Prix de l’Institut d’histoire de l’Amérique française[Notice]

Au début des années 1950, diverses campagnes de moralité publique aboutirent à la nomination d’une Commission royale (commission Caron) chargée d’enquêter sur l’étendue du vice commercialisé dans la ville de Montréal et sur la protection dont celui-ci jouissait de la part de la police et des autorités municipales. La publication des résultats permit l’élection du réformiste Jean Drapeau à la mairie en 1954. Les campagnes de moralité et de répression du vice n’évoquent guère d’images positives de nos jours et sont facilement soupçonnées d’hypocrisie. Par conséquent, quoique faisant partie du folklore montréalais, celles des années 1940 et 1950 ont été peu étudiées et restent mal connues. C’est dans ce contexte que le prix de l’Assemblée nationale est décerné cette année à Mathieu Lapointe pour son livre intitulé Nettoyer Montréal. Les campagnes de moralité publique 1940-1954. Cet ouvrage minutieux et solidement documenté remet en question les interprétations assez simplistes du phénomène. Ni tentative de contrôle social ni manoeuvre politique, ces campagnes, qui jouirent d’un large appui dans la presse, allant de l’intellectuel Devoir aux tabloïdes populaires, confrontaient les élites locales et rencontrèrent les foudres du gouvernement provincial de Maurice Duplessis et celles de l’administration municipale mise en place par les libéraux. Ces campagnes n’émanaient pas non plus d’un réflexe clérico-nationaliste défensif face à l’urbanisation et à la modernité de l’après-guerre. La Ligue de vigilance sociale de 1944-1946 était biconfessionnelle et multiethnique. Le Comité de moralité publique qui lui succéda, bien que composé exclusivement de Canadiens français, était jeune, urbain et laïque. Loin de rejeter la modernité et les influences extérieures, ces mouvements en faisaient partie et s’intégraient dans une mouvance internationale visant à mettre fin à la corruption municipale, à l’influence du crime organisé sur les municipalités et au trafic de personnes. Les activités des mouvements de moralité publique furent d’ailleurs fortement influencées par des mouvements similaires et contemporains aux États-Unis. L’ouvrage de Mathieu Lapointe nous oblige donc à revoir nos idées reçues sur ces mouvements et à les comprendre comme des signes avant-coureurs de la Révolution tranquille. C’est avec plaisir que les membres du jury décernent le Prix Guy-et-Lilianne-Frégault 2015 à Mario Mimeault pour son remarquable article intitulé « Du golfe Saint-Laurent aux côtes de la Bretagne et de la Normandie (1713-1760) : L’Atlantique, un monde d’interactions et de solidarités ». Rappelant aux lecteurs que « ce sont les individus qui ont donné sens à l’univers atlantique », l’auteur étudie les relations interpersonnelles qui unissaient les entrepreneurs, les investisseurs, les capitaines, les marins et les pêcheurs oeuvrant dans le golfe Saint-Laurent, que ce soit de manière saisonnière ou permanente, à leurs parents et à leurs compatriotes demeurés en Bretagne et en Normandie entre 1713 et 1760. Il démontre la nature transatlantique des liens économiques, sociaux et familiaux entretenus par ces travailleurs de la mer oeuvrant des deux côtés de l’Atlantique. Mimeault nous rappelle ainsi que non seulement ces travailleurs provenaient généralement des mêmes régions et qu’ils s’engageaient souvent avec un proche parent, mais qu’ils restaient en contact avec leur famille et leur communauté d’origine aussi bien par l’échange de nouvelles avec les nouveaux venus et les marins visitant le golfe de manière saisonnière que par l’envoi de lettres confiées aux soins de capitaines de navires, de compatriotes ou de parents faisant le voyage entre la France et l’Amérique. Grâce à une problématique originale, à une recherche fouillée, à l’utilisation de « tranches de vie » pour illustrer son propos et à une prose vivante, l’auteur donne un visage humain au monde atlantique français du XVIIIe siècle. Les membres du jury saluent cette importante contribution à l’histoire d’une « …