Comptes rendus

GRAY, Colleen, The Congrégation de Notre Dame, Superiors, and the Paradox of Power, 1693-1796 (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2007), xxxvi-252 p.[Notice]

  • Micheline Dumont

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  • Micheline Dumont
    Professeure émérite, Université de Sherbrooke

Tirée d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université McGill en 2004, cette monographie aborde une question sans doute inédite dans l’historiographie de la Nouvelle-France : le pouvoir détenu par les femmes qui ont exercé un poste d’autorité dans les congrégations religieuses féminines, notamment la Congrégation de Notre-Dame. Fruit d’une recherche érudite qui a dû prendre de nombreuses années, cet ouvrage tente de faire apparaître devant nous les détails d’un passé à jamais disparu dans le paysage montréalais, en précisant que son angle d’approche est délibérément nouveau, notamment parce qu’il porte sur le xviiie siècle. Les recherches antérieures, en effet, se sont le plus souvent concentrées sur l’époque des fondatrices au xviie siècle, ou sur l’essor congréganiste du xixe siècle. L’auteure affirme comme certain le pouvoir exercé par les femmes qui ont dirigé les congrégations religieuses de l’Ancien Régime, et tente d’analyser les « muted, less clearly defined dimensions of power, the paradoxes, the complexities and the limitations inherent within it » (p. 13-14). Divisé en deux parties, l’ouvrage porte d’abord sur l’institution : le monde privé (chapitre 1), la mission spirituelle dans le monde public (chapitre 2) et la mission économique dans le monde public (chapitre 3). La seconde partie examine en détail la personnalité de trois supérieures, Marie Barbier dite soeur de l’Assomption (1693-1698), Marie-Josèphe Mauge Garreau dite également soeur de l’Assomption (1766-1772) et Marie Raizenne dite soeur Saint-Ignace (1778-1784 et 1790-1796) ; elle tente aussi de cerner s’il est possible de déterminer des caractères généraux qui conviendraient à l’ensemble des supérieures qui ont dirigé la Congrégation de Notre-Dame durant le xviiie siècle et qui pourraient expliquer qu’elles ont été élues à ce poste. L’érudition qui a présidé à cette recherche est indiscutable, surtout quand on considère que la majeure partie des documents originaux de cette période a été détruite dans les multiples incendies qui ont frappé les maisons de la Congrégation. Les trois chapitres de la première partie nous font vraiment pénétrer à l’intérieur de l’institution, comprendre la vie congréganiste, son rôle social et l’établissement de ses assises économiques en même temps que son étroite dépendance des autorités civiles et surtout religieuses. Les cartes, tableaux insérés au fil de ces chapitres sont très éclairants, surtout la section consacrée à la stratégie immobilière de la Congrégation. La seconde partie est basée principalement sur la correspondance conservée des supérieures. L’auteure fait bien ressortir les tempéraments opposés de Mauge Garreau et de Raizenne, dans une démonstration qui montre bien que ces femmes n’ont certainement pas souhaité le pouvoir, mais ont exercé avec adresse celui qui leur a été confié. Il me semble que la démonstration aurait été plus forte si on avait pu soumettre à la même analyse minutieuse la correspondance de toutes les supérieures. Je reconnais que l’entreprise aurait vraisemblablement dépassé les cadres d’une thèse de doctorat. Il n’empêche. Des questions importantes se sont pratiquement trouvées absentes de l’analyse : l’assaut de la Métropole contre les congrégations religieuses durant les années 1720, la guerre, la période du changement de régime, la perte des rentes françaises au moment de la Révolution française. Il me semble aussi que l’auteure aurait pu souligner le fait que deux congrégations, les Ursulines de Québec et la Congrégation de Notre-Dame, ont eu recours à la stratégie de choisir comme supérieure une femme originaire de la Nouvelle-Angleterre, ce qui est le cas de Marie Raizenne dont les parents Josiah Rising et Abigail Nims ont été capturés à Deerfield en 1704, et d’Esther Wheelwright. Le dernier chapitre consacré à la personnalité de Marie Barbier adopte une position hautement controversée : l’auteure considère comme une …