Résumés
Résumé
En 1849, l’incendie du parlement met fin au statut de capitale de Montréal mais ouvre également une nouvelle ère politique. Si les événements tragiques qui surviennent ont fortement marqué la mémoire et l’histoire canadiennes, cet incendie va toutefois permettre la consolidation du « gouvernement responsable ». Alors que le nouveau gouvernement est fragile et critiqué de toutes parts et que les Tories font un raffut du diable, une vaste campagne d’adresses et d’assemblées est mise en place. Elle a pour effet de souder une nouvelle communauté politique canadienne autour du gouvernement en proclamant son soutien au gouverneur général et son allégeance à la reine Victoria, scellant alors le réarrangement des pouvoirs au sein de l’Empire britannique.
Abstract
In 1849, the burning of the Parliament put an end to Montreal’s statute as capital but opened a new political era. Although these tragic events had a strong impact on Canadian memory and history, the fire also consolidated the “responsible government”. While the new government was still weak and criticized from all quarters, and Tories were fuelling unrest in town, a large campaign of speeches and meetings was set up. It helped consolidate a new Canadian political community around the government by proclaiming its support to the Governor General and its allegiance to Queen Victoria, consequently sealing the reorganization of powers within the British Empire.
Corps de l’article
[À propos des empires au XIXe siècle] Il fallait un certain sens de la prestidigitation pour rendre l’empire séduisant sous ce travestissement national.
Par leur nature même, tous les profonds changements s’accompagnent d’amnésies caractéristiques. De ces oublis, dans des circonstances historiques spécifiques, naissent des récits.
Benedict Anderson, L’imaginaire national. Paris, La découverte, [1996] 2002
Lorsqu’un chercheur ou le grand public recherche une image sur l’incendie du parlement de Montréal, il tombe d’abord sur des illustrations marquantes, dramatiques, notamment la peinture attribuée à Joseph Légaré, la gravure du London Illustrated News ou le dessin de Thomas Jefferys[2]. Or, ces dessins ne constituent pas des témoignages, les auteurs étant absents lors du terrible drame – les deux premiers étant à l’extérieur de Montréal, le dernier ayant vécu au siècle suivant. Pourtant, ces images servent en lieu et place du récit, elles en cristallisent les principales composantes de ce qui en est – et était – retenu.
Nous proposons de prendre un peu de recul par rapport à ce récit et de regarder les événements, tout tragiques qu’ils soient, dans une perspective un peu plus large. Ce récit de l’incendie lui-même ne peut être dissocié de ce qui surviendra dans les semaines suivantes, alors que sera fixée, à jamais pourrait-on dire, la lecture des événements dans l’imaginaire collectif. S’appuyant sur un récit canonique, érigé dans la foulée de l’incendie, une transformation sociopolitique majeure s’opère alors. Par le soutien sollicité de la population des deux Canadas au parlementarisme britannique et à l’Empire, toute séquelle des Rébellions est oblitérée et se créent alors les conditions pour le renouveau politique des années 1850.
En effet, au cours des six à huit semaines qui suivent l’incendie, une tourmente va frapper la province du Canada. Dans tous les recoins, assemblées et adresses vont se multiplier pour soutenir le gouvernement, la Reine et l’Empire ou, de manière très minoritaire, demander la révocation du gouverneur général. L’enjeu est majeur, car il y va de la survie du « gouvernement responsable[3] ». C’est donc sur ces quelques semaines et le déroulement de ces campagnes que nous voulons attirer l’attention.
Pour en reconstituer la trame, notre recherche s’appuie sur un faisceau de documentation permettant de dresser un portrait global de cette agitation, et plus spécifiquement au Bas-Canada[4], considérant l’imposante masse documentaire recueillie. Nous avons d’abord dépouillé la correspondance officielle, soit les pétitions ou adresses, résolutions d’assemblées et autres lettres transmises au secrétariat provincial du Canada-Est ainsi que les réponses, représentant un total de 168 dossiers de correspondance[5]. Ce corpus a été enrichi par le dépouillement de six journaux pour la période concernée, soit Le Canadien, The Montreal Gazette, La Minerve, L’Avenir, Le Journal de Québec et Les Mélanges religieux, auxquels se rajoutent les cahiers de coupures de presse de lord Elgin[6]. Finalement, la recherche a été complétée par la consultation de documents officiels, notamment la Gazette du Canada et les Parliamentary Papers déposés au Parlement de Londres, de différents ouvrages complémentaires, de même que certains fonds privés, notamment celui d’Allan McNab[7]. La combinaison de ces différentes sources nous a permis de constituer une liste des différentes adresses et assemblées ayant eu lieu au Bas-Canada, soit un total de 240 événements.
Mais auparavant, revenons sur le parcours proposé. Après un bref retour sur l’historiographie, dont notamment sur la question du gouvernement responsable, nous présenterons d’abord quelques caractéristiques globales ainsi que le déroulement d’ensemble de cette campagne, pour revenir ensuite sur les rôles respectifs de la presse, de l’Église et de l’État. Par la suite, nous aborderons la réaction tory ainsi que la réponse des « Rouges » pour terminer sur une brève conclusion. En somme, nous nous attarderons non pas au gouvernement responsable comme tel, à son interprétation ou encore aux troubles survenus à Montréal, mais plutôt aux diverses réactions à l’incendie qui surviennent au cours des semaines qui suivent, soit du 25 avril à la fin juin 1849.
