Comptes rendus

LITTLE, J. I., Loyalties in Conflict. A Canadian Borderland in War and Rebellion 1812-1840 (Toronto, University of Toronto Press, 2008), 182 p.[Notice]

  • Louis-Georges Harvey

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  • Louis-Georges Harvey
    Université Bishop’s

Dans Loyalties in Conflict, J. I. Little reprend les grandes lignes de l’interprétation qu’il avait développée dans son livre Borderland Religion, publié en 2004. Il s’agit de démontrer que les communautés anglophones des Cantons de l’Est furent profondément marquées par leur situation géographique. Effectivement, elles se situaient dans une région frontalière séparant, bien sûr, le Bas-Canada des États-Unis, mais aussi la majorité francophone du Québec et la population anglophone de l’Amérique. Le contexte géographique des Cantons assura donc que la question de la loyauté serait au coeur d’une ambiguïté identitaire entretenue au moins jusqu’en 1840. Or l’allégeance des colons d’origine américaine fut particulièrement mise à l’épreuve à l’occasion de la guerre de 1812 et encore au moment des Rébellions de 1837 et 1838. Sur la guerre de 1812, Little montre que les diverses mesures adoptées pour défendre le territoire de la colonie n’eurent que très peu d’impact sur la région. Dans certains cas, les élites cherchèrent à promouvoir leur statut social en répondant à l’appel du gouvernement et en tentant de mobiliser les hommes de leurs communautés pour défendre la frontière. Selon les circonstances locales, les habitants de la région répondirent avec plus ou moins d’enthousiasme aux appels à la mobilisation, se préoccupant d’abord de leurs intérêts particuliers. La guerre n’a pas plus soulevé les passions des voisins étasuniens et de part et d’autre l’on n’a pas cru nécessaire d’interrompre le commerce transfrontalier. L’apathie généralisée de la population à l’égard du conflit se transforma quelque peu lorsque les commandants américains décidèrent d’adopter une stratégie plus agressive. Quand les troupes étasuniennes franchirent la frontière pour s’attaquer au village de Philipsburg en 1813, la question de la défense du territoire se posa soudainement avec beaucoup plus d’acuité. En effet, la campagne américaine semblait menacer la propriété des agriculteurs établis dans les communautés frontalières. Ainsi, des hommes qui n’avaient pas spontanément répondu à l’appel du gouvernement quand il était question de défendre le territoire de la colonie se sentirent interpellés par des attaques qui menaçaient plus directement leur communauté. Ici, l’auteur développe sa thèse axée sur la primauté des intérêts locaux dans cette période où la présence du gouvernement demeurait fort restreinte. Dans le deuxième chapitre, Little s’attaque à la question de la réponse des populations de la région devant la montée du mouvement patriote, la crise du gouvernement colonial et les rébellions de 1837-1838. Ici encore, l’ambiguïté identitaire associée à la situation géographique de cette région frontalière laissent croire que les questions de loyauté se posèrent de façon particulièrement aiguë au cours des années 1830. D’entrée de jeu, l’auteur cherche à se distancer des explications traditionnelles liant les communautés anglophones du Bas-Canada à des positions politiques associées à l’appui inconditionnel du régime colonial, au monarchisme et à la faction de marchands et de fonctionnaires regroupée dans les conseils à la nomination du gouverneur. Ce faisant, Little conteste, en ce qui a trait aux communautés des Cantons de l’Est, l’image fort répandue dans l’historiographie d’une population anglophone homogène et fortement loyaliste. Citant les travaux de Denyse Beaugrand-Champagne et de Gilles Laporte, Little trace l’évolution d’un réseau politique réformiste dans la région entre 1829 et 1837. En fait, les habitants des Cantons de l’Est n’étaient pas représentés à l’Assemblée législative du Bas-Canada avant la réforme de la carte électorale en 1829. Dès l’élection des premiers représentants de la région, de nouveaux liens politiques se tissèrent avec la majorité francophone de la colonie. Le Parti patriote et les nouveaux représentants des Cantons se trouvèrent des intérêts communs dans leur contestation des privilèges accordés à certains amis du pouvoir, sur la question des terres …