Note critique

À la recherche de l’histoire dans les bibliothèques numériquesLes leçons de Notre mémoire en ligne[Notice]

  • Donald Fyson

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  • Donald Fyson
    Département d’histoire Université Laval

Cet extrait apparemment banal d’un manuel scolaire du Bas-Canada accessible dans la bibliothèque numérique Notre mémoire en ligne (NML) me sert d’exemple dans le cours obligatoire de méthodologie de la recherche que je donne chaque automne, à l’Université Laval, aux étudiants de 3e année en histoire. Avant de le présenter, je leur raconte une histoire. Il y a quelques années, j’ai reçu un courriel d’un étudiant confronté au problème de l’identification de diverses mesures qu’il avait retrouvées dans des sources du début du xixe siècle concernant la consommation d’alcool. Il devait, en particulier, déterminer la capacité d’un gallon, d’une pinte, d’un demiard et d’un pot de rhum. Le mot « pot », surtout, soulevait un problème, car il n’arrivait pas à le retracer. N’ayant pas la réponse à cette question, j’aurais autrefois conseillé à l’étudiant de consulter un dictionnaire, d’autant plus que je répondais à son courriel depuis la maison, loin de la bibliothèque. Toutefois, puisque la requête m’a été adressée dans l’année qui a suivi le lancement de NML, j’ai simplement effectué une recherche rapide pour repérer les pages contenant les mots « pinte », « demiard » et « pot » (une recherche que je reprends en classe) et j’ai trouvé le tableau ci-dessus. Cette démarche m’a permis de lui répondre presque immédiatement, de chez moi, tout en augmentant à la fois mes propres connaissances métrologiques et mon étonnement face aux capacités des consommateurs d’alcool du début du xixe siècle. Cet exemple sert non seulement à démontrer l’utilité fondamentale des bibliothèques numériques portant sur l’histoire sur le Web, ce qui est assez évident, mais également à illustrer concrètement comment les capacités de la recherche plein texte à travers des documents historiques peuvent modifier les méthodes de travail des historiens et même la nature des connaissances historiques. En plus de me permettre d’élucider la question du volume des pots de rhum depuis le confort de mon foyer, la recherche plein texte à travers des ressources telles que NML a radicalement transformé ma pratique historienne. Comment vérifier la véracité d’une date ou d’un événement obscur cité dans un article ou une thèse ? Comment saisir le sens du mot « fermier » dans le Québec du xviiie siècle, ou les modifications dans l’usage du mot « habitant » au cours du xixe siècle ? Des tâches qui, auparavant, auraient pris des jours, ou qui n’auraient pas été remplies, faute de temps, peuvent maintenant être effectuées en quelques minutes ou, tout au plus, quelques heures. Et, de façon plus générale, l’accès facile à une collection quasi complète des lois, journaux et appendices des législatures du Québec et du Bas-Canada, de l’Acte constitutionnel à la Confédération, permet non seulement d’éviter de nombreux séjours à la bibliothèque et d’innombrables heures à faire des photocopies, mais aide également à intégrer plus facilement ces publications gouvernementales (et, par conséquent, le discours officiel) dans mes travaux. Au-delà de la simple appréciation des bibliothèques numériques qui offrent des moyens à portée de la main pour accéder aux sources, les historiens doivent maintenant mesurer les conséquences que peuvent avoir ces ressources sur la constitution des connaissances historiques et la nature de la recherche. Les historiens universitaires semblent avoir dépassé à la fois les premières réactions de résistance face aux nouvelles technologies et l’étape de l’émerveillement devant les possibilités offertes par de telles ressources, des attitudes qui semblaient encore assez répandues lors des sondages menés au début du projet de NML. Toutefois, les historiens universitaires ont très peu écrit sur ces questions. La transition du codex imprimé au livre électronique a, bien sûr, été …

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