Bilan historiographique
Le statut de capitale de Montréal est indissociablement lié, tant dans la mémoire collective que dans la production historienne, aux événements tragiques de 1849, et particulièrement à l’incendie du parlement. Puisant largement dans certains témoignages d’époque et les sources publiées – notamment la correspondance entre lord Elgin et lord Grey[8] – , le récit est en quelque sorte cristallisé depuis le XIXe siècle, mettant l’accent sur le déroulement de l’épisode, sur l’opposition Réformistes-Tories[9] ou sur le mouvement annexionniste. Cette historiographie a laissé de côté un certain nombre d’angles morts, dont la campagne d’adresses faisant immédiatement suite à l’incendie. Jacques Monet, dans son panorama de la décennie, en fait état mais l’intègre plutôt dans le débat sur l’annexion[10], alors qu’elle s’en distingue tant par ses objectifs que par son caractère populaire. De plus, dans la foulée de la mise en place du gouvernement responsable, la campagne assure la crédibilité de ce nouvel arrangement des pouvoirs et y apporte l’assentiment populaire, ce qui a pour effet de marginaliser les oppositions, qu’elles soient tory ou républicaine.
Or, si la trame interprétative des événements de 1849 est restée sensiblement la même, les transformations politiques survenues au cours des années 1840 ont fait l’objet de vastes investigations. Cet intérêt des historiens et des politicologues, tant au Québec que dans le reste du Canada, a eu pour effet, comme le faisait remarquer Arthur Lower, que « The years of experiment from Sydenham to Elgin (1839-1849) have been the subject of more writing than has any other period except that of the Conquest[11]. » Cette abondante littérature a donné lieu à d’importants débats, dont font état les bilans historiographiques, notamment celui d’Éric Bédard sur l’interprétation du mouvement réformiste et de son rôle dans la mise en place du gouvernement responsable[12].
Traditionnellement, la question du gouvernement responsable, comme le démontre admirablement Christian Blais[13], a été vue comme une transformation dans la prise de décision étatique, c’est-à-dire le passage du « old representative system » à l’instauration d’un gouvernement colonial local. Celui-ci se traduit notamment par le fait que l’exécutif soit composé de membres de la majorité parlementaire, que chacun de ses membres ait la responsabilité d’une partie de l’administration (ou ministère) et que tous soient collectivement responsables de la gestion de l’État.
Or, ce changement s’accompagne d’une reconfiguration du lien avec l’Empire britannique. Comme le mentionne Peter Burroughs, l’enjeu est double, car le projet d’accorder le gouvernement responsable vise
to give the colonists control over their own affairs, except for certain reserved subjects of imperial concern, and at the same time so adjust the practical operation of colonial government that the executive would become responsible to the popular voice in the legislature[14].
Dans ce projet, le maintien du lien impérial est tout aussi important que la réorganisation des pouvoirs. Pour Burroughs,
The major cause of friction in imperial relations would be eliminated, and the colonists would then be content to remain within the empire. « Responsible government » thus represented a means of preserving the British empire, because it seems to hold out the possibility of reconciling local autonomy and imperial unity [...]. This method of reconciling autonomy with unity was one of the earliest and clearest visions of an empire based on consent[15].
Pour sa part, Buckner abonde dans le même sens, indiquant que « They made a virtue out of necessity and granted a very considerable amount of self-government because they realized that this was the only way to retain the collaboration of the colonists[16]. »
Si le débat sur le gouvernement responsable et le lien impérial sont si cruciaux, c’est qu’ils sont étroitement liés aux mutations de l’État. Suivant en cela ce qui survient dans le monde occidental au cours de la première moitié du XIXe siècle, l’État se modernise. Au Canada, c’est au cours des années 1840 que ces changements décisifs s’opèrent. Amorcé alors que Kingston est capitale mais intensifié à la suite du déménagement à Montréal, le passage à l’État libéral moderne s’effectue graduellement dans un contexte marqué par le triomphe du libéralisme, auquel contribuent la victoire des Whigs en Grande-Bretagne et la mise en place du libre-échange, une décennie qualifiée par plusieurs de révolutionnaire[17].
Cette transformation de l’État est marquée par la naissance d’une administration publique, par la mise en place d’un processus décisionnel ou « machinery of government » ainsi que par la reconfiguration du lien colonial. Or, les recherches sur l’État au cours des dernières années ont permis d’étendre la compréhension des dynamiques politiques. Aux travaux de John Hodgetts, qui s’est intéressé à l’administration publique naissante, de nouvelles préoccupations sur la nature de l’État et le contrôle social se sont développées[18]. Comme le mentionnent Allan Greer et Ian Radforth, le gouvernement responsable est accompagné d’un renforcement considérable du pouvoir exécutif sur le législatif, en particulier par le biais de la structuration en partis politiques.
Ce renouvellement de l’historiographie, associé à une intégration de l’histoire sociale et culturelle à l’histoire politique, ont donné lieu à de nouvelles interprétations et perspectives, notamment la reconnaissance plus vive des composantes symboliques et culturelles des relations de pouvoir qui assurent à la société sa cohésion sociale. Comme le souligne Rainer Baehre, la croissance de l’État, dans la première moitié du XIXe siècle, est accompagnée d’une « cultural and political revolution which accelerated in the post-Rebellion era[19] ». Pour ce faire, comme le notent Greer et Radforth,
Their ability to regulate civil society was greatly enhanced, not only by the ramifying institutions agencies and institutions at their disposal, but also by the aura of legitimacy surrounding their action thanks to the doctrine of responsible government[20].
