Comptes rendus

Bessière, Arnaud, La contribution des Noirs au Québec. Quatre siècles d’une histoire partagée (Québec, Les publications du Québec, 2012), 164 p.[Notice]

  • Jean-Pierre Le Glaunec

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  • Jean-Pierre Le Glaunec
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

L’histoire des Noirs au Québec a connu des changements importants ces dernières années. Il suffit de penser aux travaux de Daniel Gay (Les Noirs du Québec), Frank Mackey (Done with Slavery. The Black Fact in Montreal, 1760-1840), Sean Mills (The Empire Within et ses recherches actuelles sur les relations entre le Québec et Haïti), David Austin (You Don’t Play With Revolution. The Montreal Lectures of C. L. R. James et le récent Fear of a Black Nation. Race, Sex, and Security in Sixties Montreal) ou encore Sarah-Jane Mathieu (North of the Color Line. Migration and Black Resistance in Canada, 1870-1955 et « The Black Experience in Canada Revisited »). Plus généralement, l’histoire des Amériques noires est enseignée dans plusieurs universités québécoises, dans des départements d’histoire mais aussi en histoire de l’art (voir les travaux et les cours de Charmaine Nelson à l’Université McGill, par exemple). De plus en plus d’étudiants à la maîtrise et au doctorat s’intéressent à l’histoire des populations afro-descendantes. La contribution des Noirs au Québec. Quatre siècles d’une histoire partagée, écrit par Arnaud Bessière, s’inscrit dans une historiographie en plein renouvellement et vient témoigner d’un intérêt accru pour une histoire longtemps marginalisée. Le livre est bien équilibré. Le premier chapitre porte sur l’arrivée des premiers Noirs dans ce qui deviendra le Canada et s’étend jusqu’à l’abolition de l’esclavage par la Couronne britannique en 1834. L’auteur, qui s’appuie sur les travaux de Marcel Trudel et les recherches plus récentes d’autres historiens tels que Frank Mackay, rappelle que l’esclavage des Noirs au Canada fut un phénomène relativement marginal, à l’instar de la Nouvelle-Angleterre voisine, où dominent, comme en Nouvelle-France, les fermes familiales. Point de vastes plantations de riz, d’indigo ou de tabac au Nord de la frontière (l’auteur parle fréquemment de la culture du coton lorsqu’il évoque les sociétés esclavagistes américaines de la période coloniale ; rappelons ici que le coton n’est vraiment cultivé qu’au XIXe siècle). Point de traite négrière comme c’est le cas ailleurs dans le monde atlantique français, à Saint-Domingue notamment. L’esclavage au Canada reste néanmoins fondé sur « une brutalité sous-jacente » pour reprendre les mots d’Allan Greer cités par Arnaud Bessière. Le chapitre n’oublie pas le sort des Noirs libres ou libérés et brosse un portrait de certains d’entre eux, notamment ceux ayant acquis un certain prestige social. Le chapitre se termine sur la disparition progressive de l’esclavage au début du XIXe siècle sous la pression des tribunaux qui refusent de reconnaître le droit à un être humain d’en posséder un autre. La conclusion du chapitre est un peu surprenante. L’auteur évoque « la réelle ouverture dont fit preuve la société canadienne à l’époque à l’endroit de ceux que les textes officiels considéraient pourtant comme de simples “biens meubles” ». D’abord, l’auteur ne montre pas dans les pages qui précèdent qu’il y aurait eu une « réelle ouverture » d’une « société canadienne » pluriethnique et multiculturelle avant l’heure. Qu’il y ait eu des alliances, des proximités, des amitiés ou des solidarités entre Blancs et Noirs, entre esclaves et libres n’a rien de spécifique au Canada. Le fait, par exemple, que des Noirs aient servi de parrains ou marraines, comme l’explique l’auteur, n’est pas un signe de « réelle ouverture » d’une « société » dont l’homogénéité semble ici postulée. Les parrainages et les marrainages par des esclaves sont fréquents en Louisiane, dans les Antilles françaises et en Amérique latine et ne sont pas le signe d’une ouverture quelconque mais plutôt une indication de la capacité des esclaves et des populations afro-descendantes en …