Comptes rendus

MICHON, Jacques, dir., Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, II : Le temps des éditeurs, 1940-1959 (Montréal, Éditions Fides, 2004), 538 p.[Notice]

  • Sophie Marcotte

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  • Sophie Marcotte
    Département d’études françaises
    Université Concordia

Jacques Michon et ses collaborateurs du GRÉLQ (Groupe de recherche sur l’édition littéraire au Québec, Département des lettres et communications, Université de Sherbrooke) proposent le deuxième volume de l’Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle intitulé Le temps des éditeurs, 1940-1959, cinq ans après la parution du premier volume (La naissance de l’éditeur, 1930-1939) de la série. Ce sont surtout les libraires, les écrivains et la presse qui soutiennent l’édition littéraire au début du xxe siècle, comme il a été clairement démontré dans La naissance de l’éditeur. S’il a fallu attendre les années 1920 pour que des maisons d’édition de premier plan apparaissent sur la scène canadienne-française, ce n’est qu’à partir des années 1940 que les activités des éditeurs auront des répercussions à l’échelle internationale. Des éditeurs culturels comme Bernard Valiquette, l’Arbre et Fides prendront le relais de l’édition européenne durant la guerre en publiant les oeuvres d’auteurs d’outre-mer comme Malraux, Saint-Exupéry, Baudelaire, Proust, Gide et Flaubert. Or ils profitent de cette lancée pour promouvoir la littérature canadienne-française, surtout après 1943. On note alors la parution de livres qui seront rapidement considérés comme des classiques de la littérature locale, tels Les îles de la nuit d’Alain Grandbois, publié chez Lucien Parizeau en 1944, et Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, publié aux Éditions Pascal en 1945. Les éditeurs se permettent enfin de participer aux débats idéologiques qui animent la société, notamment en publiant des revues – par exemple, La nouvelle relève, aux Éditions de l’Arbre, et Gant du ciel, chez Fides – et des essais sur l’actualité géopolitique. C’est par ailleurs à la même époque que les éditeurs vont créer des associations « afin de réglementer leurs pratiques », comme la Société des éditeurs canadiens du livre français qui voit le jour en 1943. Si plusieurs maisons d’édition éprouvent de sérieuses difficultés au lendemain de la guerre, au point de devoir fermer leurs portes, l’activité éditoriale et l’industrie du livre ne se voient pas complètement anéanties. D’autres instances, comme les imprimeurs-éditeurs (Éditions Marquis, Thérien Frères, Belisle et Imprimerie Saint-Joseph) et les libraires grossistes, Beauchemin en tête, prennent alors le relais. Beauchemin représente d’ailleurs l’entreprise la plus importante de l’industrie du livre au Québec dans la première moitié du xxe siècle, couvrant même, dans les années 1940, « tous les secteurs de la chaîne du livre » : l’imprimerie, la librairie, l’édition et la publication de périodiques. L’efficacité de Beauchemin dépend en grande partie de son réseau de distribution et des liens que la maison entretient avec les institutions d’enseignement. Les maisons d’édition fondées par les communautés religieuses profitent quant à elles de la hausse de la demande pour les ouvrages destinés à la jeunesse. Cette production permet notamment d’assurer la transmission des valeurs chrétiennes au jeune lectorat. Chez ces éditeurs, dont les Éditions du Lévrier, les Éditions de l’Atelier et l’Apostolat de la Presse, peu de place est ainsi laissée à la littérature. Certains facteurs contribuent à l’essor des collections pour la jeunesse. Dans les années 1940 et 1950 est créé un important réseau de bibliothèques scolaires et municipales. C’est également à cette époque qu’est adoptée la loi sur la scolarité obligatoire et qu’on assiste à une réforme fondamentale des programmes d’enseignement. Les éditeurs profitent de ces bouleversements sociopolitiques pour publier des ouvrages d’ici, mais aussi d’Europe et des États-Unis. La librairie générale d’Eugène Achard, par exemple, spécialisée dans les publications destinées au jeune public, veut, par sa politique éditoriale, « contribuer à […] faire [des jeunes] de bons citoyens, des patriotes conscients de leur responsabilité ». À la fin …