Au final, la mise en place du gouvernement responsable, accompagnée de cette administration publique moderne et de la redéfinition du lien impérial, vont requérir une forme d’endossement symbolique collectif[21]. En 1849 au Canada, ce consentement tant recherché résulte en fait d’une campagne systématiquement organisée et non pas d’un appui spontané des citoyens.
Le Bill d’indemnité et l’enjeu du gouvernement responsable
D’importantes transformations surviennent au sein de l’Empire britannique et dans la colonie canadienne au cours de la décennie 1840-1850. Il est notoire que l’élection de février 1847 au Canada se traduit par une majorité parlementaire pour l’équipe réformiste des Baldwin-La Fontaine, qui accède à l’exécutif et forme alors, le 11 mars 1848, le gouvernement. Cette date marque celle de la reconnaissance par lord Elgin du gouvernement responsable. C’est cette recomposition du partage des pouvoirs au sein de l’Empire qui sera mise à l’épreuve en 1849.
En janvier 1849, à l’ouverture de la session, le programme réformiste est imposant. C’est cependant à l’occasion du débat sur le Projet de loi d’indemnité pour les pertes subies pendant les insurrections de 1837 et 1838 que les discussions sont les plus virulentes. Le projet de loi est déposé le 13 février, contre lequel les Tories, farouchement opposés, multiplient les assemblées et pétitions dans les semaines qui suivent[22]. Finalement, il est adopté par l’Assemblée législative le 9 mars et par le Conseil législatif le 15 mars. Or, comme l’écrit Jacques Monet, une fois la loi votée, le gouverneur général
comprenait suffisamment bien la signification du gouvernement responsable pour savoir qu’il n’eût pas été à propos d’intervenir. Il démontra que, dès lors, il ne pouvait plus y avoir de conflit entre la volonté du Canada français et le fonctionnement de la constitution britannique[23].
C’est par la suite que survient l’enjeu décisif relativement au gouvernement responsable. En effet, le dernier recours possible pour en bloquer sa mise en vigueur était que le gouverneur général, en tant que représentant de la reine Victoria, réserve le projet de loi comme étant contraire aux intérêts de l’Empire. Il s’agit du premier test effectif du nouveau partage des pouvoirs : l’enjeu est de savoir si le gouverneur général doit respecter, sur les questions d’intérêt local, les volontés exprimées par le Parlement ou s’il doit au contraire faire valoir les prérogatives royales et réserver le Bill d’indemnité. Or, le 25 avril 1849, lord Elgin donne l’assentiment royal à la loi, ce qui déclenche une furieuse réaction des Tories : il s’ensuit l’incendie du parlement dans la soirée puis, dans les jours suivants, des troubles persistants dans la ville de Montréal[24]. Ainsi, comme le mentionne lord Elgin dans sa missive à lord Grey (et déposée au Parlement de Londres dès le 5 mai 1849), « that it is not the passage the Bill by an overwhelming majority of the representatives of the people, or the acquiescence of the Council, but the consent of the Governor which furnishes the pretext for an exhibition of popular violence[25] ».
Or, même si le gouvernement Baldwin-La Fontaine est en place dès 1848, sa situation demeure fragile. Certes, la composition parlementaire donne une nette avance aux Réformistes[26], mais comme le souligne encore Jacques Monet,
To achieve responsible government, however, LaFontaine needed to accomplish two things. He had to achieve the unified assent of his people to British parliamentary democracy ; and secondly, to persuade his people to unite with the Reformers of Upper Canada[27].
Si la collaboration entre réformistes du Bas et du Haut-Canada est fermement établie, il en va différemment de l’assentiment populaire au nouveau modèle de pouvoir, car ce dernier subit les critiques tant des libéraux, Papineau dénonçant le gouvernement responsable comme arrangement colonial[28], que des Tories.
L’incendie du parlement constitue, dans cette stratégie politique, une occasion de construire ce pacte ou consensus social (« consent to be governed ») et, du même coup, éloigner les menaces républicaine[29] et tory, car comme on le lit dans The Globe : « The insane spirit of the Montreal rioters must be condemned and put down[30]. » Pour ce faire, un appel au peuple est lancé en faveur d’une campagne systématique d’assemblées et d’adresses en soutien au gouverneur général lord Elgin.
La campagne d’endossement, une vue d’ensemble
Comme le mentionne Monet,
Avant même que les cendres des immeubles [sic] du Parlement n’aient eu le temps de refroidir, LaFontaine avait rencontré Mgr Bourget et d’autres notables de la capitale pour solliciter leur appui. Pendant ce temps, Cartier et Drummond avaient rédigé un message à tous les citoyens du Bas-Canada[31].
La décision est prise rapidement de convoquer partout des assemblées « pour approuver l’administration de notre excellent gouverneur ». Dès le 27 avril, un appel en ce sens est disséminé à travers la province, notamment par le biais d’une circulaire de Mgr Bourget[32]. Le Canadien soutient cet appel dans son édition du même jour, indiquant
Les Canadiens-français [sic], nous pouvons le dire, seraient heureux de donner des marques de leur loyauté, de leur attachement envers la gracieuse souveraine, et de laver l’injure que leurs ennemis, les loyaux d’aujourd’hui, leur ont jeté [sic] à la face si souvent et si mal à propos. Nous conseillons aux citoyens influents de cette ville de convoquer une assemblée pour prendre les démarches qu’ils jugeront nécessaires dans cette occasion. Par exemple, il serait à propos, ce nous semble, d’exprimer nos sympathies envers le représentant de Sa Majesté[33].
