Comptes rendus

Dolan, Claire, dir., Entre justice et justiciables : les auxiliaires de la justice du Moyen-Âge au xxe siècle (Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Intercultures », 2005), 828 p.[Notice]

  • David Gilles

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  • David Gilles
    Faculté de droit, Université de Montréal

Ce riche ouvrage est l’aboutissement d’un colloque qui s’est tenu à Québec en septembre 2004 et dont il reprend la majorité des communications. Comprenant quarante-six articles, il brosse un large portrait historique des rapports professionnels et humains que l’exercice quotidien de la justice met en action. L’intérêt pour les auxiliaires de justice prolonge un récent renouveau de l’histoire du droit et du fait judiciaire, prenant place au croisement de plusieurs recherches collectives menées actuellement tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Parmi les auteurs de cet ouvrage, il convient de relever des auteurs qui ont contribué depuis de longues années aux recherches sur l’histoire de la justice (R. Descimon, M. Porret, G. Audisio, W. Brooks, C. Dolan…) et de jeunes chercheurs (I. Carrier, A.-C. Claudel…) qui lancent parfois de nouvelles approches du fait judiciaire. Toutefois, on peut regretter une sous-représentation des historiens des facultés de droit, qui auraient pu contribuer utilement à nourrir ces réflexions ainsi que l’absence d’études portant sur les colonies nord-américaines en dehors du contexte canadien. Comme le souligne Claire Dolan, l’auxiliaire de justice, à la jonction de l’État et de la population, a été quelque peu négligé dans l’historiographie récente. La première partie de l’ouvrage est consacrée à ceux qui sont auxiliaires de justice par leurs fonctions. La seconde - intitulée « auxiliaires de la justice ou auxiliaires de justice » - évoque la question des professions ou des personnes, qui, sans posséder de véritable fonction dans l’appareil judiciaire, participent au bon exercice de la justice. L’ouvrage, et c’est l’un de ces mérites, dresse ainsi un portrait quasi exhaustif de ceux qui ont été amenés, durant cette longue période allant du Moyen-Âge au xxe siècle, à participer à l’exercice pratique de la justice. Certains corps, officiels ou dont les groupes sont numériquement plus importants, bénéficient de plusieurs articles qui permettent une vision d’ensemble, quoique moins innovante, de leur activité. Il en est ainsi des notaires, des procureurs, des avocats, des bourreaux ou des commissaires. Parmi ces auxiliaires de justice, deux groupes, les gardes-forestiers et les sergents, plus méconnus, sont éclairés par une série d’études de qualité. Il est difficile de rendre compte de l’ensemble des travaux de cet ouvrage. Certains permettent de mieux appréhender les traditions juridiques et sociales qui se sont implantées dans le Nouveau Monde. Ainsi, l’article de C. W. Brooks apporte de précieux enseignements sur le rôle qu’ont joué les « lawyers » anglais dans les relations entre les juridictions et les justiciables du xve au xixe siècle, rôle qui se poursuivra dans le contexte de la colonie nord-américaine. À ce titre, l’article de J. Hayhoe, portant sur l’arbitrage dans la pratique bourguignonne de la fin du xviiie siècle, apporte de précieux renseignements statistiques sur l’exercice de l’arbitrage devant les juridictions de l’Ancien Régime français, rôle appartenant largement aux avocats et aux notaires en Bourgogne comme en Nouvelle-France. Les articles de R. Carvais, de M. Porret, de M. Daniel et de F. Chauvaud - portant respectivement sur l’apport judiciaire des maçons, des sages-femmes et des chirurgiens, des médecins et sur l’expertise professionnelle - sont particulièrement éclairants sur le rôle méconnu des experts et des professionnels dans les rapports entre la justice et les justiciables. Six articles intéressent plus particulièrement l’histoire de la justice en Amérique : il s’agit des travaux de D. Fyson, de J.-P. Garneau, de S. Normand, de M. P. Brunet, de D. Wright et de K. White. Le premier de ces travaux traite de l’évolution du rôle des auxiliaires de justice de la Nouvelle-France jusqu’au régime mis en place par les Britanniques après la Conquête. Rappelant …