Comptes rendus

Proulx, Jean-Pierre, avec la collaboration de Christian Dessureault et Paul Aubin, La genèse de l’école publique et de la démocratie scolaire au Québec. Les écoles de syndics 1814-1838 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2014), 503 p.[Notice]

  • Bruce Curtis

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  • Bruce Curtis
    Département de sociologie et d’anthropologie, Université Carleton

Dans ce livre, longtemps attendu, Jean-Pierre Proulx cherche à détailler les forces qui, de 1829 à 1836, ont amené les écoles rurales élémentaires du Bas-Canada sous le contrôle de syndics élus à l’échelle locale. Il montre comment ces écoles se sont organisées dans la pratique, et il documente les conditions qui y régnaient. Il s’intéresse aux écoles et aux conseils scolaires comme foyers de la démocratie électorale au Québec. Proulx fournit une documentation très riche qui se prête à diverses utilités et interprétations, outre les siennes. Cette richesse documentaire constitue une contribution majeure à l’histoire culturelle et politique du Bas-Canada. Proulx a notamment fouillé la presse coloniale francophone, il a puisé dans les données du parlement (surtout de la Chambre d’Assemblée), il a consulté les archives de l’Église catholique et il oriente également ses lecteurs vers plusieurs études d’histoire locale. Ses recherches en Angleterre lui ont permis de découvrir des documents jusqu’ici inconnus, parmi lesquels on retrouve des versions originales des lois scolaires bas-canadiennes de 1814 et de 1816. Qui plus est, Proulx situe les développements bas-canadiens dans le contexte des législations scolaires contemporaines de New York, de la Nouvelle-Angleterre et de la France, entre autres juridictions. Dans la première partie du livre, il offre, d’une manière accessible, une chronologie de la législation scolaire de 1814 à 1836. Avec ses collaborateurs, Proulx nous livre une étude micro-historique du statut socioprofessionnel des syndics d’école, surtout pour la période 1829-1832, et il nous donne un inventaire des titres de manuel d’école repérés dans la colonie. S’il est vrai qu’une liste de titres n’est pas une mesure de la fréquence d’utilisation de manuels (et l’auteur, généralement tendre envers le clergé, se déclare ici surpris par la domination de l’instruction religieuse dans le peu d’écoles pour lesquelles il a trouvé une description détaillée du programme d’études), le travail de Proulx sur les syndics confirme l’augmentation des illettrés dans la gestion des écoles à la suite de la décentralisation de 1832. Dans un chapitre sur la gouverne des écoles, Proulx dresse un portrait de la hiérarchie des autorités qui (en principe, sinon en pratique) encadraient les agissements des syndics de l’école rurale. Le livre est très bon quand il s’agit de débats en pédagogie, et il cherche à nous informer de la condition des édifices scolaires, des salaires et qualifications des maîtres et des maîtresses, et de maintes autres choses. Plusieurs dimensions du livre – grandes et petites – sont sujettes à discussion, ce qui constitue une autre contribution de Proulx au renouvellement du débat et de l’intérêt envers les écoles et les collèges dans l’historiographie québécoise. Sa préoccupation quant aux liens entre scolarisation et démocratie locale et son attention envers la scène internationale aident à parer les tendances paroissiales souvent présentes dans l’histoire de l’éducation. J’aimerais ici formuler un commentaire particulier ainsi que deux réflexions d’ordre plus général au sujet de ce livre. D’abord, Proulx s’associe aux croyances orthodoxes qui veulent que l’Institution royale pour la promotion des sciences, dont la création est imaginée dans une loi de 1801, ait été soutenue et promue par un Conseil législatif, dominé par des anglophones protestants, au détriment des collèges francophones et catholiques et de tous les projets de loi qui cherchaient à créer des corporations pour encourager la scolarisation rurale avant 1829, ce qui en fait est l’alibi de l’Église et de ses alliés pour leur manque d’enthousiasme envers une population instruite. On oublie que la corporation de l’Institution royale, nécessaire pour son fonctionnement, n’a pas été créée avant 1820, et que les promesses d’un octroi de terres pour son financement ne se sont jamais réalisées. …