Pour sa part, le Globe du 2 mai donne d’autres indications concernant les assemblées à convoquer :
All you have to do is to meet in every town and hamlet, and send addresses of confidence to the Governor General, and his administration. This is your bounden duty, and we know you will joyfully discharge it. Let all the meetings be those of Reformers only […] Meet promptly – be firm – be peaceable[34].
Dès les 29 et 30 avril, les premières assemblées sont tenues et des adresses rédigées. Elles proviennent de partout, notamment de Québec[35] et de Saint-Gervais, Saint-Lazare et Saint-Raphaël, comté de Bellechasse, au Bas-Canada, ainsi que de Prescott au Haut-Canada[36]. Démontrant par leur rapide et large diffusion le caractère systématique et organisé de la campagne qui s’amorce, elles seront suivies d’une véritable déferlante dans les semaines qui suivent, touchant l’ensemble des deux Canadas et produisant un effet choc sur la population. Au Bas-Canada seulement, 240 événements ont lieu pour amener la population à prendre position sur ce qui est survenu à Montréal. À l’exception d’une infime minorité soutenant les revendications tories, soit 10 activités ou 4 % du total[37], l’immense majorité d’entre elles (96 %), soit 186 adresses, 35 assemblées suivies d’une adresse et 9 assemblées seules, soutiennent le gouvernement et le gouverneur général.
Ce qui frappe d’abord est le caractère organisé de la campagne. Ainsi, les premières adresses, davantage improvisées, insistent sur l’indignation. Elles laissent place rapidement à une organisation plus structurée : des modèles sont imprimés ou distribués, puis utilisés directement – parfois même en utilisant une coupure de presse – ou encore recopiés minutieusement. Ces modèles mettent l’accent sur le soutien au gouvernement et à la Reine, une standardisation des adresses et un formatage de l’opinion que dénonce rapidement l’Avenir[38]. Au final, six modèles, dont certains sont proposés dans les deux langues, sont utilisés à travers le Bas-Canada, totalisant 111 adresses, soit 57 % du total des 195 pour lesquelles on dispose de données. Si certains modèles n’ont qu’une diffusion régionale, notamment dans Portneuf et sur la rive nord de Montréal, les modèles proposés par les circulaires de Mgr Signay de Québec et de Mgr Bourget à Montréal, par contre, seront largement diffusés et endossés. De fait, la couverture géographique est très large, car adresses et résolutions touchent tout le territoire.
De partout au Bas comme au Haut-Canada, les réponses positives à la campagne affluent. Celles-ci prennent diverses formes, notamment des adresses officielles d’organisations ou de conseils municipaux, comme celle de la Ville de Montréal[39], des lettres, comme celle des chefs Micmacs de Restigouche[40], des pétitions, ou encore des procès-verbaux d’assemblées, comme celui de Saint-Charles comté de Richelieu. Cette vague touche même les villages qui avaient été le lieu d’affrontements lors des Rébellions, notamment Saint-Denis[41], Saint-Charles[42] ou Deux-Montagnes. Ces témoignages de soutien montrent bien comment le consensus en faveur du gouvernement est établi fortement et permet de mettre à distance les événements marquants qui y sont survenus 12 ans plus tôt seulement.
Le processus généralement utilisé repose sur l’adhésion des élites locales : à l’appel du député, du curé ou d’autres personnalités, un comité est parfois formé pour solliciter les signatures ou organiser une assemblée. Lors de la messe ou de l’assemblée, le curé, le député et d’autres membres de l’élite locale interpellent la population et l’invitent à appuyer les résolutions ou à signer les adresses. Traversant les communautés linguistiques et religieuses, ce soutien au gouvernement, à la Reine et à l’Empire est sollicité et endossé. Car c’est de cela dont il est question. Ainsi, adresses et assemblées reprennent en choeur et sur tous les tons une dénonciation de l’incendie du parlement et de ses conséquences, notamment la perte des archives et de la bibliothèque. On y évoque les « insultes inouïes » qu’a subies lord Elgin et les activités des Tories, présentées comme déloyales et menant à l’anarchie. On y affirme, a contrario, la volonté de soutenir la constitutionnalité telle qu’elle est exprimée par les actions du gouverneur général et le désir de maintenir le lien impérial ainsi que la fidélité à la reine Victoria, tout en apportant son soutien au gouvernement et à sa résolution de maintenir l’ordre.
Le soutien indéfectible de la presse
La presse joue un rôle extrêmement actif dans le déroulement de la campagne. Dans la foulée de l’appel du Canadien du 27 avril vont suivre ceux des journaux The Pilot et The Provincialist, le 30 avril, Les Mélanges religieux, le 1er mai, The Globe, le 2 mai, ainsi que l’Écho des campagnes, The Examiner et L’Avenir dans les jours qui suivent[43]. En somme, l’appel est général.
De plus, les journaux suivent avec une attention soutenue le déroulement de la campagne. Cette fébrilité est d’autant plus remarquable qu’elle se déroule sur une période très courte, car c’est au cours des huit semaines qui suivent l’incendie que ce mouvement d’adresses se déploie : dès juillet, la presse ne rapporte plus que les réponses de lord Elgin[44].
