Comptes rendus

Pageau, Pierre, Les salles de cinéma au Québec (Québec : Éditions GID, 2009), 414 p.[Notice]

  • Marc-André Robert

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  • Marc-André Robert
    Université Laval

Professeur de cinéma retraité du cégep Ahuntsic, animateur d’une émission sur le cinéma à Radio centre-ville et rédacteur à la revue Séquences, Pierre Pageau est aussi un grand collectionneur de cartes postales de salles de cinéma. Surtout celles d’avant les années 1960. Voilà qu’au début des années 2000, il décide d’explorer et d’approfondir l’histoire de ces salles à partir de cette collection. Il lui aura fallu quatre années de recherche méthodique, de dépouillement, de lectures et d’entrevues pour produire cet ouvrage qui arrive à point. Car jusqu’ici, on ne disposait d’aucune synthèse complète sur cette question. Le journaliste anglo-canadien Dane Lanken s’était déjà penché sur l’histoire des grands palaces de Montréal (Montreal Movie Palaces : Great Theatres of the Golden Era, 1884-1938 [1993]), tout comme Jocelyne Martineau avant lui « Les palaces du septième art », Continuité) mais aucun ouvrage ni article ne se faisait l’écho de l’histoire des salles régionales, pas plus que pour la période d’après les années 1940. Pierre Pageau complète (enfin !) cette histoire fragmentaire en ratissant l’ensemble des régions du Québec et pour une période couvrant la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 2000. Il s’agit d’un projet certes ambitieux considérant l’immensité du territoire à couvrir et les spécificités régionales. Pageau a cherché essentiellement à comprendre comment les salles de cinéma ont été et sont toujours des « objets historiques qui s’inscrivent dans l’histoire culturelle québécoise et, en particulier, dans l’histoire régionale du Québec ». Son hypothèse : l’attrait de l’écran chez le spectateur, qui remonte aussi loin qu’aux premiers temps des projectionnistes ambulants jusqu’au récents cinéma-maisons de nos foyers. La salle de cinéma apparaît ainsi comme un véritable lieu social, synonyme d’une certaine vie culturelle selon l’auteur. Que ce soit au marché public, à l’hôtel de ville ou dans une salle paroissiale transformée pour l’occasion, située toujours au centre-ville, le « lieu de projection » devient très rapidement la courroie de transmission d’une culture urbaine plus moderne ou libérale vers les régions. Lieu de socialisation, au même titre que le parvis de l’église, la salle de cinéma conserve, jusqu’à aujourd’hui, un caractère profondément culturel. Pageau divise son ouvrage en quinze chapitres représentant chacun une des régions administratives du Québec. La première, Montréal, occupe naturellement la plus grande place dans l’ouvrage, suivie par Québec. L’auteur consacre tout de même une quinzaine de pages en moyenne pour chacune des autres régions de la province (Abitibi-Témiscamingue, Laurentides, Montérégie et autres), ce qui est tout un exploit. Puis, chacun des chapitres est divisé chronologiquement. Les informations qu’on y présente sont bien étayées et l’analyse soignée. Les images, tirées de la collection de cartes postales mentionnée précédemment, sont d’une richesse archivistique impressionnante. Et puisque Pageau y étudie les salles en tant que lieu, il a eu le soin et l’intelligence d’inclure l’architecture à son spectre d’analyse, ce qui en fait une recherche unique et brillante. Il n’oublie pas même la question des salles parallèles ou du cinéma communautaire. Deux annexes absolument nécessaires complètent l’étude. L’une concerne le cas de l’incendie du Laurier Palace de Montréal en 1927, événement hautement tragique (plus de 200 personnes y ont perdu la vie) et significatif dans l’histoire du cinéma au Québec (l’Église en fait une preuve de plus de l’immoralité du cinéma, désormais meurtrier !). L’autre annexe tourne notre regard vers le phénomène du ciné-parc, qui remonte aux années 1940 et qui emprunte aux célèbres « Drive-Ins » américains. Activité familiale très populaire dans les années 1970 et 1980 au Québec, le ciné-parc contribue également à l’essor de la culture teen. Somme toute, deux compléments très enrichissants. À la lumière …