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L’auteur a structuré son ouvrage en cinq chapitres en plus d’une introduction, d’une conclusion et d’une annexe comprenant un choix judicieux d’illustrations qui viennent étayer sa proposition de mise en valeur du site du palais de l’intendant à Québec.
L’introduction, aussi longue que chacun des chapitres suivants, comprend quatre parties : un survol des études portant sur le palais de l’intendant et des principaux intervenants institutionnels dans la mise en valeur du site ; les raisons expliquant le fait que ce site exceptionnel demeure méconnu du public (absence d’ouvrage de vulgarisation, localisation en retrait de la vieille ville, etc.) ; une énumération des sources censées avoir servi à son mémoire, mais qui n’apparaissent pas toutes en bibliographie (rapports gouvernementaux, rapports de fouilles, archives manuscrites, fonds de cartes, etc.) ; enfin, des précisions sur l’objectif ultime de l’ouvrage, c’est-à-dire la mise en valeur du site par « la construction d’une image informatisée tridimensionnelle » et sa diffusion au moyen d’Internet.
Le premier chapitre traite de l’occupation du site du palais de l’intendant et des différents changements survenus depuis le Régime français jusqu’au début du xxie siècle. On y apprend que le terrain acquis par l’intendant Talon en 1668 abrite une brasserie et une potasserie ; qu’à partir de 1686, l’intendant Jacques de Meulles y fait ériger sa résidence que le feu consume une première fois en 1713, puis de nouveau en 1725. Épargné lors de la guerre de la Conquête, le palais est toutefois en grande partie détruit lors de l’invasion américaine de 1775. Par la suite, diverses constructions occuperont le site, dont les brasseries Boswell et Dow (1852-1971). Après un survol d’une documentation mal assimilée où les citations d’auteurs et de rapports se multiplient tout à fait inutilement, on apprend que seul « l’intérieur du rez-de-chaussée du palais est resté relativement intact ; donnant ainsi aux visiteurs une occasion unique de circuler dans une succession de sept salles voûtées construites au tout début du xviiie siècle » (p. 34).
Le deuxième chapitre récapitule les travaux archéologiques qui ont eu lieu sur le site à partir de 2000 et qui ont permis d’apporter des éclaircissements sur l’architecture de l’édifice. Il s’agit d’une synthèse très technique des rapports de fouilles dont la compréhension est réservée aux seuls initiés. L’auteur conclut par une réflexion sur la requalification du site actuel en se référant aux notions de conservation, de reconstitution et de reconstruction partielle ou intégrale de sites patrimoniaux. Il propose ensuite de faire de cette reconstitution une activité d’interprétation qui, « appelant à la révélation des sens profonds et des rapports, vise une sensibilisation accrue du public à la signification de la ressource culturelle » (p. 50).
Après une brève description des expositions et des activités qui ont cours actuellement au site du palais de l’intendant, le troisième chapitre aborde le concept de mise en valeur virtuelle. On y trouve tour à tour des informations générales sur les différences entre musées réels et musées virtuels, sur les musées et l’utilisation d’Internet, sur la puissance du Web pour la diffusion du patrimoine, une liste d’organismes à caractères éducatifs comme Parcs Canada et le Musée McCord qui y ont recours pour diffuser leur contenu. Suit ensuite une description des programmes et des outils numériques que certains sites patrimoniaux, comme la cathédrale d’Oporto au Portugal et les archives de la cité médiévale de Barcelone, ont adoptés pour se faire connaître sur la planète.
Le quatrième chapitre fourmille d’informations techniques. L’auteur passe en revue cartes, plans et illustrations de l’époque pour s’arrêter à quelques années repères dans le but de construire une maquette du palais et par la suite d’effectuer une reconstitution tridimensionnelle. Il suggère les étapes à poursuivre pour en arriver à une exploitation judicieuse de ses sources et une mise en valeur virtuelle du palais.
Le dernier chapitre est consacré au contenu de ce site virtuel : maquette permettant la visite en 3D de l’édifice, chronologie, photos d’artefacts, diverses banques de documents adaptées aux publics visés, bref une base de données diversifiée comme il en existe plusieurs dans Internet, avec des programmes de navigation plus ou moins conviviaux.
La conclusion contient à la fois un résumé des différents chapitres et une sorte d’autocritique de la démarche où l’auteur soulève le « danger évident d’éparpillement » dû à la diversité des disciplines dans lesquelles il a puisé : histoire, archéologie, architecture, technologies virtuelles, médiatisation. Même si l’auteur a le mérite d’informer le lecteur de ce « danger », son « grand effort de synthèse pour en arriver à un contenu cohérent » n’est pas suffisant.
Ce travail recèle d’excellentes informations à la fois sur le site du palais de l’intendant et sur les nouvelles technologies qui, j’en suis convaincu, pourront nourrir les réflexions de ceux qui se pencheront sur la mise en valeur du site. Il gagnerait toutefois à être mieux structuré : les mêmes informations reviennent à plusieurs reprises, et les réflexions de l’auteur sur la muséologie, l’archéologie et la mise en valeur sont intercalées un peu partout dans le texte. Ses nombreuses digressions empêchent trop souvent le lecteur de suivre le fil conducteur. Il aurait mieux valu s’en tenir à l’essentiel. Et la qualité du français, notamment la répétition de transitions inutiles (Il faut savoir ; Il faut dire ; Sur un autre plan ;) ne facilite pas la lecture.
L’idée d’avoir recours à la virtualité pour exploiter un site patrimonial si riche et de proposer des avenues pour sa réalisation, notamment l’utilisation d’Internet, demeure excellente. On se met simplement à espérer qu’un tel projet se réalisera un jour, même si on sait déjà, malgré la brève histoire de la virtualité, que le public préfère encore l’objet réel, l’artefact, à l’objet virtuel, qu’il s’agisse de sculpture, de peinture ou de structure architecturale.
Le palais de l’intendant… est une publication soignée, sur papier de qualité, et la mise en pages est à la fois sobre et belle. La reproduction des cartes et des plans sélectionnés est d’une qualité remarquable. Bref, un livre à l’image de ce que le CÉLAT nous a habitués depuis plusieurs années.