’éducation au Bas-Canada de 1759 à 1841 dans une optique politique. S’appuyant sur le classique, Le système scolaire de la Province de Québec de Louis-Philippe Audet, Curtis met en évidence de façon innovatrice les tentatives d’utiliser l’éducation pour introduire un gouvernement de type libéral au Bas-Canada. De nombreuses questions fondamentales en histoire du Québec sont abordées : la relation de l’État et de l’individu, la formation des maîtres, le rôle social et culturel de l’Église catholique et l’idéologie de lord Durham. Curtis a déjà beaucoup écrit sur la nature de la gouvernance au Québec et sur la relation entre la formation de l’État et la culture. Le présent ouvrage est important pour l’examen qu’il propose de la place dans l’histoire de l’éducation au Québec, des écoles mutuelles (monitorial schools) et de la Royal Institution for the Advancement of Learning, souvent mal comprise. Le comité a été impressionné par l’envergure internationale de l’historiographie employée. Curtis met l’accent sur les liens et comparaisons entre les méthodes d’enseignement et les taux d’alphabétisation au Bas-Canada, en Nouvelle-Angleterre et ailleurs dans le monde. Son livre embrasse les travaux de Foucault et de J. G. A. Pocock tout en insistant sur l’importance de Norbert Elias. Le comité a apprécié l’attention méticuleuse portée aux archives et sources primaires. À l’heure où les historiens s’appuient souvent sur Internet, Curtis se tourne vers les « documents d’État » tirant, par exemple, d’importantes analyses de l’examen de la correspondance du Secrétaire de la Province (Provincial Secretary), des journaux, des documents parlementaires et des diverses lois sur l’éducation. Le comité félicite Bruce Curtis pour ce tour de force : son ouvrage est contestataire, créatif, superbement documenté et il remet en question bien des interprétations traditionnelles. Cette importante contribution à l’histoire de l’éducation au Québec est particulièrement pertinente pour le débat contemporain sur l’éducation au Québec.