Comptes rendus

Turcot, Laurent et Thierry Nootens (dir.), Une histoire de la politesse au Québec. Normes et déviances, XVIIe – XXe siècles (Québec Septentrion, 2015), 341 p.[Notice]

  • Fernand Harvey

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  • Fernand Harvey
    Centre Urbanisation Culture Société, INRS, Québec

Cet ouvrage collectif consacré à l’histoire de la politesse au Québec sur une période de 3 siècles regroupe 13 auteurs qui abordent le sujet sous différents angles. Dans son substantiel chapitre d’introduction, Laurent Turcot établit les balises de ce champ de recherche relativement nouveau dans l’historiographie québécoise. À quoi sert la politesse et existe-t-il des règles universelles à suivre à cet égard, se demande-t-il ? Pour répondre à ce questionnement, il présente l’apport de différentes disciplines en relation avec les normes sociales qui définissent la politesse selon les nations et les époques. Des sociologues tels que Georg Simmel, Pierre Bourdieu, Irving Goffman et Norbert Elias ont traité des normes sociales sous différents angles : la sociabilité, la distinction, l’interaction sociale ou la civilisation. Il est, par ailleurs, nécessaire de situer l’histoire de la politesse dans le temps, comme nous convie à le faire Laurent Turcot. Les normes et les assises sociales de la politesse à l’époque médiévale sont liées à la chevalerie. Au cours de la Renaissance italienne sont publiés des traités relatifs aux normes de conduite en société par Castigniole et Érasme. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, on voit apparaître la notion de politeness en Angleterre et d’étiquette en France. Quant au XIXe siècle, il constitue l’âge d’or de la politesse bourgeoise, associée à un art de vivre qui pratique une forme de distinction, selon un modèle inspiré soit par la France, l’Angleterre ou les États-Unis. Il est intéressant de noter à la suite de l’auteur que le XXe siècle inverse cette tendance en mettant de l’avant un processus d’informalisation des rapports sociaux, le savoir-vivre étant de plus en plus associé au mensonge, au faux. Cependant, s’empresse-t-il d’ajouter, dans les sociétés d’aujourd’hui, incluant le Québec, si les traités et les manuels ne sont plus une référence obligée, on prend bien soin d’inculquer aux jeunes générations les grandes lignes du vivre-ensemble. Finalement, tout au long de l’histoire et particulièrement à l’époque contemporaine, on assisterait à une tension entre une volonté de définir ou de redéfinir les normes de la politesse et un désir de transgresser ces normes par des comportements associés à l’impolitesse, la barbarie et la rudesse. Comment rendre compte d’une histoire de la politesse au Québec en s’inspirant de ce cadre d’analyse, tout en l’adaptant au besoin ? Les douze contributions qui font suite à cette problématique générale constituent autant d’études de cas répartis en fonction d’un ordre chronologique qui va de la Nouvelle-France jusqu’aux années 1960, en passant par le XIXe siècle. Plusieurs auteurs de l’ouvrage se sont intéressés à la période du Régime français et celle des débuts du Régime anglais en rapport avec les normes, les statuts et les rôles des acteurs sociaux. Ollivier Hubert, pour un, propose une problématique générale pour aborder les injures verbales et le langage de l’honneur en Nouvelle-France en s’appuyant sur la théorie de La lutte pour la reconnaissance d’Axel Honneth (1992). Le procès d’honneur [blessé] aurait alors pour objectif le rétablissement ou la préservation d’un capital de prestige menacé par l’exercice de la violence communicationnelle. De son côté, Donald Fyson s’intéresse à la rencontre de deux systèmes d’étiquette ou de politesse langagière, l’un français, l’autre anglais, à travers l’utilisation des titres honorifiques, entre 1759 et 1791, pour conclure que ce sont les Canadiens français qui pratiquent un système métissé, plutôt que les Britanniques. Quant à René Hardy, son analyse du charivari, considéré notamment comme un rituel de régulation des unions matrimoniales, l’amène à constater que cette pratique populaire est remise en question en milieu urbain au milieu du XIXe siècle, et plus …