Comptes rendus

CHAREST, Paul, Camil GIRARD et Thierry RODON (dir.), Les pêches des Premières Nations dans l’est du Québec (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2012), 366 p.[Notice]

  • Aurelio Ayala

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  • Aurelio Ayala
    Centre d’Études sur le Canada, Université de Nantes

Les pêches des Amérindiens de l’est du Québec sont en développement depuis une quinzaine d’années et demeurent donc relativement peu étudiées. Les revendications amérindiennes au Canada et au Québec concernant les terres et la pratique de la chasse le sont plus. Ainsi, cet ouvrage collectif, dirigé par Paul Charest, Camil Girard et Thierry Rodon, apporte une véritable contribution à la connaissance des Amérindiens du Québec. De plus, par leur démarche de recherche, les auteurs apportent des éclairages sur des enjeux politiques et socio-économiques plus globaux. Cette étude retrace le développement des pêches amérindiennes au Québec depuis l’arrêt Sparrow de 1990, reconnaissant la pêche alimentaire, et l’arrêt Marshall de 1999, la pêche commerciale, comme droits ancestraux des Autochtones. L’ouvrage est divisé en deux parties. Sept chapitres sont consacrés à la pêche traditionnelle ou alimentaire et cinq à la pratique commerciale et industrielle. L’étude couvre la majorité des communautés Innues, Malécites et Micmaques du nord-est et du sud du golfe du Saint-Laurent. Un intérêt prononcé est dirigé vers les Innus qui sont les plus nombreux et dont les négociations territoriales et politiques avec le gouvernement québécois sont en cours. Né d’un projet mené par les anthropologues de l’Université Laval, l’ouvrage se veut pluridisciplinaire intégrant des perspectives sociologiques et historiennes. L’étude vise un public vaste et les auteurs indiquent clairement leur intention de combattre certains préjugés négatifs au sujet des Amérindiens et de leur rapport au travail (p. 3 et 4). Ainsi sont visés les spécialistes des études autochtones mais aussi les Autochtones eux-mêmes et les décideurs politiques. Néanmoins, tant le sujet que le ton, assez techniques, auront du mal à attirer le public en dehors des sphères universitaires. La principale question de recherche porte sur l’accès et la gestion des ressources halieutiques et sur le développement économique qu’elles génèrent. Cependant, le propos se veut plus profond car il démontre les impacts positifs du développement des pêcheries autochtones sur les plans culturels et sociaux. Les méthodes employées sont communes au collectif d’auteurs, à savoir études de cas comparés et recherche documentaire classique – généralement à travers des sources de seconde main et des sources ministérielles récentes. Par ailleurs, les chercheurs ont appliqué l’observation participante propre à l’anthropologie et la conduite d’entrevues ciblée parmi les Autochtones et les individus impliqués dans les pêcheries. Le collectif entend mener l’analyse des pêches sous l’angle des droits des peuples autochtones et de leur reconnaissance constitutionnelle. Il entend aussi rendre compte de la confrontation entre les visions occidentales et autochtones de la gestion des ressources naturelles, entre exploitation intensive et « gérance » responsable. Surtout, il cherche à évaluer les relations de pouvoir à travers le prisme des pratiques de pêche. Enfin, les enjeux de transferts culturels intergénérationnels et les rapports symboliques à la nature chez les Amérindiens sont au programme. La première partie explore la pêche alimentaire des Amérindiens en eau douce, notamment celle du saumon. Il s’agit d’une succession d’études de cas localisés. Leur progression suit une logique partagée avec une présentation du contexte historique, axée sur la dépossession des Amérindiens au XIXe siècle, puis sur la reconnaissance des droits et la mise en place des pêches autochtones à partir des années 1980, pour terminer avec leur évaluation sous les angles politiques, socio-économiques et culturels. Le rôle des communautés autochtones dans la gestion de la pêche est un aspect primordial de cette recherche tant il est parfois significatif d’une reprise de pouvoir, voire d’une entreprise d’autonomisation. Ainsi, par la mise en place de Zones d’exploitation contrôlées et d’ententes particulières avec le gouvernement provincial ou la reprise de pouvoir autonome des Autochtones, comme chez les Innus …