Comptes rendus

McINNIS, Peter S., Harnessing Labour Confrontation. Shaping the Postwar Settlement in Canada, 1943-1950 (Toronto, University of Toronto Press, 2002), 258 p.[Notice]

  • Jacques Rouillard

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  • Jacques Rouillard
    Département d’histoire
    Université de Montréal

Le volume, à l’origine une thèse de doctorat, porte sur les relations industrielles au Canada de 1943 à 1950, période que l’auteur a choisi parce c’est le moment où s’est établi le système de relations de travail qui gouverne encore les rapports patronaux syndicaux. Ces années sont celles aussi où un certain modus vivendi s’installe entre le monde patronal et syndical et où le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux votent des lois pour faciliter et encadrer le processus de négociation collective. Ainsi, Québec adopte en 1944 la loi des relations ouvrières et Ottawa, en 1948, la loi des relations industrielles et sur les différends du travail, dont les principes animent toujours les codes québécois et canadiens du travail. Ces lois sont inspirées du Wagner Act adopté aux États-Unis en 1935 dans le sillage du New Deal, afin de protéger le droit des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail. Le Wagner Act ayant eu un effet très positif sur l’expansion du syndicalisme aux États-Unis, les syndicats canadiens réclament des gouvernements au Canada des lois similaires à partir de 1937. Pendant la Guerre, le gouvernement fédéral met graduellement en application les principes du Wagner Act dans les industries de guerre, puis adopte en 1948 la loi mentionnée plus haut pour les entreprises de juridiction fédérale. Ces nouvelles législations permettront une hausse substantielle du nombre de syndiqués au Canada : d’un demi-million en 1941 à un million en 1950 et à un million et demi environ en 1960. De plus, on note une amélioration substantielle des conditions des travailleurs canadiens pendant ces vingt années : le salaire horaire réel moyen des salariés (en tenant compte de l’inflation) a presque doublé, du jamais vu depuis le début du siècle. La semaine hebdomadaire de travail est généralement ramenée de 48 à 40 heures, et d’autres avantages sociaux se généralisent (semaine de vacances, fêtes chômées payées, etc.). Plus qu’en tout autre moment au xxe siècle, les travailleurs canadiens, syndiqués comme non syndiqués, tirent avantageusement profit de la croissance industrielle. Grâce à cette avancée, où le syndicalisme joue un rôle de premier plan, la condition des travailleurs canadiens les situe dans le peloton de tête parmi les pays industrialisés. Mais dans l’ouvrage qui nous intéresse, Peter S. McInnis a une vision plus pessimiste de l’histoire du syndicalisme et des effets qu’il a pu avoir sur l’amélioration du sort des travailleurs. Comme hypothèse de départ, il adopte implicitement la dichotomie à la mode dans les années 1960 et 1970 voulant qu’il y ait deux façons de concevoir l’action syndicale, le syndicalisme d’affaires et un syndicalisme de classe, ou de combat comme on l’appelait au Québec. Il est cependant peu loquace sur ce dernier modèle de syndicalisme qu’il aurait voulu voir s’implanter au Canada. Tout au long de son historique, l’auteur porte attention surtout au Congrès canadien du travail qui regroupe principalement les syndicats industriels rattachés au Congress of Industrial Organizations (CIO). Dans les années 1930 et 1940, ces syndicats, où oeuvraient plusieurs militants communistes, se sont signalés par leur militantisme. Mais dans l’après-guerre, l’auteur reproche à leurs dirigeants de verser dans le conservatisme et le bureaucratisme, ayant tendance à collaborer avec les patrons (corporatisme), tout en appuyant le gouvernement fédéral dans sa volonté d’encadrer les relations de travail (il élabore malheureusement trop peu sur ce dernier thème). Leurs préoccupations se tourneraient vers la négociation collective et l’amélioration du sort économique d’une frange de travailleurs privilégiés au détriment de l’avancement de la classe ouvrière dans son ensemble : « Contentious issues of workplace control or class solidarity were thus shunted aside in the rush …