Comptes rendus

Luneau, Marie-Pier, Louvigny de Montigny à la défense des auteurs (Montréal, Leméac, 2011), 221 p.[Notice]

  • Lucie Robert

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  • Lucie Robert
    Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), Département d’études littéraires, Université du Québec à Montréal

Il est de ces écrivains dont l’oeuvre, pourtant significative au moment de sa publication, ne justifie ni réédition ni relecture. Parmi ces écrivains qu’on dit « mineurs », quelques-uns ont pourtant joué un rôle décisif dans l’histoire littéraire, soit qu’ils aient contribué à une mutation majeure des pratiques d’écriture, soit qu’ils aient été parmi ces personnages qui ont animé la vie littéraire de leur temps. L’on ne saurait comprendre l’existence de la littérature sans les prendre en considération au risque de faire de celle-ci une pratique éthérée sans ancrage sociohistorique. L’étude biographique devient alors un mode de saisie utile pour faire apparaître, au-delà de ces quelques sommets que sont les écrivains dont l’oeuvre est consacrée, l’activité du champ littéraire qui les a rendus possibles. L’ouvrage que Marie-Pier Luneau consacre à Louvigny de Montigny est de cette nature. Elle le reconnaît d’emblée : « Poète, dramaturge, auteur de contes, force est d’admettre qu’il n’a pas réussi à s’imposer à la postérité. Aucune de ses oeuvres n’a été rééditée depuis leur publication : aussi bien dire que Louvigny de Montigny fait partie au regard de l’histoire de ces auteurs mineurs, voire marginaux » (p. 20). Et pourtant, affirme-t-elle du même coup, à défaut de l’oeuvre, le personnage mérite une étude : « il avait développé pour les lettres une vision, si ce n’est un rêve : celui de faire du métier d’écrivain une véritable carrière » (p. 16). Écrivain de deuxième génération, après son père, le juge Benjamin-Antoine, Louvigny Testard de Montigny habite les premières décennies du XXe siècle. Il y est étudiant en droit à l’Université, membre de l’École littéraire de Montréal, journaliste à La Presse puis aux Débats, dont il est un des fondateurs, avant de s’installer à Ottawa, où il occupe un poste de traducteur à la Chambre des communes puis au Sénat. Il laisse une première marque dans l’histoire littéraire du Québec en devenant, en 1913, le premier éditeur canadien de Maria Chapdelaine, le roman de Louis Hémon qu’il a découvert dans les pages du Temps, où il était publié en feuilleton. Et, surtout, de 1904 à sa mort en 1955, il mène une lutte sans répit contre la contrefaçon littéraire et le pillage des droits d’auteur. Il y a certes là une trajectoire qui mérite attention, à la fois pour identifier le projet du personnage et la nature de son investissement dans le champ littéraire et pour mesurer l’échec de l’écrivain. Ce qui intéresse Marie-Pier Luneau, codirectrice du Groupe de recherche sur l’édition littéraire au Québec de l’Université de Sherbrooke, auteure de travaux remarqués sur la pseudonymie littéraire, est toutefois bien plus l’histoire du livre, à travers la trajectoire de Montigny, en particulier au regard de la question du droit d’auteur et de ce qu’elle révèle des transformations du statut de l’écrivain à l’époque : « Il importe désormais de reconstituer les strates et d’étudier les enjeux, étape après étape, de cette lutte pour l’amélioration du statut de l’écrivain canadien, lutte qui est intimement liée à un changement de culture dans la façon dont les auteurs eux-mêmes appréhenderont leur métier » (p. 17). Il faut dire que Louvigny de Montigny est un personnage qui ne manque pas de panache. Dans la préface à Antoine Gérin-Lajoie, Victor Morin écrit que la langue française « n’a pas de paladin plus galant » que lui (p. 16). Fortement doté du point de vue du capital culturel, portant un nom et surtout un prénom qui ne manquent jamais d’étonner, il amorce sa carrière « sous le sceau de l’engagement [qui se manifeste] à travers un réseau …