Comptes rendus

BRAZ, Albert, The False Traitor : Louis Riel in Canadian Culture (Toronto, University of Toronto Press, 2003), 245 p.[Notice]

  • Jarrett Rudy

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  • Jarrett Rudy
    Département d’histoire moderne
    University of Birmingham

À première vue, The False Traitor d’Albert Braz a beaucoup en commun avec de récents ouvrages primés consacrés à l’histoire culturelle du Québec, tels Les pièges de la mémoire : Dollard des Ormeaux, les Amérindiens et nous, de Patrice Groulx (Éditions Vents de l’Ouest, 1998) et le Heroines and History : Representations of Madeleine de Verchères and Laura Secord de Colin Coates et Cecilia Morgan (UTP, 2002). Expert en littérature comparée, Braz se penche sur les diverses représentations de Louis Riel proposées par les romanciers, les poètes, les dramaturges et autres écrivains. Il soutient que ces représentations, la plupart dues à des Canadiens d’ascendance européenne, reflètent davantage leurs auteurs qu’elles ne dépeignent Riel lui-même. Qui plus est, au fil du temps, plusieurs de ces oeuvres devenaient de plus en plus sympathiques à l’individu Riel, sans pour autant abandonner leur indifférence impérialiste envers le Riel défenseur de la cause métisse. La question centrale devient donc, et cela vaut pour d’autres problèmes d’identité et de nationalisme contemporains : comment se fait-il qu’un homme qui refusa avec violence d’appartenir à une collectivité (ici la Confédération canadienne) soit aujourd’hui considéré comme le parfait symbole de cette collectivité ? L’ouvrage associe Riel à six différents archétypes. Le premier, et le plus important pour la thèse de l’auteur, est celui qui en fait le « patriote de la Rivière Rouge ». Puisant dans les propres écrits de Riel, Braz évoque les diverses images que Riel s’est données de lui-même. Très tôt dans sa vie, il se voit, et le peuple métis avec lui, comme faisant partie du Canada français en Amérique du Nord. Cette image cède peu à peu la place à celle d’une confédération métisse composée à la fois d’anglophones et de francophones, de catholiques et de protestants. Plus tard, il se voit comme appartenant à une société métisse francophone et catholique. Braz montre que cette image d’une nation métisse s’opposa parfois à la société européenne et aux Premières Nations. C’est ainsi, par exemple, que les Cris n’appréciaient guère que les Métis les considèrent comme des intrus dans la chasse au bison et que Riel lui-même n’hésita pas à clamer que les Métis étaient supérieurs aux Amérindiens et à vanter leurs victoires militaires sur les peuples des Premières Nations. Le deuxième chapitre s’attache à l’image d’un Riel traître à la Confédération. Très répandue au tournant du xxe siècle, cette conception se retrouve, pour l’essentiel, dans des écrits de langue anglaise. Le troisième chapitre examine les sources culturelles qui voient Riel comme un « martyr », victime des préjugés ethniques et religieux du Canada anglais. Ces auteurs sont d’abord, mais non exclusivement, des Canadiens français et, pour la plupart, ont écrit à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Braz cite, entre autres textes majeurs, un poème de 1870 de Pamphile LeMay et, sous la plume d’Elzéar Paquin, une pièce de théâtre qu’un critique qualifia de « pièce la plus ennuyante » jamais consacrée à Riel. Ce chapitre inclut également un poème du Brésilien Mathias Carvalho, publié en 1886, intitulé « Poemas americanos 1 : Riel » et qui se lit comme un manifeste prorépublicain et antianglais dans lequel Riel devient un libérateur du Nouveau Monde. Le quatrième chapitre aborde les interprétations plus positives, présentes dans la littérature post-Deuxième Guerre mondiale et qui développent le thème d’un Riel ayant tenu, au profit du Canada, le rôle de « pont » entre les diverses collectivités religieuses, ethniques, culturelles et régionales. Braz situe ce changement de perception dans le contexte d’une « indigénisation » du Canada qui, tout à la fois, …