Comptes rendus

LITTLE, J. I., Borderland Religion : The Emergence of an English-Canadian Identity, 1792-1852 (Toronto, University of Toronto Press, 2004), 386 p.[Notice]

  • Gillian Leitch

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  • Gillian Leitch
    Université d’Édimbourg

Au xixe siècle, les Cantons de l’Est constituent une zone frontalière de colonisation sise à la limite des zones de peuplement plus ancien du Québec et des États-Unis. Il s’agit bien d’un lieu frontière, comme l’annonce le titre, un espace ouvert aux influences conjointes des cultures étatsunienne et britannique. Jack Little observe cette région durant sa phase de développement initial, de 1792 à 1852, et s’en sert comme laboratoire pour y expliquer l’absence de radicalisme social malgré sa proximité des États-Unis. Selon lui, les Cantons de l’Est forment un tampon où les visions sociales divergentes des États-Unis et de la Grande-Bretagne sont intégrées et adaptées aux circonstances locales. Cette zone frontière sert alors davantage comme un filtre que comme barrière, permettant la transformation de mouvements sociaux importés des États-Unis dans leur progression vers le nord. Ce livre part de l’histoire religieuse pour expliquer les mouvements sociaux. Les dénominations protestantes qui essaiment dans la région durant la première moitié du xixe siècle subissent également l’influence des mouvements britanniques et étasuniens de renouveau évangélique. Leur expansion, à travers les efforts de missionnaires et les rassemblements de masse qu’ils animent, amène le développement d’une religion populaire résultant de ce brassage de populations et d’idées. Les missionnaires voient en cette zone de colonisation une terre à évangéliser, ce qui entraîne de leur part des efforts passionnés pour propager le message de salut propre à leur groupe. En mettant l’accent sur le développement religieux, Little souligne le rôle primordial de la religion dans la vie des Anglo-Canadiens au xixe siècle. Il ne s’agit pas que d’une structure sociale et d’une foi ; la religion agit également comme système local de gouvernance dans une région aux structures étatiques embryonnaires. Little croit que l’éthique volontariste propagée par ces mouvements religieux influence durablement la population locale qui réagira longtemps face à l’État en exigeant un contrôle local des institutions (p. x). En première partie, Little dépouille les statistiques disponibles pour ces soixante années et dresse un portrait nuancé de la composition ethnique, nationale, religieuse et occupationnelle de la population des Cantons de l’Est. L’auteur souligne la diversité religieuse qui y règne, une situation qui s’apparente à celle du Haut-Canada de l’époque (p. 12). L’étude débute en 1792, mais seules les données du recensement de 1831 fournissent une idée précise du poids relatif des divers groupes, ce qui va pas sans poser certains problèmes méthodologiques. Néanmoins, Little observe la croissance et la répartition régionale des dénominations, soulignant au passage que certaines sont davantage concentrées dans certains cantons. Jusqu’en 1815, la population des Cantons de l’Est croît très lentement, ce qui se reflète dans le lent développement institutionnel de la région. Ce constat marque la fin de la longue introduction de l’ouvrage, consacrée à définir l’identité protestante. L’auteur raconte ensuite l’épopée des missionnaires itinérants qui parcourent les Cantons pour desservir et convertir sa population dispersée. Ces hommes sont parfois affiliés à des Églises reconnues et parfois ils agissent de leur propre initiative, sur la base de leur propre interprétation de la foi. Plusieurs mouvements évangéliques originaires de l’Est des États-Unis parviennent jusqu’aux Cantons de l’Est, y trouvant un terreau parfois réceptif, parfois moins. L’Église anglicane, bien financée, étend son influence sur la région de manière durable. La guerre de 1812 et le climat de suspicion qui l’accompagne amènent un ralentissement de l’activité des missionnaires étasuniens. Les hostilités amènent un virage politique et créent un vide religieux que les sociétés missionnaires britanniques conservatrices s’empressent de combler (p. 51). La deuxième partie du volume, qui débute en 1815 avec la fin du conflit armé avec les États-Unis, forme le …