L’historien, le musée et la diffusion de l’histoire[Notice]

  • Joanne Burgess

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  • Joanne Burgess
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal

D’après les plus récentes compilations de l’Institut de la statistique du Québec, en 2001-2002, les musées québécois soutenus par le ministère de la Culture et des Communications ont accueilli plus de 3 600 000 visiteurs. Ces chiffres englobent certes le public des musées d’art et d’architecture, de sciences naturelles, de l’environnement et de la technologie, mais ils excluent une multitude d’institutions dont le financement repose sur les municipalités locales, les initiatives privées ou — à l’autre extrême — sur les deniers de l’État fédéral. Il est donc fort probable que la fréquentation totale des seuls musées d’histoire, centres d’expositions et lieux d’interprétation historique au Québec atteigne plusieurs centaines de milliers de visiteurs. Autant de Québécois, de même que de nombreux touristes qui, tous les ans, découvrent ou redécouvrent l’histoire du Québec en fréquentant les institutions muséales. Quelle signification donner à cet engouement pour les musées, dont la fréquentation et le nombre se sont accrus de manière significative sur l’ensemble du territoire du Québec depuis une vingtaine d’années  ? Quel est l’attrait du musée ? Que recherchent les visiteurs et que retiennent-ils de leurs visites ? Mais plus encore, quels sont les effets des musées sur la diffusion de l’histoire auprès de ces publics ? Quelle histoire y est exposée et communiquée ? Quel est le rôle de l’historien professionnel dans la définition des contenus historiques et dans leur mise en oeuvre muséographique ? Voilà un ensemble de questions que j’aimerais aborder dans le cadre de la réflexion sur l’histoire publique proposée par le comité de rédaction de la Revue. La croissance de l’institution muséale au Québec, qualifiée de véritable « révolution tranquille  », a suscité une multitude d’analyses, de réflexions et de pronostics. En ressort le constat d’une redéfinition des fonctions du musée, redéfinition qu’accompagne une professionnalisation de la formation et de la pratique. La nouvelle conception du musée accorde une importance accrue à la communication muséographique, à la promotion et au marketing. Une attention plus grande à la clientèle et aux conditions de son accueil entraîne une valorisation du divertissement et de la consommation, au détriment de perspectives surtout centrées sur la conservation des patrimoines et sur l’éducation du visiteur. L’émergence du nouveau musée et de nouvelles pratiques muséales modifie aussi les caractéristiques du personnel des musées. Ainsi, plusieurs observateurs soulignent la dévalorisation de savoirs disciplinaires associée aux fonctions de conservation et de recherche, elles-mêmes en déclin, au profit de nouveaux savoirs interdisciplinaires centrés sur les missions nouvelles de l’institution muséale. L’émergence de programmes de formation en muséologie exprime et consacre cette nouvelle orientation. Enfin, le développement et la reconnaissance de nouvelles compétences engendrent aussi une remise en question du rôle des bénévoles au sein du musée. Les mutations de l’univers muséal ont eu des effets certains sur les musées d’histoire qui participent au mouvement d’expansion caractéristique de l’ensemble du secteur. Leur nombre n’a cessé de croître depuis vingt ans et ces institutions épousent désormais les formes les plus diversifiées. Selon un relevé récent de la Société des musées québécois, le Québec compte aujourd’hui plus de 300 institutions ayant une vocation entièrement ou partiellement historique : 93 musées, 197 lieux d’interprétation et 12 centres d’exposition. Les pratiques et les contenus des musées d’histoire ont aussi évolué. Pour le meilleur… car qui oserait regretter la disparition des musées d’histoire didactiques et austères hérités de l’époque victorienne ? Et pour le pire… comment ne pas s’inquiéter des effets potentiels (et parfois bien réels) de la commercialisation et de la préoccupation pour le « box office » sur les activités de recherche au sein du musée et sur la qualité de …

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