Comptes rendus

Laperrière, Guy, Histoire des communautés religieuses au Québec (Montréal, VLB éditeur, coll. « études québécoises », 2013), 331 p.[Notice]

  • Dominique Laperle

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  • Dominique Laperle
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal

Guy Laperrière s’est imposé dans le monde de la recherche universitaire en consacrant plusieurs de ses écrits à la vie religieuse au Québec. La pierre angulaire de son imposante production demeure sans contredit son histoire en trois tomes sur l’exil des congrégations religieuses françaises au Québec entre 1880 et 1914. Il nous offre aujourd’hui son dernier opus, une synthèse sur son sujet de prédilection, dans un style « simple et direct » (p. 8), afin de nous « présenter une vue d’ensemble » (p. 8). L’ouvrage suit une trame chronologique. Il comprend quatre grandes parties et seize chapitres. La première partie porte sur l’époque de la Nouvelle-France, mais Guy Laperrière en élargit les limites puisqu’il lui ajoute les 80 premières années du Régime anglais. Aux yeux de l’auteur, la structure de la vie religieuse n’est pas fondamentalement modifiée par le nouveau régime politique. Les modalités de fonctionnement et de reproduction demeurent les mêmes, sauf pour les Jésuites et les Récollets qui se font interdire de recruter de nouveaux sujets. Malgré la canadianisation massive du personnel religieux, on demeure dans un esprit fondamentalement français d’Ancien régime. La seconde partie couvre la période allant de 1840 à 1900. L’auteur consacre de nombreuses pages à la réalité montréalaise à travers le cas des Sulpiciens et de l’action de Mgr Bourget. Il démontre aussi qu’il s’agit d’une période d’essor pour les congrégations religieuses sur le plan démographique et apostolique. Il revient aussi sur différents débats et ne peut passer à côté d’un rappel de la contribution massive des communautés françaises exilées durant la période. La troisième partie (1900-1960) s’inscrit dans la même ligne, tout en offrant une image paradoxale : d’un côté, des organisations qui atteignent leur zénith sur le plan démographique, matériel et socioculturel ; de l’autre, l’apparition des signes de leur essoufflement, de leurs difficultés d’adaptation à la modernité et des premières contestations internes. Dans la quatrième partie, « le déclin d’un système », Guy Laperrière explique les effets conjugués de la Révolution tranquille et du concile Vatican II sur les congrégations religieuses et leurs institutions. On parle ici d’une véritable période de crise. Pourtant, le renouvellement et l’adaptation des communautés religieuses se poursuivent dans un contexte marqué par leur déclin démographique à la suite des nombreux départs et du tarissement des vocations. La multiplication de nouveaux engagements sociaux et de prises de positions citoyennes inédites sont certainement parmi les aspects les plus surprenants de cette vie consacrée durant les années 1975-2000. L’espace ne nous permet pas de tout décrire, mais l’historien de Sherbrooke démontre bien la vitalité paradoxale d’une institution que tout le monde comptait déjà pour morte en retraçant l’apparition de nouveaux regroupements religieux. Guy Laperrière décrit le phénomène des communautés nouvelles à travers le cas de la Famille Marie-Jeunesse et du groupe Myriam Beth’léem. Le succès de leur recrutement auprès des jeunes, peu connu en dehors des cercles catholiques, renouvelle le regard du lecteur sur le sujet. La présence de cette section dans le livre est donc l’occasion de donner l’heure juste sur l’état de la vie consacrée. Cette vie n’est toutefois pas sans taches. De nombreux problèmes sont recensés comme celui des abus sexuels par exemple. L’auteur traite ce point avec délicatesse, mais rappelle que « ce chapitre de l’histoire des communautés religieuses jette sur elles un discrédit dont on n’a pas fini de mesurer la portée » (p. 305). Enfin, il rappelle, en terminant, que l’avenir du patrimoine matériel et immatériel des communautés, dans le contexte des fermetures des couvents et de la disparition des membres des congrégations de traditions anciennes, doit interpeler tous les citoyens. …