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Dans cette étude, Donald Dennie nous amène au coeur de la communauté francophone de la région de Sudbury. Il y trace plus précisément un portrait de l’évolution des Canadiens français des cantons de Rayside et de Balfour, incluant la ville de Chelmsford, de 1883 à 1972. Il montre la rupture culturelle vécue par cette communauté à l’origine rurale, qui a dû composer avec la pollution due à l’exploitation des mines du bassin de Sudbury, avant d’opter graduellement pour le travail salarié dans l’industrie minière, à mesure que l’agriculture s’inclinait devant l’industrie minière.

L’auteur centre son étude sur l’évolution des rapports sociaux de production et de reproduction qui ont marqué les membres de cette communauté. Il dresse ainsi un portrait des différentes facettes de la vie sociale à travers le temps. L’ouvrage est divisé en deux grandes parties. D’abord, la période de la colonisation, de 1883 à 1940, caractérisée par un mode de production indépendant, est analysée dans les quatre premiers chapitres, alors que la seconde partie, qui tient en un seul chapitre, va de la Seconde Guerre mondiale à 1972.

Après avoir montré le rôle central tenu, dans la première période, par la paroisse, l’auteur s’attarde à l’étude détaillée, d’une part, de la population (origine, évolution numérique, fécondité, nuptialité, mortalité, rapports de parenté entre les habitants, etc.) et, d’autre part, de la propriété et de la production (occupation des terres à des fins agricoles, types de cultures et d’élevages pratiqués, modes de transmission des propriétés, activités économiques, analyse socioprofessionnelle des habitants, administrations municipales et scolaires, etc.).

Parallèlement à l’agriculture, les exploitations minières, présentes dès 1886, ne se sont vraiment développées qu’à partir des années 1920, amenant avec elles des rapports de production de type capitaliste, auxquels ont commencé à s’intégrer les cultivateurs et leurs fils par les emplois qu’ils y ont occupés épisodiquement.

C’est au moment de la Deuxième Guerre mondiale que le changement dans la vie des habitants des deux cantons est devenu significatif. Pour l’auteur, la prospérité des mines de l’Inco et de la Falconbridge en a été une cause déterminante. La perspective d’occuper un emploi stable avec un salaire régulier rendait plus attrayants ce type d’occupation et ce nouveau mode de vie. Mais la transition a été graduelle. D’abord, les administrations municipales ont dû consacrer une part de plus en plus importante de leur budget à l’assistance sociale, ce qui indique qu’un nombre croissant de personnes ne pouvaient plus subvenir à leurs propres besoins ni compter sur leurs proches pour les aider. De plus, l’obligation d’installer et d’entretenir des systèmes d’aqueduc et d’égouts a grevé elle aussi les budgets. Ces responsabilités croissantes ont amené les municipalités à se doter d’un personnel plus nombreux et plus qualifié et à donner des contrats à des entrepreneurs, entraînant la nécessité d’un regroupement régional pour mieux assumer leurs responsabilités. La régionalisation scolaire a aussi été rendue nécessaire au cours des années 1960.

En ce qui regarde la production et la propriété, le développement important de la production minière a exercé un attrait croissant sur la main-d’oeuvre qui a opté de plus en plus pour le travail salarié. Ainsi, après avoir connu un sommet au tournant des années 1950, la production agricole a décliné au profit du travail dans les mines, si bien que, durant les années 1960 et 1970, la classe ouvrière représentait plus de 90 % de la main-d’oeuvre. Ces changements se sont reflétés dans les façons de vivre de la population, qui sont devenues semblables à celles des villes industrielles. La paroisse, comme institution, a subi un sort analogue.

L’auteur conclut en remarquant que les transformations qui se sont produites dans cette communauté étaient inévitables, car cette dernière ne pouvait plus se développer sur la base de la petite production agricole indépendante puisque l’espace était saturé, mais le travail salarié dans les compagnies minières a constitué une alternative économique incontournable pour une bonne proportion des habitants.

Dans cette étude d’histoire sociale, Donald Dennie combine de façon heureuse l’histoire et la sociologie. Les analyses détaillées des différentes facettes de l’évolution de la population et de ses façons de vivre, de l’économie et des institutions politiques aident à mieux saisir les changements qui se sont produits au fil du temps. De plus, l’auteur illustre ses propos par de nombreux tableaux et témoignages oraux et écrits des différentes époques. L’ouvrage constitue donc un apport important pour la connaissance de l’histoire de la région de Sudbury et il sera très utile à tous ceux qui s’y intéressent.