Débat

Un coup d’épée dans l’eauRéponse à la réplique, avec une postface[Notice]

  • Michèle Dagenais et
  • Christian Laville

Dans notre article, nous voulions montrer en quoi et comment la campagne d’opposition au projet de programme Histoire et éducation à la citoyenneté pour le secondaire a eu pour conséquence malheureuse de conduire à son naufrage. Du même coup, le projet pourtant bien nécessaire de renouveler l’enseignement de l’histoire nationale a échoué. Notre article a montré que les motifs invoqués pour combattre le programme ne sont ni d’ordre historique ni pédagogique au premier chef, mais bien d’ordre politique : c’est une lutte de nationalistes pour préserver un enseignement de l’histoire construit selon la vulgate traditionnelle, dont il est espéré qu’elle instillera la flamme nationaliste dans l’âme des jeunes générations et les conduira sur le chemin de l’indépendance du Québec. Ainsi, le mémoire issu d’une coalition de ses plus virulents adversaires, le conseil d’administration de la Chaire Hector-Fabre déclarait : [le but est de montrer combien ces événements de l’histoire du Québec] « ont orienté inexorablement son destin dans la direction que l’on connaît ». Que notre article ait suscité l’attention des nationalistes mis en cause ne pouvait nous étonner. Et que Robert Comeau, membre fondateur de la Chaire et un des principaux animateurs de la campagne, ait voulu répliquer, nous nous y attendions, tout comme à ce que l’accompagne sa militante collègue Josiane Lavallée. Mais ce à quoi nous ne nous attendions pas, c’est que la réplique passe plus par des procès d’intention et des accusations personnelles que par des justifications argumentées. Ainsi, pour nous disqualifier a priori probablement, nous serions de « prétendus avant-gardistes révisionistes et postnationalistes », ou, pire, suspects de défaut d’allégeance : « peut-on croire que les auteurs n’ont pas souhaité promouvoir l’identité de l’autre nation qui est majoritaire au Canada ? ». Dans cette réponse à la réplique, nous entendons d’abord montrer que les principales assertions utilisées pour disqualifier notre propos ne sont pas fondées ; ensuite, souligner certains points de notre article qui ne semblent pas avoir été bien compris. D’entrée de jeu, Robert Comeau et Josiane Lavallée nous accusent de mal les citer et de leur attribuer des propos qui ne seraient pas les leurs. Reprenant un passage de leur introduction à L’historien Maurice Séguin, nous avons rapporté qu’ils tiennent à « conserver un enseignement de l’histoire fondé sur les événements qui ont imprimé un souvenir indélébile dans [la] mémoire nationale ». Ils affirment dans leur réplique que cette position n’est pas la leur, mais celle des Québécois et que nous aurions dû citer aussi le passage qui précède, c’est-à-dire : « on a pu constater à quel point les Québécois tenaient à [conserver etc.] ». À ce compte-là, citons donc ce qui précède encore : « Dans le récent débat, qui a débuté au printemps 2006, au sujet du projet de programme d’histoire et d’éducation à la citoyenneté qui occulte la trame événementielle des “moments fondateurs et uniques” qui ont marqué “à jamais le destin” de notre collectivité [on a pu etc.]. » Comment ne pas penser en lisant ce que R. Comeau et J. Lavallée écrivent eux-mêmes dans cette phrase, qu’ils ne prennent pas à leur compte l’extrait que nous avons rapporté ? D’ailleurs, dans leur réplique, ils en remettent : « Quelle honte y a-t-il à vouloir transmettre les luttes de générations successives de Québécois aux élèves de toutes origines ? Pourquoi devrions-nous évacuer toute trace de luttes nationales et politiques du passé québécois ? Une nation peut-elle se construire sur l’oubli de son passé ? » Qui est le « nous » ici ? Et en quoi ces propos invalident-ils ce que nous écrivons dans notre article, à …

Parties annexes