Seulement pour les 6 journaux dépouillés[45], du total de 457 articles recensés entre le 26 avril et le 17 juillet, plus des deux tiers reproduisent in extenso adresses, lettres et résolutions d’assemblées adressées à lord Elgin, ainsi que les réponses de James Leslie, secrétaire provincial du Canada-Est, ou de lord Elgin lui-même. Fait significatif, si 32 % (148) reproduisent le texte de résolutions ou d’adresses, un nombre encore plus imposant reproduit les réponses de lord Elgin ou du secrétaire James Leslie, soit 37 % (159).
Outre les adresses et leurs réponses, on suit avec attention le développement de la campagne afin de montrer la puissance du mouvement « populaire », notamment en compilant les adresses ainsi que le nombre de pétitionnaires. Par exemple, en plus des diverses adresses reproduites, La Minerve publie la liste des adresses et le nombre de signataires les 21, 24 et 31 mai ainsi que le 8 juin. Pour sa part, Les Mélanges religieux, de loin le journal le plus actif[46], publient ces informations sous une rubrique intitulée « Ce que le peuple pense ». The Montreal Gazette, qui pour sa part soutient les revendications tories, prend le contrepied de la campagne. Il s’ensuit de cette campagne un effet de réverbération continue : adresses, réponses et commentaires occupent alors une large partie de l’espace public.
L’engagement actif de l’Église
Cette campagne profite également d’une participation intensive de l’Église catholique. Dès le 27 avril, comme le mentionne Monet : « L’après-midi même où il eut sa rencontre avec LaFontaine, Mgr Bourget convoqua les leaders du clergé, leur ordonna d’appuyer les adresses dans toutes les paroisses, puis il se rendit avec eux auprès de Lord Elgin[47]. » La journée même, il émet une circulaire enjoignant les curés à soutenir le mouvement. Il précise
Vous ne manquerez pas de maintenir le peuple dans la fidélité qu’il doit à son gouvernement. […] J’apprends qu’il va se faire des assemblées pour approuver l’administration de notre excellent gouverneur. […] Nous devons donc, sans prendre aucune part aux questions politiques, témoigner publiquement nos sympathies à ce généreux et sincère ami de notre pays[48].
Cet engagement est recherché et soutenu par les membres du Conseil exécutif. René-Édouard Caron, qui en est le président, écrit à l’abbé Charles-Félix Cazeau, de l’évêché de Québec, pour solliciter son aide, en soulignant qu’il considérerait
Comme de la plus grande importance que tous les gens qui veulent maintenir la paix dans le pays et la connexion avec l’Empire fassent une démonstration énergique désapprouvant les scènes qui viennent d’avoir lieu à Montréal, approuvant le gouverneur et son administration et exprimant de la confiance dans l’administration[49].
En conséquence, le clergé de Québec signe une adresse à lord Elgin le même jour dans laquelle non seulement il exprime sa « vive confiance dans la justice et l’impartialité qui caractérisent l’administration du représentant de Votre Majesté en cette province » mais aussi son inquiétude. Après avoir mentionné leur crainte de voir survenir « l’anarchie et une séparation violente de cette colonie d’avec la mère-patrie », les membres du clergé indiquent
Nous osons assurer Votre Majesté qu’ils regardent comme un bienfait de la divine providence de vivre sous le gouvernement de Votre Majesté, dans un temps où presque toutes les nations civilisées sont en proie aux révolutions, et à tous les malheurs qui en sont la suite inévitable[50].
Le sort de cette adresse, une des premières à être rédigée, est aussi révélatrice des forces en présence. D’une part, elle reçoit un soutien manifeste des politiciens, car Caron écrit à l’abbé Cazeau le 3 mai que : « Tout ce que vous avez fait est excellent, votre adresse au gouverneur ne pourrait être meilleure, votre adresse à la Reine aura un excellent effet[51]. » Mais il y a plus. L’adresse est également envoyée comme lettre circulaire aux curés[52]. Ceux-ci sont invités à solliciter leurs paroissiens pour qu’ils en produisent de semblables. L’adresse est, de plus, relayée avec abondance dans la presse[53]. Elle reçoit un accueil des plus favorables du gouvernement : dans sa réponse, non seulement lord Elgin remercie-t-il Mgr Signay et son clergé, mais donne son assentiment au mouvement en cours, en concluant par ces termes : « J’espère pourtant [malgré les événements] que tous les gens de bien réuniront leurs efforts pour le maintien de l’ordre et de la paix[54]. » Finalement, l’adresse est transmise, imprimée et déposée au Parlement de Londres le 25 mai[55], ce qui témoigne d’une reconnaissance et d’un soutien officiel de lord Elgin et du gouvernement britannique.
L’engagement du clergé va plus loin. Dans le diocèse de Québec, deux circulaires sont envoyées aux curés à quelques jours d’intervalle. La première, datée du 2 mai, appelle ces derniers à organiser des assemblées et donne des indications précises sur comment le faire :
Vous voudrez bien vous aboucher pour cela sous le plus court délai, avec ceux de vos paroissiens qui ont coutume de montrer le plus de zèle pour la chose publique, et d’aviser avec eux, aux moyens de préparer une assemblée, dans laquelle on décidera de présenter à Son Excellence une adresse exprimant les sentiments que je viens d’énumérer. Vous trouverez dans l’imprimé ci-joint un modèle de cette adresse, sauf à vous de faire dans sa rédaction tels changements que vous jugerez à propos[56].
