Comptes rendus

FYSON, Donald, Magistrats, police et société. La justice criminelle ordinaire au Québec et au Bas-Canada (1764-1837) (Montréal, Hurtubise, coll. « Cahiers du Québec », 2010), 592 p.[Notice]

  • Denis Vaugeois

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  • Denis Vaugeois
    Historien

Même si la bibliographie présentée par l’auteur de Magistrats, police et société semble assez considérable, le sujet est passablement neuf et la grande majorité des titres qui y sont mentionnés traitent davantage du contexte, sauf quelques ouvrages dont ceux de Jean-Marie Fecteau, Jean-Philippe Garneau, F. Murray Greenwood, Douglas Hay, André Morel, Michel Morin, Hilda M. Neatby, Mary Anne Poutanen. Mais aucun de ces derniers n’aborde de front la justice criminelle ordinaire dans la Province de Québec et le Bas-Canada de 1760 à 1837. À noter que Fyson annonce couvrir la période de 1764 à 1837, mais en réalité son étude prend comme point de départ la Conquête et s’intéresse au régime militaire qui s’installe depuis la capitulation de Montréal jusqu’à la mise en place du gouvernement d’une nouvelle colonie britannique le long du Saint-Laurent, dite Province de Québec. À défaut de s’appuyer sur une abondante historiographie, Fyson se tourne vers d’inépuisables archives judiciaires. Il en donne une liste un peu sèche, laissant à son lecteur la peine de découvrir éventuellement ce qui se cache derrière les divers fonds mentionnés. Celui-ci en aura progressivement une bonne idée par les recours constants qui sont mentionnés. En effet, l’auteur a choisi d’examiner « la pertinence de la justice criminelle au quotidien, le vécu des justiciables qui suivent le cours routinier de la justice dans le système, la manière dont la justice criminelle est un lieu du pouvoir social et l’étendue de son instrumentalisation par le pouvoir étatique » (p. 44). Fyson avoue dès le départ « son intérêt à l’égard du vécu ». Il se fera donc plaisir et prendra soin de se livrer à « l’examen des structures et des rouages de la justice au quotidien à travers le regard de ceux qui l’ont vécue ». Pour autant, il admet « l’utilité d’appliquer les schémas et théories d’interprétation et d’explication contemporains à l’analyse du passé » et il ne s’en privera pas. Fidèle à ce qu’il annonce, Fyson ouvre chacun de ses huit chapitres par des citations d’époque visant un équilibre des points de vue reliés à l’aspect traité. En outre, il commence généralement par un « fait divers » qui constitue une mise en situation concrète. Il le fait même pour son introduction qui relate la comparution, en août 1830, devant Thomas Andrew Turner, magistrat en exercice au Bureau de la police de Montréal, de Michel Dubois, boulanger, accusé par Michel Asselin, menuisier, lequel déclare avoir été attaqué et « violemment frappé à coups de pied et de poing » sans la moindre provocation de sa part. Dubois verse une caution et s’engage à se présenter à un éventuel procès dont Fyson ne trouve pas de traces. Cela importe peu ; les éléments sont en place pour lui permettre d’illustrer son propos. Comme il le fait régulièrement, Fyson commence par faire le point sur les travaux des historiens. De façon générale, ils ont peu étudié, a-t-il constaté, la structure et le mode de fonctionnement des tribunaux criminels et civils inférieurs. Non seulement il entend y remédier, mais il se propose d’examiner « la relation étroite qui existe entre le droit et la société dans l’histoire », considérant « fondamentalement le droit et la justice comme des arènes de l’exercice du pouvoir, tant social qu’étatique » (p. 33). Enfin, il justifie son découpage chronologique non pas tant à cause du passage du régime français au régime britannique, mais par son intérêt pour la nature de l’État d’Ancien Régime qui finira par déboucher sur l’État bureaucratique moderne. Il met sur le même pied l’État en France avant la Révolution et le système anglais …