Comptes rendus

POULLAOUEC-GONIDEC, Philippe, Sylvain PAQUETTE et Gérard DOMON, dir., Les temps du paysage (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2003), 282 p.[Notice]

  • Mario Bédard

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  • Mario Bédard
    Département de géographie
    Université du Québec à Montréal

Le paysage est un objet construit aujourd’hui largement sollicité. En effet, à la suite de l’évolution récente de nos pratiques agricoles et urbaines qui, de plus en plus imbriquées, secouent nos habitudes, et à la mise en cause de nos valeurs consécutive à l’imprimatur croissant d’un mode de penser unique, la question du paysage se pose plus que jamais. Et comment pourrait-il en être autrement alors que le paysage est partie intégrante de notre milieu et de notre mode de vie ? Or, c’est la pérennité du paysage qui est tout particulièrement éprouvée par les aménagements que subissent les territoires et par les diverses valorisations patrimoniales qui en sont faites. Une pérennité bien illusoire car les paysages, compte tenu de la fluctuation des lectures qui en sont faites, n’ont de cesse de se transformer (Domon et Poullaouec-Gonidec, p. 143). Convaincue que le paysage est une réalité spatiale modulée par des temporalités aussi bien naturelle que sociale (Luginbuhl, p. 85), la Chaire en paysage et en environnement de l’Université de Montréal s’emploie depuis quelques années à mieux comprendre comment et pourquoi ces temporalités « participent à la qualification (ou à la déqualification) des lieux en paysages » (Poullaouec-Gonidec, Paquette et Domon, p. 10). Les quatorze textes du recueil Les temps du paysage s’évertuent ainsi à restituer au paysage la nature et la portée des enjeux que pose la valeur-temps, à explorer les concepts et moyens qu’elle requiert, puis à en appeler des protection, aménagement et mise en valeur qu’elle implique. Du nombre, certains nous sont apparus plus à même d’insérer le paysage au centre des interactions complexes entre processus sociaux et processus naturels et donc plus habilités à assurer aux collectivités la prise en charge de l’évolution de leurs milieux. Parmi ces contributions plus stimulantes, signalons celles qui cherchent à faire valoir tout le poids du sensible dans les pratiques aménagistes. Attendu que le paysage est un moyen terme plus abstrait que le territoire et plus concret que l’espace, n’est-il pas juste que l’aménagement ne crée pas d’emblée le paysage, mais révèle plutôt une valorisation préalable mobilisatrice (Beaudet et Domon, p. 70-71) ? De la même façon, la valorisation d’un paysage ne relève-t-elle pas d’un investissement dans un espace géographique qui devient dès lors miroir des valeurs qui animent les collectivités et des contextes au sein desquels il évolue (Domon et Poullaouec-Gonidec, p. 149) ? Ce qui fait dire à un second groupe d’auteurs que si le paysage reflète l’esprit du lieu (Dixon-Hunt, p. 48), il incarne encore les aspirations qu’une société projette sur son cadre de vie et sur les territoires qu’elle occupe, tant et si bien que le paysage s’avère être de l’ordre du projet (St-Denis et Jacobs, p. 171). Plus précisément d’un projet de société qui se traduit en un projet de paysage. Et c’est parce qu’il se veut partisan d’une construction culturelle commune que tout projet de paysage doit être entériné par l’ensemble de ses acteurs qui, au moyen d’outils de concertation et de lieux de coordination (St-Denis et Jacobs, p. 182-183), doivent renoncer à une partie de leurs prérogatives au profit du bien commun de l’ensemble. Compte tenu de leur nécessité aussi bien méthodologique qu’éthique, ces ouverture, acceptation, subsidiarité et consultation illustrent combien « il est plus important de comprendre les processus de valorisation qui animent le paysage que [les] attributs qui construisent les paysages » (Tremblay et Gariepy, p. 226). Cela dit, pour que les caractéristiques d’un lieu puissent être totalement assumées, il faut d’abord reconnaître le cadre de référence de tout projet de paysage puisqu’il définit son rapport symbolique au territoire. Et cette …

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