La circulaire comprend donc un modèle d’adresse accompagné d’indications précises sur ce qui doit être fait pour authentifier les signatures des personnes illettrées, la transmission au gouvernement et surtout sur le maintien de l’apparence d’un mouvement spontané, mentionnant ainsi aux curés qu’« il est à propos de ne pas livrer la présente à la publicité[57] ». Ce modèle sera par la suite imprimé et largement distribué. Une seconde circulaire, envoyée cinq jours plus tard et également imprimée, a pour objet de rappeler que : « Pour les motifs que je vous ai fait connaître dans ma lettre du 2 du courant, je n’hésite pas à vous recommander d’employer votre zèle à faire couvrir cette adresse de nombreuses signatures[58]. »
L’évêché de Montréal n’est pas inactif dans cette campagne, bien au contraire. Dès le 27 avril, Mgr Bourget exhorte ses curés à y participer activement. Si au début mai il fait part à Mgr Turgeon de sa réticence à faire préparer une adresse signée par le clergé montréalais seulement, il n’en demeure par moins qu’il l’informe qu’
Une circulaire s’imprime aujourd’hui pour recommander aux prêtres de prêcher la paix, et en cas d’insurrection, de maintenir le peuple dans la fidélité au Gouvernement et enfin d’encourager les démonstrations publiques qui vont avoir lieu dans les paroisses[59].
Tout comme celle de Québec, cette proposition d’adresse est reprise alors à de moult occasions. Comme bien d’autres, elle est signée puis republiée dans différents journaux. Notamment, sa version française a été imprimée et utilisée à Contrecoeur, listée dans La Minerve et publiée avec la réponse dans la Gazette du Canada[60].
Un rôle effacé mais actif du monde politique
Le monde politique dans son ensemble est également mobilisé dans cette tourmente. Notons en premier lieu la mobilisation de l’ensemble de la députation réformiste qui sollicite et organise les assemblées et pétitions. Selon Monet,
Avant même que la malheureuse session ne fut prorogée le 30 mai, presque tous les députés du parti réformiste uni avaient demandé à leurs électeurs et partisans de tenir des assemblées et d’y faire adopter des messages de loyauté[61].
Le caractère systématique et organisé du soutien des députés est illustré par les préparatifs pour la tenue d’une assemblée à Saint-Hyacinthe tel que le rapporte un lecteur de L’Avenir, en l’occurrence Louis-Antoine Dessaules. Il écrit qu’une assemblée préparatoire a été convoquée pour débattre d’une proposition d’adresse « qu’on leur avait envoyé accompagné [sic] d’une lettre imprimée dont la rédaction est très remarquable ». Cette lettre circulaire du député Thomas Boutillier est datée du 2 mai et précise :
Je n’ai pas besoin de vous dire qu’à la nouvelle de ces actes […], vous avez senti le besoin d’offrir votre appui aux autorités constituées. […] PLUS VOUS DONNEREZ D’APPUI, MIEUX VOUS ACCOMPLIREZ VOTRE DEVOIR DE CITOYEN[62].
Et le député de conclure que sinon le vaisseau de l’État sera abandonné à des mains ennemies ou à l’anarchie et à la guerre civile…
Cet engagement généralisé des députés ministériels est également dénoncé par The Montreal Gazette. Le 27 avril, le journal reprend un texte du Montreal Transcript, qui mentionne que
Every member of the Ministry was busy yesterday in urging forward an address to the Governor General, approving of his course relative to the Rebellion Losses bill, and of confidence in the Administration. The address was left at Government House and hawked all over the city[63].
Quelques jours plus tard, on rajoute que « copies of the same [Model Address to the Queen, in favor of Lord Elgin] have been transmitted, by post, at the public expense, to all parts of the country[64] ».
Mais il y a davantage. Si lord Elgin et l’administration coloniale jouent un rôle relativement effacé, ils s’avèrent néanmoins beaucoup plus actifs que certains le laissent penser. Ainsi, cette campagne est l’objet d’un véritable dialogue, car la plupart des adresses et lettres reçoivent une réponse personnalisée : 200 réponses ont été répertoriées ou publiées, soit un taux de réponse de 83 %, dont 34 sont de la main de lord Elgin lui-même[65]. Après avoir remercié les citoyens, la plupart mentionnent l’importance de ce soutien au gouvernement. Par exemple, lord Elgin écrit aux résidents du comté de Saint-Hyacinthe :
J’espère que ceux qui ne cherchent que dans l’émeute et l’anarchie le triomphe de leurs principes ou de leurs projets ambitieux seront arrêtés au bord de l’abime par l’appui moral que le Gouvernement reçoit de la masse du peuple et de toutes les parties de la province et de toutes les origines[66].
Outre ces échanges symboliques significatifs, les réponses encouragent les citoyens à poursuivre le mouvement. Dans sa réponse aux habitants de Prescott qui furent parmi les premiers à répondre à l’appel, il soutient clairement le mouvement :
Let all good men, whatever be their minor differences, unite as you have done, to support the cause of order and Constitutional Government, and their evils will speedily be repaired – peace and prosperity be established in Canada, and the indignities which I have personally undergone will be at once effaced from my recollection [67].
Si certaines de ces réponses sont plus détaillées[68], d’autres connaissent un plus grand retentissement : la réponse de lord Elgin à l’adresse envoyée par les citoyens du district de Victoria, comté de Hastings, est publiée le 19 mai. Il y soutient la constitutionnalité de son action et le fait que
the people of Canada have much at stake in the solution of the question which the foes of their liberties have attempted to raise, and the unanimity with which they are coming forward in support of the Government, shows that they are conscious of its importance and real character [69].
