Comptes rendus

MURRAY, Jocelyne, Apprendre à lire et à compter. École et société en Mauricie 1850-1900 (Sillery, Septentrion, 2003), 281 p.[Notice]

  • Marc-André Éthier

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  • Marc-André Éthier
    Département de didactique
    Université de Montréal

Jocelyne Murray a dépouillé une quantité impressionnante d’archives pour décrire avec force détails le développement de l’école publique dans les localités rurales de la Mauricie et dans la ville de Trois-Rivières de 1850 à 1900 : plus de 6000 lettres des municipalités scolaires, des parents, des contribuables, des institutrices, les rapports des inspecteurs et du Surintendant de l’Instruction publique, etc. Il en résulte une monographie régionale en sept chapitres denses et courts apportant un lot appréciable d’informations inédites et importantes (mais parfois aussi accessoires et pléthoriques, surtout dans les premiers chapitres) que les grandes synthèses auraient avantage à intégrer pour préciser leurs affirmations ou établir des comparaisons avec d’autres régions de la province durant la même période. La riche iconographie illustre les derniers chapitres. Le premier chapitre montre en quoi les commissions scolaires reflétaient leur milieu. L’auteure attache d’abord son regard sur les facteurs d’établissement des écoles et les enjeux des élections scolaires, puis elle examine le statut des commissaires et secrétaires-trésoriers. Ces derniers « n’ont fait l’objet d’aucune étude » (p. 30), malgré l’importance centrale qu’on leur découvre ici. Murray décrit ensuite l’opinion que le Surintendant de l’Instruction publique et les inspecteurs d’école se faisaient des commissaires. Le deuxième chapitre s’intéresse au financement tripartite des écoles, formé des allocations gouvernementales, de la cotisation (un impôt foncier local) et de la rétribution mensuelle (des frais de scolarité). Ce chapitre décrit l’insuffisance des moyens dont disposaient les écoles et son effet négatif sur le salaire des institutrices, la construction des écoles, l’achat de matériel pédagogique ou de mobilier (p. 37). Le troisième chapitre traite des affaires scolaires. Il étudie deux questions. (1) Le déroulement des affaires scolaires au sein des corporations et leurs enjeux habituels : l’emplacement des écoles et l’implantation des écoles modèles dans les villages. (2) Le rôle des curés dans les discussions publiques et l’administration des écoles. « Les rivalités entre les contribuables basées sur la somme des impôts payés ou sur le statut social démontrent la diversité du monde rural et la variété des attentes face à l’instruction. En somme, les contribuables rêvent tous d’une école à proximité de leur domicile, et les curés à une ou deux écoles modèles sous la direction de religieux enseignants. » (p. 94) Le quatrième chapitre porte sur le recrutement, l’engagement, le licenciement et la rémunération des enseignants, selon leur statut et leur sexe (on apprend que les collèges sont entièrement à la charge des contribuables, mais pas les couvents), tandis que le cinquième expose les attentes des contribuables relativement à la compétence et à la moralité des enseignants, ainsi que le point de vue de ces derniers et leurs motifs de récrimination. Murray reprend la thèse, documentée par Charland, selon laquelle le comportement des maîtres d’école se conforme généralement aux normes sociales de l’époque et, malgré la grande vulnérabilité des instituteurs, entraîne peu de révocations ou de départs. Il y a néanmoins des exceptions. C’est le cas à Saint-Didace en 1880, quand une institutrice et son assistante furent accusées d’avoir démontré « [...] une familiarité démesurée dans l’école comme dans les chemins » (p. 137). Le sixième chapitre concerne le coût, les caractéristiques architecturales (dimensions des classes, etc.) et l’état lamentable des maisons d’école durant la période examinée, ainsi que l’ameublement, les fournitures scolaires et le matériel pédagogique disponibles. Certaines écoles, provisoirement logées dans une pièce louée d’une résidence, déménageaient souvent. Bien que la situation fût généralement meilleure dans les écoles de village que dans les écoles de rang et qu’elle tendait à s’améliorer avec le temps, elle était néanmoins pitoyable. La craie et les tableaux noirs, par exemple, étaient …