Comptes rendus

LEGRIS, Renée, Histoire des genres dramatiques à la radio québécoise. Sketch, radioroman, radiothéâtre, 1923-2008 (Québec, Septentrion, 2011), 512 p.[Notice]

  • Sébastien Couvrette

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  • Sébastien Couvrette
    Département d’information et de communication, Université Laval

Dans cet ouvrage, Renée Legris, professeure en études littéraires et spécialiste des fictions radiophoniques et télévisuelles, s’intéresse aux émissions dramatiques diffusées à la radio québécoise tout au long du XXe siècle. Elle y reconstitue l’histoire des différents genres dramatiques, de la première diffusion d’une pièce de théâtre à CKAC en 1923 à la production d’un radioroman mis en ondes à Radio Ville-Marie en 2008. Au fil de son argumentation, l’auteure démontre que les fictions radiophoniques sont à la fois un reflet et un témoin du contexte socioculturel changeant de la société québécoise. Dans cette étude divisée en six parties, comportant au total 20 chapitres, et agrémentée de nombreuses photographies d’artisans de la radio, Renée Legris articule son propos de façon thématique et chronologique. Après avoir présenté l’origine des dramatiques radiophoniques et leur réception critique, elle traite de l’évolution des différents genres dramatiques et de leurs univers sonores, pour ensuite aborder les principaux thèmes exploités dans les radioromans et les dramatisations historiques selon les époques. Elle conclut le tout en discutant de la place particulière occupée par les femmes dans les productions dramatiques. La spécialiste amorce son analyse en mettant en évidence les affiliations et les interactions entre le théâtre et la radio dans la programmation de la station CKAC au début des années 1920 et dans l’émergence d’une production théâtrale nationale. Ensuite, elle indique que les premières dramatiques, diffusées dans les années 1930, prennent la forme de sketchs qui servent de laboratoire et de tremplin à de nombreux auteurs québécois. Ces sketchs donneront naissance à de nombreux genres d’oeuvres radiophoniques, souvent dénigrées par les critiques littéraires, dont les très populaires radioromans qui connaissent un immense succès à partir de la fin des années 1930. Dans les années 1970 et 1980, malgré le déclin des radioromans, des sketchs, des dramatiques par épisodes et des dramatiques historiques, les radiothéâtres perdurent dans la programmation radiophonique et font de cette période, selon l’auteure, un âge d’or de la radio. Malgré certaines initiatives originales dans les années 1990, le radiothéâtre ne survivra pas à l’avènement du XXIe siècle ; ce type de production étant définitivement retiré de la programmation de Radio-Canada en 2001. Laboratoire d’écriture pour des générations d’auteurs, la radio a également été un lieu unique et incomparable d’expérimentation du son. Puisque « à la radio tout est son », Renée Legris consacre plusieurs chapitres à discuter de l’univers sonore des dramatiques radiophoniques en traitant de la musique, des effets sonores, du bruitage et des voix des comédiens et des comédiennes. Par l’entremise d’exemples variés, elle montre de quelle façon la force évocatrice de la musique et du son, et l’évolution de leur esthétique, participe directement à la construction des récits narratifs. Elle souligne également qu’en se dotant d’une signature sonore particulière, les radioromans et les dramatiques ont durablement imprégné la mémoire collective des auditeurs. Soucieuse de ne pas laisser sombrer dans l’oubli près de 80 ans d’histoire de créations littéraires radiophoniques, Renée Legris démontre par la suite en quoi les radioromans et les dramatisations historiques, en particulier, sont le reflet de l’évolution des valeurs socioculturelles du Québec des années 1930 aux années 1970. À travers la trame narrative et l’univers sonore de ces récits imaginaires se déploie une société québécoise notamment marquée par le passage de la ruralité à l’urbanité, les rapports sociaux de classes, un conflit mondial et l’effort de guerre, l’affirmation des revendications féminines et féministes ainsi que le recul de l’ascendance de l’Église catholique. En raison de leur forte popularité, les dramatiques radiophoniques représentent un important outil de diffusion − voire de propagande idéologique – des valeurs sociales, …