Comptes rendus

MARTEL, Marcel et Martin PÂQUET, dir., Légiférer en matière linguistique (Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Culture française d’Amérique », 2008), 449 p.[Notice]

  • Angéline Martel

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  • Angéline Martel
    Télé-université, Université du Québec à Montréal

Parmi les fonctions scientifiquement attribuées à la langue, soit l’expression de l’émotion, l’interaction sociale, le pouvoir du mot, la maîtrise de la réalité, la mémoire du passé, l’instrument de la pensée, l’expression de l’identité, ce livre, sous la direction de Marcel Martel et Martin Pâquet, apporte un faisceau dirigé, comme un laser bien calibré. Il s’agit donc d’y analyser l’espace social par la voie historique des aménagements étatiques et communautaires (entendre particulièrement l’acte de légiférer) dans tous leurs aléas d’origine, développement et acceptation/rejet, comme l’expriment Martel et Pâquet dans leur introduction : Les dix-huit analyses qui composent ce recueil ont « d’abord été présentées dans le cadre du séminaire de la CEFAN [Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord] tenu à l’Université Laval à l’automne 2006, puis au colloque marquant le 40e anniversaire du dépôt du premier tome du rapport de la Commission Laurendeau-Dunton en mars 2007 au Collège Glendon de l’Université York [Ontario] » (p. 2). Ce double mouvement de développement apporte aux contributions une dimension nettement intégrée de la réflexion sur le thème général de la législation linguistique comme événement politique, en aval tout comme en amont. Les contributions de la première partie, la plus volumineuse, tentent historiquement de circonscrire le lieu politique comme espace d’aménagement linguistique canadien : « Commission royale d’enquête : la Commission Laurendeau-Dunton depuis 1963 » par Graham Fraser (p. 17-28) ; « Individu poète et avocat : l’influence de Frank R. Scott dans l’élaboration des politiques linguistiques entre 1960 et 1984 » par Valérie Lapointe-Gagnon (p. 29-58) ; « Groupes d’intérêts de communauté minoritaire ; les Ukrainiens-Canadiens des années 1960 » par Julia Lalande (p. 60-76) ; « Association d’une communauté francophone et son lobby : la SANB entre 1973 et 1987 » par Patrick-Michel Noël (p. 77-106) ; « Organisme gouvernemental : le Commissariat aux langues officielles entre 1969 et 2006 » par Sabrina Dumoulin (p. 107-126) ; « Experts et divers scientifiques : leur rôle dans l’évolution de l’éducation des minorités francophones depuis 1963 » par Stacey Churchill (p. 129-156) ; « Juristes et planificateurs étatiques : l’élaboration des politiques canadiennes et québécoises depuis 1963 » par Joseph Turi (p. 183-189). La question de modèles y est omniprésente, malgré les certitudes historiques : Quelle voie suivre ? Quels choix faire ? Quelle politique adapter/adopter ? Et avec raison puisqu’un geste politique et social est un geste qui, à l’échelle de l’histoire, engagera de nombreuses générations. La seconde partie, « Mobiliser un savoir », oriente résolument l’analyse vers l’identification et le développement de concepts clés qui ont marqué l’évolution des politiques linguistiques et leurs législations, ou encore, qui en ont amorcé la concrétisation, soit les concepts de statistiques et dénombrements de populations, ce que Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost appellent une « nouvelle économie statistique » depuis la Charte canadienne de 1981 (p. 193-216) ; concepts scientifiques de « langues », « communauté » et « identité ». Ces trois concepts marquent les choix que font les collectivités dans la compréhension de ces choix et que trace Monica Heller (p. 217-235) ; concept d’insécurité linguistique par les traits définitoires que leur donne Anne-Sophie Fournier-Plamondon dans les écrits littéraires entre 1957 et 1965 : ceux de qualité du français, les dangers qui menacent le français et les solutions d’aménagement pour la qualité de la langue française (p. 237-266) ; concept de district bilingue analysé du point de vue de l’hypothèse territoriale de l’aménagement linguistique : proposé par les traits définitoires que leur fournit Daniel Bourgeois, à savoir, le genre de conflit, le type …