Comptes rendus

Vidal, Cécile (dir.), Louisiana. Crossroads of the Atlantic World (Philadelphie, University of Pennsylvania Press), 2014, 278 p.[Notice]

  • Geneviève Piché

…plus d’informations

  • Geneviève Piché
    Départements d’histoire, Université de Sherbrooke, Université de Toulouse II – Le Mirail

Si la Louisiane a longtemps été marginalisée au sein de l’histoire des États-Unis, l’intégrer suppose aujourd’hui d’adopter une perspective atlantique, caribéenne ou latino-américaine. Comme le remarque Cécile Vidal dans l’introduction de ce remarquable ouvrage, les relations de la Louisiane avec l’Afrique, l’Europe et les autres colonies des Amériques ont fondamentalement contribué à l’évolution de sa société et de sa culture. Neuf spécialistes de l’histoire louisianaise − ou de sa microhistoire − entreprennent donc de (re)situer la Louisiane dans un contexte et une histoire transatlantiques. La première partie de l’ouvrage, « Empires », s’intéresse à l’évolution judiciaire et géopolitique de la Louisiane et à l’influence des réseaux impériaux sur sa société. Guillaume Aubert met d’abord à jour les impacts de la jurisprudence caribéenne dans la promulgation du Code Noir de Louisiane de 1724, le code racial le plus exclusif qu’a édicté l’Empire français. Plaçant à l’avant-scène des personnages de l’Église, Aubert démontre que la législation et la légitimité de l’esclavage ont été au coeur de controverses religieuses qui ont secoué tout le monde atlantique catholique. À travers le parcours et la carrière de plusieurs commissaires-ordonnateurs durant la période française, Alexandre Dubé analyse, quant à lui, les négociations politiques locales entre l’administration civile de la Louisiane et la métropole, le rôle de la Marine dans l’Empire français et les réponses de ses agents envers les défis coloniaux. Si les actions individuelles des représentants impériaux ont d’abord et avant tout satisfait leurs propres ambitions, elles ont également mené à des politiques collectives favorisant les objectifs de la Marine française. Sylvia L. Hilton pose, enfin, son regard sur les facteurs géopolitiques internationaux qui ont joué un rôle important dans les stratégies de défense de l’Empire espagnol en Louisiane. Préoccupée par l’inévitable expansion de la Grande-Bretagne, puis des États-Unis, l’Espagne a encouragé le développement démographique de sa colonie, misant sur des politiques tolérantes et ouvertes envers les nouveaux migrants. Ces mesures, d’abord dictées de façon temporaire par la voix de la nécessité, font ainsi de la Louisiane une figure d’exception au sein de l’Empire hispanique. La seconde partie de l’ouvrage, intitulée « Circulations », explore l’univers de deux esclaves africains, Foÿ et Lubin, afin de mieux appréhender l’évolution des communautés et des cultures esclaves de Louisiane. Sophie White s’attelle d’abord à démontrer que les esclaves se sont imposés comme des fournisseurs de biens et de services dans l’économie locale de Louisiane dès la période coloniale ; une économie influencée par la culture matérielle européenne. Bravant le système légal et judiciaire, les Noirs ont pu compter sur des réseaux de re-distribution auxquels ont participé à la fois les esclaves, les Noirs libres et les Blancs pauvres. En reproduisant les mêmes schémas de criminalité européenne, les Blancs ont permis aux esclaves de se ré-approprier des biens et des pratiques par le biais d’opérations commerciales illicites. Ce faisant, les esclaves ont pu exprimer une certaine forme de résistance quotidienne. Jean-Pierre Le Glaunec redéfinit pour sa part les cultures et les communautés esclaves de Basse-Louisiane entre 1780 et 1812, en prenant la paroisse Saint-Charles comme terrain d’enquête, et remet en question la traditionnelle dichotomie entre les modèles de créolisation et d’africanisation. Arguant que la présence de nombreux esclaves de « nations » africaines dans les archives s’avère trompeuse, Le Glaunec avance plutôt que les contraintes planant sur la traite négrière et sur la circulation des esclaves africains et de leurs pratiques culturelles n’ont pas permis une complète ré-africanisation des communautés esclaves. La dernière partie de l’ouvrage, « Intimités », éclaire le processus de construction de la race à travers la sexualité et le mariage. Cécile Vidal analyse le phénomène …