Histoire et patrimoine[Notice]

  • Gilles Lauzon

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  • Gilles Lauzon
    Société de développement de Montréal

Les historiens commencent tout juste à s’intéresser vraiment au patrimoine, et en particulier au patrimoine urbain. Ils ont beaucoup à y apporter et beaucoup à en apprendre. Ils peuvent contribuer à de nouvelles approches, tout en renouvelant leur compréhension du passé. Et cela tient en bonne partie à deux caractéristiques des études en matière de patrimoine. D’abord, elles se prêtent bien à la diffusion destinée à de larges publics, même quand un tel projet de diffusion n’est pas à l’origine de l’étude. Cela présente, je crois, de grands avantages en regard de la production de la connaissance historique. Deuxièmement, l’intérêt pour le patrimoine nous amène de plus en plus à considérer les ressources historiques matérielles, si l’on peut dire, comme des sources premières de grande valeur pour la compréhension du passé, sources souvent négligées si les objets, les immeubles, les vestiges, voire les documents iconographiques, ne sont pas eux-mêmes l’objet d’étude. En matière de patrimoine comme en d’autres domaines, la présence des historiens dans la sphère publique ne va pas sans la pratique de la vulgarisation, qui représente sans doute la forme la plus raffinée de diffusion. Comme dans le cas des produits alimentaires trop raffinés, elle peut malheureusement faire perdre toute valeur « nutritive » essentielle aux réalités abordées. Mais ce danger évident est largement compensé par des avantages considérables. D’abord, par définition, la vulgarisation permet de rejoindre plus de gens. Par ailleurs, vulgariser les connaissances constitue sans doute le test le plus sévère que l’on puisse appliquer à des idées. Ce qui se conçoit bien... Au-delà de la vieille maxime, la diffusion destinée à de larges publics oblige à la simplicité et à la clarté, mais elle peut aussi carrément changer la perception du passé chez ceux qui la pratiquent. C’est du moins l’expérience que j’ai vécue au cours des dernières décennies et dont j’essaierai de rendre compte brièvement. Je tenterai également de faire valoir à quel point les traces tangibles du passé peuvent fournir un éclairage essentiel sur l’histoire et contribuer à en changer la compréhension. Il sera ici question de mes expériences de travail passées et actuelles, mais aussi de celles de collègues historiennes et historiens oeuvrant dans le même domaine. En plus de leur contribution essentielle à mon propre parcours, leur présence dans ce texte permettra peut-être aussi de faire un peu oublier aux lecteurs ce que je dois bien avouer d’emblée : ma formation universitaire a d’abord été en architecture avant d’être en histoire, à l’Université du Québec à Montréal, où mes expériences pratiques antérieures m’ont permis de m’inscrire à la maîtrise après une propédeutique. À la fin des années 1970, j’ai eu la possibilité de réaliser un diaporama (avec bande sonore synchronisée) sur le logement ouvrier montréalais, qui a été utilisé pendant plusieurs années par divers groupes populaires et par des institutions d’enseignement. Le diaporama combinait histoire sociale et histoire architecturale. Parmi les gens qui assistaient aux représentations dans les quartiers, nombreux étaient ceux qui y vivaient depuis très longtemps. J’ai souvent ressenti une gêne dans ces circonstances. La crainte de l’erreur y était pour quelque chose, de même que l’impression de venir « expliquer » des réalités que les spectateurs connaissaient mieux que le présentateur. Mais surtout, le malaise provenait du fait qu’il y avait une ambivalence inhérente au contenu. D’une part, il était toujours intéressant, stimulant, voire fascinant, de redécouvrir en groupe l’évolution historique des immeubles et des logements, au moyen de photographies, de dessins, etc. Je pense que les spectateurs prenaient plaisir à découvrir la genèse historique de divers types d’immeubles et de logements qu’ils connaissaient bien pour y avoir …

Parties annexes