Comptes rendus

Prud’homme, Julien, Professions à part entière. Histoire des ergothérapeutes, orthophonistes, physiothérapeutes et travailleuses sociales au Québec (Montréal, PUM, 2011), 228 p.[Notice]

  • Yolande Cohen

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  • Yolande Cohen
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal

Voici un livre qui a pour ambition de faire l’histoire de professions appelées paramédicales au Québec, de 1940 à 2010. L’expansion extraordinaire de ces professionnelles de la santé, au sein du réseau comme dans le privé, va changer non seulement leur pratique mais aussi la façon dont le système de santé fonctionne. L’auteur veut nous raconter « l’histoire véritable, concrète, vivante de ces milliers de professionnelles des soins psychosociaux ou de réadaptation physique qui, aspirant à un meilleur sort, transforment de 1940 à 2010 l’entièreté de leur pratique clinique et avec elle le monde québécois de la santé » (p. 15). Établie sur le dépouillement des archives des quatre ordres professionnels retenus, de leurs revues et de celles des grands établissements de santé de Montréal et en région, cette étude tente d’identifier les grands paramètres de l’histoire de ces femmes. D’emblée, l’auteur se défend de faire « l’histoire des femmes » ou des rapports de genre, même si la variable de sexe colore l’ensemble de son sujet. À ce propos, il considère que la féminisation de ces professions est sans doute un aspect important mais finalement secondaire pour l’analyse qu’il veut en faire : « l’histoire paramédicale demeure encore trop peu fréquentée pour que l’on présume de la mesure réelle des facteurs de genre » (p. 15). Pourtant de nombreux travaux ont été consacrés à ces professionnelles, comme aux infirmières qu’il écarte de son corpus, car trop dépendantes des médecins… Il cite ces travaux mais les juge peu pertinents pour comprendre « les mutations générales du travail et des professions de la santé » (p. 16) qu’il se propose de faire. On se demande alors d’emblée pourquoi il ne cherche pas à combler ces lacunes en utilisant adéquatement cette variable, dont il convient qu’elle est centrale, dans son étude ? Puisqu’il veut faire une histoire du travail, à partir de l’analyse de professions paramédicales, pourquoi celles-ci en particulier ? Et que cherche-t-il à démontrer ? Dans son premier chapitre, l’auteur situe le travail des paramédicales dans le giron du développement des spécialités médicales dans le Québec de l’après-guerre. Ainsi, la physiatrie qui se spécialise dans la réadaptation des handicapés physiques, établit des centres de réadaptation un peu partout au Canada, avec le soutien de l’État. Ce sont ces médecins qui s’assureront de la formation d’une main-d’oeuvre auxiliaire, avec la création d’écoles paramédicales qui formeront des ergothérapeutes, physiothérapeutes et orthophonistes au sein des facultés de médecine à partir de 1943. Très vite bien sûr, ces formations deviennent autonomes et engendrent différents conflits tant sur le plan théorique que clinique. Les frontières disciplinaires n’étant pas étanches, ces conflits se transportent rapidement dans le champ des pratiques professionnelles des unes par rapport aux autres. Les physiothérapeutes, qui étaient avant-guerre des infirmières masseuses, importent des techniques alternatives du corps qui échappent aux influences médicales. Ce qui n’est pas le cas des ergothérapeutes et orthophonistes qui, bien que largement influencées avant-guerre par la thérapie occupationnelle américaine et regroupées dans des associations autonomes, vont devoir intégrer des dimensions plus médicales dans leur formation et leur pratique, sous l’influence des médecins physiatres. En fait, ce que l’on découvre dans ce chapitre c’est la tentative, largement avortée, des physiatres de briser l’autonomie de pratique de ces paramédicales, acquise avant-guerre, par ces femmes qui viennent presque toutes de la diversification des métiers féminins reliés au nursing. Plus encore, ces dernières profitent de l’ouverture d’écoles au sein des facultés de médecine du Québec pour établir leur champ de pratique comme un espace relativement autonome, au sein d’un système de santé en pleine transformation. Tout autre est le cas des psychologues, …