Comptes rendus

Guttman M. Frank, Le diable de Saint-Hyacinthe. Télesphore-Damien Bouchard (Montréal, Hurtubise, 2013), 520 p.[Notice]

  • Michel Morissette

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  • Michel Morissette
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

D’abord publiée en anglais en 2007, cette biographie de Télesphore-Damien Bouchard (1881-1962), l’homme qui fut à la fois maire et député de Saint-Hyacinthe durant une bonne partie de la première moitié du XXe siècle, nous arrive maintenant en français aux éditions Hurtubise. L’auteur, Frank Myron Guttman, est aujourd’hui retraité de sa première carrière : chirurgien pédiatre. S’intéressant particulièrement aux figures méconnues du progressisme québécois, Guttman offre ici une édition remaniée de son mémoire de maîtrise déposé à l’Université McGill. Écrivant dans un style accessible, Guttman mentionne d’entrée de jeu son attachement pour son objet d’étude. L’oncle et le père de l’auteur ont en effet côtoyé de près l’ancien homme politique. Cette affection pour Bouchard, qui ne doit donc « rien au hasard », constitue cependant une mise en garde pour l’historien averti. Malgré cet à priori, il faut mentionner l’ampleur de la recherche effectuée par Guttman. En effet, en plus des Mémoires de Bouchard (publiés en trois volumes en 1960), Guttman a, entre autres, dépouillé les archives municipales de Saint-Hyacinthe, les archives du Séminaire de Saint-Hyacinthe, le fonds T.-D. Bouchard des archives de Saint-Hyacinthe, celui de BAnQ et plusieurs journaux, dont La Presse, Le Clairon (propriété de Bouchard) et Le Devoir. Il a également utilisé, dans l’écriture de cette étude d’histoire politique, une biographie de Bouchard, non publiée, écrite par Elspeth Chisholm et de nombreuses études historiques sur la période et les différentes idéologies politiques. Guttman cherche donc à offrir à ses lecteurs une vue d’ensemble, à la fois de l’environnement politique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et de la vie de celui que fut surnommé le « diable de Saint-Hyacinthe » par son grand adversaire politique : Maurice Duplessis. De façon générale l’auteur suit la tendance actuelle de l’historiographie. En utilisant le cas de Télesphore-Damien Bouchard, Guttman cherche effectivement à démontrer qu’avant la Révolution tranquille, la société canadienne-française n’est pas, de façon générale, une société refermée sur elle-même et qu’elle n’était pas non plus dominée de « façon monolithique » par l’Église catholique. Bref, qu’il y avait des Canadiens français, tels que T.-D. Bouchard, aux idées progressistes bien avant 1960. À cet égard, l’ouvrage de Guttman n’apporte qu’un exemple parmi d’autres et ne renouvelle pas notre compréhension du climat idéologique du Québec de cette époque. À la suite d’une préface signée par Jean Chrétien, dans laquelle l’ancien Premier ministre canadien souligne sa réjouissance de voir éditée une telle biographie, Guttman dresse de manière chronologique la vie de l’homme politique en 12 chapitres, de sa naissance en 1881 à sa mort en 1962. En fait, seul le premier chapitre n’aborde pas directement la vie de Bouchard, il s’agit plutôt d’un survol des grandes batailles idéologiques de la fin du XIXe siècle. Cette partie, loin d’être inutile, vient mettre en lumière les débats entre ultramontains et partisans d’un État sécularisé, débat qui accompagnera T.-D. Bouchard tout au long de sa vie. Les chapitres 2, 3 et 4 touchent plus spécifiquement à l’histoire de la famille Bouchard et à l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte de celui qui est devenu le plus jeune conseiller municipal de l’histoire de Saint-Hyacinthe. Les chapitres 5, 6 et 7 traitent plus spécifiquement des débuts de Bouchard en tant qu’acteur public et de son positionnement dans les débats de l’époque. On le suit de ses débuts en tant que député et maire de Saint-Hyacinthe jusqu’à sa défaite à la mairie en 1930. Les chapitres 8, 9, et 10 font état de son parcours en politique provinciale : orateur de la chambre, chef …