Or, les Tories y répondent non seulement en la reproduisant dans The Montreal Gazette le 22 mai, mais aussi par le biais d’un pamphlet[70]. Finalement, publiée dans les documents parlementaires du 7 juin, cette même lettre de lord Elgin est mentionnée par Londres dans sa réponse négative aux revendications tories[71].
De nombreuses délégations viennent à Montréal, au Château Ramezay ou à Monklands, pour remettre en main propre à lord Elgin les dites adresses ou encore les comptes rendus d’assemblées. Uniquement le 9 mai, il reçoit une délégation de la Ville de Montréal qui dépose une adresse signée par 7866 personnes, puis une autre de Trois-Rivières, dont l’adresse est signée par 638 personnes[72]. Ces rencontres ne sont pas sans irriter l’opposition : le 9 mai, un groupe de Tories fait irruption à l’hôtel Têtu, où se trouve une délégation provenant du Haut-Canada. Ils tirent dans la salle et blessent trois personnes avant d’être dispersés par l’armée[73].
Au-delà de l’acte protocolaire, ces rencontres permettent de consolider l’adhésion au gouvernement responsable des élites locales. Par exemple, voici comment on rapporte à Bytown (Ottawa) la réception de sa délégation :
His Excellency [...] made many enquiries regarding the Ottawa County, and stated that Bytown had, long before he came to Canada, been described as in the midst of the finest scenery. [...] During the interview his Excellency displayed a knowledge of Canadian Politics which surprised and delighted all who heard him. The Deputations went away highly gratified with their reception[74].
Finalement, l’aspect le plus significatif de cet endossement est son officialisation par la publication de la plupart des adresses et réponses dans la Gazette du Canada, le journal officiel du gouvernement du Canada. Cette pratique inhabituelle débute dès le premier numéro à paraître après l’incendie, fait l’objet de numéros spéciaux et totalise plus de 240 pages, témoin de l’importance qu’il leur accorde. Sauf de très rares exceptions, ces documents sont tous en soutien à lord Elgin et expriment cette loyauté recherchée. De plus, très rapidement, des documents sont déposés au Parlement de Londres. Trois Parliamentary Papers[75] sont ainsi remis aux députés londoniens, donnant la perspective officielle sur les événements, particulièrement la missive de lord Elgin à lord Grey qui relate les événements (et qui servira de fondement au récit des événements) ainsi que nombre d’adresses avec les réponses qui leur ont été envoyées.
La réponse tory
La vague d’adresses et d’assemblées exerce une pression immense sur l’opposition, car elle vise à l’isoler. Les Tories vont se lancer dans une contre-campagne demandant à la Reine de désavouer la loi et de révoquer lord Elgin. Pour ce faire, avec le soutien notamment des journaux The Montreal Gazette et Montreal Herald, on tente de faire signer des contre-pétitions tout en dénonçant la campagne en faveur de lord Elgin.
L’élément clé de la contre-campagne est l’adresse des Tories de Montréal, qui fait suite à une assemblée de 3000 à 4000 personnes tenue le 30 avril sur le Champ de Mars. Présidée par George Moffat, l’assemblée approuve cinq résolutions, toutes dénonçant la sanction royale donnée par lord Elgin. Ainsi, les résolutions mentionnent que puisque ce dernier « has violated a fundamental law of our Provincial Constitution, by disobeying the Royal instruction, to reserve all bills of an unusual character », il est donc requis d’invoquer le « duty to petition the Queen, to disallow the said bill, and recall the Governor ». Le texte de l’adresse est alors approuvé par l’assemblée[76]. Le même jour, The Montreal Gazette appelle les citoyens à signer cette adresse dans une quinzaine de lieux. Cet appel est répété à de nombreuses reprises, notamment les 2, 7, 8 et 14 mai. Un comité est mis sur pied pour recueillir les signatures à travers Montréal et pour coordonner le tout. Des discussions ont lieu sur les meilleures manières de transmettre l’adresse à la reine Victoria, et il est finalement convenu que les pétitions tories, plutôt que de transiter par lord Elgin, seront remises directement à Londres par MacNab[77]. D’autres assemblées et signatures d’adresses ont lieu dans les deux parties du Canada, que The Montreal Gazette se presse de rapporter. Il n’en demeure pas moins qu’au final, il ne s’agit que d’un nombre limité d’événements : au Bas-Canada, on en compte tout au plus 10, incluant Montréal, Missisquoi et Stanstead[78].
Parallèlement, on tente de discréditer la campagne de défense de lord Elgin. D’abord, on attaque le nombre de pétitionnaires « constitutionnels » en reprochant notamment le fait que des enfants ou des soldats aient signé les adresses, mais aussi que les ministres forcent leurs compatriotes à le faire et y ajoutent même de faux noms[79]. Le summum est rapporté le 24 mai, alors que, reprenant un texte publié dans le Montreal Herald, The Montreal Gazette rapporte qu’un prêtre de Montréal aurait baptisé un nourrisson puis lui aurait fait apposer une croix à une pétition en faveur du gouverneur. Pour donner crédibilité à cette abracadabrante histoire, The Montreal Gazette souligne : « we are inclined to believe the above[80] ».
