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Jean-Pierre Wallot nous présente ici une série de textes tirés du colloque La Commission Pepin-Robarts, quelque vingt ans après, organisé par le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa en mars 2001. Ce colloque se voulait un retour sur le Groupe de travail sur l’unité canadienne, la Commission Pepin-Robarts, établi en 1977 par le premier ministre canadien de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, en réponse à l’élection en 1976 d’un gouvernement souverainiste au Québec. Rappelons que les conclusions de cette Commission, chargée d’étudier « le mal canadien » pour revenir à l’expression depuis consacrée, ont été mises au rancart par ce même Pierre Elliott Trudeau dès 1978, alors qu’il présente son projet de réforme de la constitution canadienne avant d’entendre officiellement le rapport de la Commission ; cette dernière tend irrésistiblement vers la décentralisation alors que le premier ministre est un invétéré centralisateur. Résultat : le rapport de la Commission Pepin-Robarts, remis en 1979, est resté lettre morte. Vingt ans plus tard, et avec une situation constitutionnelle qui est loin d’être réglée au Canada, le colloque du CRCCF cherche à savoir si le contenu du rapport de la Commission est toujours d’actualité.
Nous avons donc devant nous huit textes qui tentent d’aborder le contenu du rapport de la Commission Pepin-Robarts sous un angle actuel, cherchant à mesurer le degré de profondeur des conclusions des commissaires : André Burelle (« Un prophétisme à redécouvrir… ») veut nous démontrer que le rapport est non seulement encore actuel, mais qu’il devrait servir de base aux discussions à venir ; Fernand Harvey (« La Commission Pepin-Robarts, le Québec et la francophonie canadienne ») explique que « l’analyse des réactions suscitées par le rapport de la Commission montrera que l’intérêt du Québec et celui des francophones hors Québec étaient difficilement conciliables » ; Linda Cardinal et Marie-Ève Hudon (« La dualité linguistique au Canada : les réactions des minorités francophones hors-Québec… ») regardent plus directement la question des recommandations concernant la dualité linguistique et l’opposition des minorités francophones qui préfèrent le projet des langues officielles de Trudeau ; Bernard Bonin (« Identité canadienne, régions et vie économique ») se demande si la Commission a su identifier les véritables problèmes économiques canadiens et si ses conclusions auraient pu avoir une influence sur la vie économique des régions du pays ; Gérald-A. Beaudoin (« La philosophie « constitutionnelle » du rapport Pepin-Robarts »), un ancien commissaire, rappelle quelles étaient les propositions constitutionnelles de la Commission et les présente comme une base solide pour les discussions à venir ; John Richards (« La langue, toujours source de controverses ») se demande si les conclusions décentralisatrices de la Commission au sujet de la protection de la langue au Canada (surtout au Québec) étaient réalistes et souhaitables ; Alain-G. Gagnon (« La condition canadienne et les montées du nationalisme et du régionalisme ») nous démontre que le refus de Trudeau et généralement des dirigeants politiques canadiens de reconnaître la force des régionalismes au Canada a fait de ces régionalismes les forces les plus « rebelles » au pays ; Gilles Paquet (« Pepin-Robarts redux : socialité, régionalité et gouvernance ») analyse les conclusions de la Commission en ce qui concerne les problèmes de gouvernance au Canada et ses propositions en ce domaine.
Globalement, l’ouvrage est porteur des bons et des mauvais côtés d’un tel résumé de colloque. Du côté positif, le contenu nous permet de rester à jour sur le sujet et nous oblige à faire notre propre réflexion sur l’actualité du rapport de la Commission Pepin-Robarts, surtout au moment où certains éléments du contenu ressurgissent dans la vie politique actuelle (n’entendons-nous pas parler d’un Conseil de la fédération depuis quelque temps ?). En ce sens, les textes de, et de façon non exclusive, Harvey, Cardinal et Hudon, Gagnon et Paquet sont très inté-ressants et formateurs. Par contre, certains textes sont beaucoup moins portés sur l’analyse et ne font grosso modo que rapporter le contenu du rapport, ce que nous sommes bien en mesure de faire par nous-mêmes ; je pense particulièrement aux textes de Burelle et Beaudoin qui ne font que relire le rapport sans en faire une nouvelle analyse, sans voir comment ses conclusions ont vieilli, ce qui était le but du colloque. De plus, la redondance est présente, en ce sens que chaque auteur aborde un peu des sujets abordés par les autres, ce qui entraîne des répétitions bien normales dans un tel contexte, les auteurs, au moment de préparer leur communication, ne sachant pas ce dont traiteront les autres.
Finalement, il aurait sans doute été très intéressant d’inclure le point de vue des autres groupes linguistiques canadiens (anglophones et francophones) au sujet de la Commission Pepin-Robarts car, mis à part John Richards de l’Université Simon Fraser, tous les intervenants sont des francophones, ce qui nous prive de ce que justement plusieurs auteurs ont constaté, c’est-à-dire les différentes interprétations du rapport selon l’appartenance régionale-linguistique nationale. Qu’en pensait-on alors et qu’en pense-t-on maintenant au Canada anglais ? Est-ce la peine de ressusciter le rapport si le ROC ne veut rien savoir de ses conclusions décentralisatrices ? Y a-t-il unicité des voix sur le rapport au Canada anglais ou le voit-on différemment selon les régions ? Et les minorités francophones hors-Québec, sont-elles encore opposées à ses conclusions ? Bref, le « coup d’épée dans l’eau » (Paquet) de 1979 serait-il encore voué à la même fin de nos jours ? Et si oui, pourquoi perdons-nous notre temps à nous intéresser à l’actualité du rapport ? Et si non, qu’attend-on pour agir ?
Néanmoins, ces quelques critiques n’enlèvent rien à la qualité première de cette publication, qualité qui est de nous permettre de nous requestionner sur les travaux de la Commission Pepin-Robarts. L’ouvrage nous permet aussi d’ouvrir le débat (encore… puisque nous ne le terminons jamais) sur « le mal canadien », sur l’évolution du pays au cours des dix dernières années, et sur l’entêtement de certains, notamment l’actuel premier ministre (Chrétien) comme le fit son ancien patron en 1979, de refuser de voir ces problèmes profonds décrits par les commissaires il y a vingt ans. Il était très important pour l’avenir constitutionnel canadien de revenir sur ce rapport qui amenait des pistes de solution qui n’ont jamais été mises à l’épreuve. Les autres ayant toutes échoué, peut-être que le colloque et ses suites nous permettront d’avancer.