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Les archives proposant des inventaires en ligne de leurs collections ne sont pas nombreuses. Celles proposant des descriptions de leurs fonds à la pièce avec possibilité de visualiser immédiatement une reproduction du document décrit sont encore plus rares. C’est pourquoi il faut saluer l’apparition, au mois de novembre 2003, du site « Nouvelle-France, Horizons Nouveaux » qui offre généreusement aux internautes toutes ces possibilités. L’originalité du portail est de centraliser les notices et les photographies numériques de centres d’archives en France et au Canada qui possèdent des fonds sur la Nouvelle-France. Le site — qui revendique une banque de près d’un million d’images — est le fruit d’une collaboration entre la direction des Archives de France, Bibliothèque et Archives Canada et l’Ambassade du Canada à Paris. Il a été mis en place pour commémorer le 400e anniversaire de la présence française en Amérique.

Le site comprend deux parties principales, s’adressant à des publics bien distincts : d’une part, une base de données documentaire principalement destinée aux chercheurs (qu’ils soient historiens ou généalogistes). D’autre part, une « exposition » multimédia (hébergée sur le site www.champlain2004.org), à l’usage cette fois du grand public. Cette partie retrace en douze thèmes « l’aventure » des colons partis vivre au Canada aux xviie et xviiie siècles, et présente à l’appui près de 350 documents souvent exceptionnels. À peine pourra-t-on regretter les liens brisés des rubriques « interactivité » et une incompatibilité technique qui empêche parfois les (nombreux) utilisateurs de Mozilla Firefox de faire défiler correctement les textes présentant chaque thème (d’une manière générale, pour naviguer sur ce site, les utilisateurs du logiciel libre seront mieux avisés d’utiliser Internet Explorer). En dehors de ces problèmes mineurs, il faut souligner l’excellente qualité graphique (le design et les aspects techniques ont été réalisés par des professionnels, principalement au Canada), la facilité de navigation et surtout la richesse du contenu. Par exemple, la partie de l’exposition sur les Acadiens réfugiés en France est bien réalisée, résumant l’essentiel de manière consensuelle — le projet est financé par le gouvernement canadien — et proposant des documents pertinents. Les enseignants du secondaire et du collégial trouveront sûrement ces ressources utiles pour initier leurs élèves à la Nouvelle-France, d’autant que, pour chaque thème, il existe la possibilité d’imprimer les textes introductifs et des documents d’archives en format Acrobat (PDF), ce qui facilite l’utilisation des documents comme supports de cours. La version PDF reprend le même texte et les mêmes images que la version HTML, à l’exception évidemment des extraits sonores.

La seconde partie du site est constituée d’une impressionnante base de données documentaire. Il faut signaler quelques petits problèmes ou limites techniques, qui ne remettent pas en cause la qualité de l’ensemble : j’ai ainsi été à plusieurs reprises dans l’incapacité d’accéder à la base de données. La direction des archives de France, administrateur du site, contactée par courrier électronique à ce sujet par le biais de la rubrique « contact », ne m’avait toujours pas répondu plus d’un mois après l’envoi de mon courriel. Par ailleurs, pour visualiser les images d’archives, il est obligatoire de télécharger et d’installer (gratuitement) le logiciel Adobe SVG Viewer, opérations relativement simples si l’on possède une connexion à large bande passante. Il est ensuite théoriquement possible de tester la bonne installation du logiciel en cliquant sur un lien de la page d’accueil, mais ce test ne fonctionne pas, alors même que le logiciel est correctement installé.

L’internaute pourra également être momentanément dérouté par l’existence, dans les menus déroulants, de plusieurs fonds apparemment redondants : par exemple on peut choisir entre un « fonds des colonies » (contenant trois documents) ou un « fonds des Colonies » (dans lequel sont recensés cette fois plusieurs milliers de documents). Le même problème se retrouve pour le « dépôt des fortifications des colonies » qui apparaît deux fois sous des intitulés légèrement différents.

L’interface de recherche est largement intuitive. Au besoin, la page d’aide permet aux utilisateurs novices de mieux formuler leurs requêtes. Il est possible d’interroger la base seulement par mot clé ou par l’année de datation du document, soit dans les notices complètes soit seulement dans les titres. Il aurait été utile que des critères de recherches plus affinés — par auteur, organisme producteur, destinataire ou par date précise — soient proposés. Il est certes possible d’effectuer une requête, par exemple, avec « Talon », mais le moteur interne rapporte indistinctement tous les documents dont les notices mentionnent le nom de l’intendant, qu’il en soit on non l’auteur. Les concepteurs du site, ayant dû fondre dans une base commune des notices archivistiques rédigées selon des critères parfois fort différents, pouvaient cependant difficilement proposer cette option. Enfin, il est possible de chercher en une fois les différentes formes d’un même mot grâce à l’utilisation d’un astérisque (par exemple, colon, colons, colonie peuvent être remplacés par colon*). Cette fonctionnalité est malheureusement désactivée lorsque les mots recherchés comportent des accents (par exemple : réfugié* ne donne aucun résultat alors que refugie* en ramène près de 140). D’une manière générale, les accents ne sont pas reconnus par le moteur de recherche.

Une fois la requête effectuée, les résultats s’affichent au choix par pertinence (il n’est pas toujours facile d’en comprendre les critères) ou par date. Une liste de résultats abrégés s’affiche sur un premier écran. On peut ensuite accéder à une fiche contenant une description plus complète du fonds et — ce qui rend cette base tout à fait unique — à une image du document (plusieurs de ces images ont été copiées du site des Archives du Canada). Les fiches descriptives, à la pièce, souvent reprises des précieux Rapports des Archives du Canada (années 1884 à 1905 notamment) sont le plus souvent très complètes et résument en général admirablement bien le document. Certaines notices sont nettement plus sommaires (et d’autres sont involontairement tronquées), mais il est toujours possible bien sûr de se reporter à l’image du document lui-même. Les reproductions des documents sont de bonne qualité, même si la définition de l’image n’est pas toujours suffisante pour zoomer sur certains textes anciens difficiles à déchiffrer. En revanche, un grand nombre de documents numérisés à partir de microfilms sont très difficilement déchiffrables, mais il s’agit bien sûr là encore de contraintes techniques indépendantes du site lui-même.

Les quelques critiques exprimées ci-dessus ne doivent cependant pas décourager les lecteurs de la Revue d’utiliser ce site, qui reste tout à fait exceptionnel et constitue une ressource essentielle pour tous les chercheurs travaillant sur la Nouvelle-France. Il faut saluer l’immense travail que représente la mise en commun de toutes ces ressources dispersées sur plusieurs pays et l’ambition de l’entreprise, dont la base de données est constamment nourrie par de nouvelles notices et de nouvelles images. Il faut espérer que le site continuera à recevoir les subventions et le soutien indispensables pour continuer à croître et qu’il parviendra à augmenter encore ses capacités en matière notamment de bande passante (ce qui permettrait de diminuer le temps nécessaire pour visualiser un document).