Comptes rendus

LAMONDE, Yvan et Sophie MONTREUIL, dir., Lire au Québec au xixe siècle (Montréal, Fides, 2003), 330 p.[Notice]

  • Claude La Charité

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  • Claude La Charité
    Département des sciences humaines
    Université du Québec à Rimouski

Ce collectif s’impose comme une référence pour l’histoire de la lecture en général, en raison de la méthodologie proposée en préface et de la bibliographie fournie en conclusion, et pour le XIXe siècle québécois en particulier. La préface a le mérite de remédier d’entrée de jeu à la difficulté de l’intangibilité de la lecture. Si les sources sont multiples (catalogues, journaux intimes, etc.), le modèle d’analyse suggéré distingue le traitement à réserver à chacune, en combinant deux variables : le caractère individuel ou collectif et le degré de réalité de la lecture (réel, probable, possible, fictif). Le catalogue d’une bibliothèque collective, par exemple, suggérera une lecture collective possible, alors que le registre d’emprunts révélera une lecture collective probable, voire individuelle dans le cas de la mention de lecteurs particuliers. La première partie de l’ouvrage est consacrée aux pratiques individuelles de lecture. Dans « Lectures domestiques, d’exil et de retraite de Louis-Joseph Papineau (1823-1871) », Yvan Lamonde et Frédéric Hardel retracent la constitution, à partir de 1823, de la bibliothèque du chef des Patriotes. On apprend qu’en 1840 l’exil contraint Papineau à mettre en vente sa bibliothèque, alors évaluée à 1500£, que l’essentiel de cette bibliothèque sera toutefois préservé et déménagé au manoir de Montebello en 1853, avant de se retrouver dans la tour où le seigneur de la Petite-Nation, à l’instar de Montaigne, logera ce qu’il appelle son « sanctuaire ». Il est frappant de constater la finalité rhétorique qu’il assigne à la lecture. Si la bibliothèque du parlement est le lieu « où l’on trouve de bonnes autorités » pour étayer une prise de position dans un débat, il recommande à son fils la lecture « des modèles d’éloquence » dans le but d’être aussi persuasif que Démosthène et Cicéron. Le souci d’éducation à la lecture est particulièrement marqué chez Papineau. On découvre, par ailleurs, la place prééminente qu’occupe Sénèque dans sa pensée et ses lectures, et dont le mot de Fénelon, après l’incendie de sa bibliothèque, résume l’esprit : « J’aurais bien mal profité de mes livres, si je n’y avais puisé la force de supporter cette perte. » Dans le chapitre suivant « La lecture et “le livre de l’histoire” chez Amédée Papineau (1835-1845) », de Y. Lamonde, Fénelon réapparaît, puisque Les Aventures de Télémaque constitueront la première lecture du fils aîné de la famille Papineau, Amédée. Ce dernier veillera d’ailleurs, lorsque le mandat d’arrêt sera émis contre son père, à sauver la bibliothèque paternelle, en l’entreposant à Saint-Hyacinthe. Dans son exil aux États-Unis, Amédée s’attachera à réunir une collection unique de documents publiés à l’époque insurrectionnelle, matière première d’une histoire à venir qu’il n’écrira jamais. Parallèlement à la rédaction de son ouvrage inédit, Les Droits de l’homme, il pratique les auteurs qu’il considère comme la trinité démocratique : Paine, Lamennais et Tocqueville. Le catalogue de sa bibliothèque de 1841 confirme d’ailleurs l’importance du fonds politique qui représente 51 titres sur 104. La contribution suivante, « Lectures de Lactance Papineau, un “Canadien malheureux” (1831-1862) », de F. Hardel, s’intéresse à un autre fils de Papineau, Lactance, prématurément emporté par la maladie mentale. La matière première semble ici avoir été nettement plus mince que dans les cas précédents, si bien que les longues considérations sur l’impécuniosité de Lactance, alors qu’il étudie la médecine à Paris, tiennent davantage de l’anecdote. Grâce à ses achats de livres d’occasion, Lactance arrivera à constituer, de son aveu, une bibliothèque médicale unique qui fera l’admiration des experts. Les livres de médecine constitueront 52% des 421 titres de sa bibliothèque. La dernière étude sur un lecteur individuel, « (Se) lire et (se) …