Comptes rendus

Marsan, Benoit, « Battez-vous, ne vous laissez pas affamer ! ». Les communistes et la lutte des sans-emploi pendant la Grande Dépression (Saint-Joseph-du-Lac, M éditeur, 2014), 126 p.[Notice]

  • Bernard Dionne

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  • Bernard Dionne
    Centre collégial du développement du matériel didactique

Le doctorant en histoire Benoit Marsan propose ici un bref regard sur le rôle des communistes dans la lutte des sans-emploi à Montréal pendant les années 1930 à 1935. Ne faisant pas mystère de son engagement politique (Marsan est animateur du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi), il cherche à démontrer que, grâce à « un programme de lutte » et à « son organisation de proximité des sans-emploi », le Parti communiste canadien a effectué « une percée auprès des sans-travail du Canada français » (couverture arrière). Utilisant surtout des sources communistes, comme le journal The Worker publié à Toronto, Marsan ne cherche pas à analyser l’ensemble du mouvement des sans-emploi au Québec ; ainsi, la contribution des autres partis politiques et des organisations non communistes n’est-elle que très partiellement prise en compte dans son étude. D’entrée de jeu, il convient de mentionner que le projet de l’auteur souffre de quelques imprécisions. Souhaitant comprendre « comment s’articulait le mouvement des sans-emploi », il ne précise pas ce qu’il entend par l’« articulation » ni par le « mouvement ». S’agit-il d’une analyse des rapports entre ses diverses composantes, entre sa direction et sa base, entre ses participants et la société ? Quelle est son approche théorique, comment le concept de mouvement est-il pertinent ici, reprend-il, par exemple, la conception d’Alain Touraine des Mouvements sociaux d’aujourd’hui (1982) ? Le lecteur restera sur sa faim sur ces points pourtant essentiels à la démarche de l’auteur. En introduction, l’auteur critique les historiens (sans les nommer) qui ont évalué l’impact du Parti communiste à la lumière de ses résultats électoraux ou de la faiblesse de ses effectifs. Or, si un parti n’a obtenu aucun résultat électoral significatif au cours des années 1930 et si ses effectifs ont stagné sinon régressé, notamment parmi les ouvriers francophones du Québec qu’il n’a jamais réussi à rallier, c’est peut-être que son impact a été négligeable. Mais Marsan veut nous amener à considérer le rôle des communistes dans le mouvement des sans-emploi, où les statistiques sur le membership et les victoires électorales ne font pas beaucoup de sens. Passons rapidement sur les inévitables chiffres sur les salaires, le chômage, l’activité économique et la misère pendant la Crise, présentés dans le premier chapitre. Ce qui intéresse Marsan, c’est de mesurer l’impact des communistes dans le mouvement syndical et dans le mouvement des sans-emploi. Bien entendu, la marginale Ligue d’unité ouvrière (LUO), fondée par des communistes au Canada en 1929, est vue comme la seule organisation progressiste. L’auteur semble ignorer que des syndicats industriels regroupent les ouvriers sur des bases différentes des vieux syndicats de métier de l’American Federation of Labor, proposant une alternative progressiste, justement, au syndicalisme d’affaires. Mais le plus troublant dans cette glorification de l’action des communistes réside dans le refus de prendre en compte l’action des autres composantes du mouvement social qui intervenaient dans le combat des sans-emploi pour de meilleures conditions de vie et pour des secours plus appropriés à leur sort. Comme le dit Marsan, « sans entrer dans les détails » (p. 27), il effleure le rôle de la Cooperative Commonwealth Federation, de l’Association humanitaire et de l’Université ouvrière, qu’il classe à gauche, et celui des 76 Clubs ouvriers de la province qui sont relégués au rôle d’organismes de droite, voire fascisants, et il ne mentionne pas le rôle du Conseil des métiers et du travail de Montréal, pourtant fort actif sur le front du chômage. Au chapitre deux, l’auteur s’identifie clairement au parti communiste qui, dit-il « se sent bien armé sur le plan théorique lorsque la crise frappe …