Comptes rendus

Gagnon, Serge, Quand le Québec manquait de prêtres. La charge pastorale au Bas-Canada (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006), 414 p.[Notice]

  • Frédéric Barriault

…plus d’informations

  • Frédéric Barriault
    Université Laval

À une époque où l’Église catholique du Québec connaît une grave crise de recrutement sacerdotal, Serge Gagnon a eu la bonne idée de jeter un regard d’historien sur cette question, en se demandant comment le tarissement des vocations a influé sur la pastorale du clergé bas-canadien (1791-1840). Intitulé Quand le Québec manquait de prêtres, le dernier opus de Gagnon aborde l’enjeu de la charge pastorale au Bas-Canada. Dans l’ouvrage, le terme « charge pastorale » a une double acception, désignant tantôt la charge de travail des prêtres bas-canadiens, tantôt la charge d’âmes de ces derniers. L’étude de la charge de travail du clergé est essentiellement abordée dans le premier chapitre du livre, Gagnon montrant les conséquences du vieillissement du clergé et du tarissement des vocations sacerdotales. Cumulant souvent plusieurs cures et étant régulièrement privés de l’aide de vicaires, les curés bas-canadiens se « tuent » littéralement à l’ouvrage, le surmenage fauchant les prêtres vieillissants comme les ecclésiastiques nouvellement ordonnés. Les cinq chapitres suivants s’intéressent quant à eux à la charge pastorale du clergé bas-canadien, Gagnon abordant diverses facettes du « travail » sacerdotal, qu’il s’agisse de l’administration des sacrements, de la prédication (chap. 2 et 3) ou de la confession (chap. 4, 5 et 6). Abordant de manière plus ténue l’enjeu du surmenage des prêtres, ces cinq chapitres « revisitent » certains enjeux abordés par Gagnon dans ses ouvrages précédents, qu’il s’agisse de pastorale du mariage, de morale sexuelle ou de pastorale auprès des malades et des « agonisants ». Plus instructif encore est le tableau fortement nuancé que Gagnon trace de la pratique de la confession au Bas-Canada. Jusqu’ici, on tenait pour acquis que le clergé de la première moitié du xixe siècle était massivement rigoriste – clergé exigeant la contrition parfaite, pratiquant le délai d’absolution et ne distribuant l’eucharistie qu’aux « âmes d’élite ». Jusqu’ici, on tenait également pour acquis que pour voir se redresser la pratique pascale, il fallait « attendre » la diffusion au Québec de la morale d’Alphonse-Marie de Liguori, morale faisant preuve de compassion à l’endroit des pécheurs. D’abord diffusée dans les milieux ultramontains français, la morale de Liguori aurait atteint le Québec à partir des années 1840, grâce à l’introduction des manuels de théologie de Thomas-Marie Gousset – manuels d’ailleurs fortement recommandés par Mgr Bourget. L’étude de Gagnon nous invite à revoir cette chronologie. En effet, celui-ci nous fait découvrir un Bas-Canada déjà gagné à une pratique de la confession fortement liguorienne. La chose se vérifie chez Mgr Plessis (1786-1825), qui déplore que son clergé fasse preuve d’une « extrême rigidité » au confessionnal, rigidité éloignant « tant de pauvres gens » (p. 343) de la fréquentation assidue des sacrements. De fait, Plessis rappelle fréquemment à l’ordre les prêtres scrupuleux – prêtres menant une vie inutilement austère et « trop mortifiée » (p. 343). Ni laxiste ni rigoriste, la morale prêchée par Plessis se rapproche de l’équiprobabilisme liguorien, l’évêque de Québec insistant sur la « miséricorde acceptable » (p. 338) et sur le recours à l’eucharistie pour motiver et « fortifier » les pécheurs en processus de perfectionnement moral. Selon Gagnon, la majorité du clergé bas-canadien semble avoir fait preuve de mansuétude à l’égard des pénitents. Ayant compris que le désespoir mène ultimement à l’indifférence religieuse, Plessis exhorte son clergé à ne pas décourager les fidèles et à réconcilier ceux-ci avec les sacrements – eucharistie comprise. Cela laisse supposer deux hypothèses : (1) Plessis a lu et intégré à sa pastorale les écrits de Liguori, écrits diffusés dans les milieux ultramontains français de la Restauration – milieux d’ailleurs « fréquentés …