Ensuite, on dénonce l’implication des autorités gouvernementales et des curés dans cette campagne. The Montreal Gazette insiste sur cet engagement des membres du gouvernement et du clergé. Par exemple, le 11 mai, le journal reproduit et commente la circulaire et une partie du modèle de pétition envoyé par Mgr Bourget aux paroisses francophones en mettant de l’avant l’argument voulant que la question n’est pas « locale » et doit donc être référée à Londres et en raillant les serments de fidélité au gouverneur général et à la Reine[81]. Cette dénonciation de la campagne est reprise plusieurs fois et sur tous les tons : le 12 mai, le journal publie une lettre à la rédaction qui insiste sur cet engagement des ministres, car si le gouvernement distribue des adresses imprimées, lord Elgin
no doubt believes all these addresses of condolence, Etc. etc. , to be spontaneously expressed sentiments of so many men, while, in fact, the whole originates with the Ministers themselves, who actually coerced the weak-minded countrymen into getting a few signatures to their own address, and adding (to make it appear passable) a few fictitious ones[82].
De même, on reproche aux délégations de notables des localités de la province venues déposer les adresses au gouverneur général de ne représenter qu’elles-mêmes ou d’être composées d’inconnus non représentatifs[83].
Mais les résultats sont loin du compte : malgré les déclarations de The Montreal Gazette que « petitions to the Queen for the disallowance of the Rebel-rewarding Bill, the recall of Lord Elgin, etc., are pouring into Montreal from all quarters[84] », cette campagne donne de faibles résultats. Certes, la décision de transmettre directement les pétitions à Londres explique leur absence relative tant dans les archives que dans les publications officielles[85]. Cependant, les traces qui en subsistent indiquent bien ce caractère restreint : si le dépouillement des journaux n’a permis d’identifier que deux adresses en provenance du Bas-Canada, les archives de sir McNab n’en recèlent qu’un nombre limité[86].
MacNab quitte Montréal pour Londres le 21 mai. Là-bas, il n’a guère de succès : il doit rencontrer lord Grey le 9 juin, mais ne peut le faire et il doit laisser à son attention les adresses qui « viennent des habitants de Toronto, de ceux de Kingston, de ceux de Weston et des environs, de ceux du district de Newcastle, de ceux du district de l’Ottawa et de ceux de la ville de Montréal[87] ». Il est aussi reçu par certains hommes politiques, dont lord John Russell et Robert Peel, mais est évité par Gladstone et ne réussit pas à voir Disraeli[88]. La réponse est implacable : dans une lettre datée du 13 juin, le secrétaire de lord Grey lui fait parvenir une fin de non-recevoir. Non seulement réfute-t-il tous les arguments des Tories, mais il conclut en indiquant que
Lord Grey m’ordonne d’exprimer son espoir que cette déclaration officielle des vues du gouverneur-général du Canada, laquelle est entièrement approuvée par les conseillers de Sa Majesté, fera disparaître le blâme et calmera l’indignation auxquels, par suite d’une fausse interprétation de son caractère et de ses objets, cette mesure a donné lieu. […] [Lord Grey fait appel] au sentiment de loyauté des pétitionnaires [...] et à votre propre dévouement bien connu à la couronne britannique [...] pour seconder les efforts du gouvernement de Sa Majesté pour maintenir la paix publique, et l’autorité de la loi, et pour calmer l’agitation existante qui fait tant de préjudice au commerce, au crédit public et à tous les intérêts les plus importants du Canada[89].
Peu après, le Bill d’indemnité est endossé à Londres par un vote de 291 à 150. MacNab rentre au Canada vers la mi-août, mais ce sera déjà le début de la fin pour les Tories qui, défaits, entreprennent par la suite leur campagne annexionniste. Cette dernière traduit cependant à la fois leur isolement et leur radicalisation résultant de leur éviction effective du champ politique. En somme, leur chant du cygne…
Pression sur les rouges
Si par cette campagne les Tories sont mis hors d’état de nuire à toutes fins utiles, la pression s’exerce aussi sur l’opposition républicaine ou « papineauiste ». Encore plus minoritaire, elle n’en exprime pas moins une perspective différenciée, qu’illustrent surtout les événements de Saint-Hyacinthe, concernant l’organisation et la tenue de l’assemblée en vue de faire signer l’adresse par les résidents de ce comté.
Une réunion est tenue le 4 mai, à la suite de l’appel du député, « pour aviser [sic] des moyens de faire signer par les habitants du comté une adresse[90] ». À cette rencontre, Louis-Antoine Dessaulles, maire de la ville et connu pour sa défense de son oncle Papineau[91], soulignant que s’il « était d’une grande importance, dans les circonstances actuelles, de faire appuyer le gouverneur général par l’universalité [sic] des citoyens du pays », recommande que les adresses, telle celle de Québec, « ne froissent aucune opinion politique [et alors] seraient universellement signées sans la moindre objection ». Cette opinion est rejetée par le comité, qui propose de faire signer la proposition d’adresse imprimée envoyée par le député qui soutient le gouvernement.
Lors de l’assemblée, tenue deux jours plus tard, comme le rapporte un lecteur de L’Avenir qui ne serait que Dessaulles lui-même, l’avocat réformiste Louis-Victor Sicotte et le curé de Saint-Hyacinthe se font les promoteurs du projet d’adresse. Malgré l’intervention de Dessaulles, le projet est approuvé, bien qu’une grande partie des participants auraient refusé de signer. En somme, note Dessaulles, on « entend profiter de la stupeur générale pour essayer, par des voies souterraines, d’escamoter […] un vote d’approbation [au gouvernement], à la faveur de l’indignation que tout le pays devait ressentir à la nouvelle de pareils excès ». De plus, on espère aussi tourner la page des rébellions et de l’influence de Papineau : tant le député Thomas Boutillier[92], qui a pris part à la bataille de Saint-Denis mais qui se range du côté des réformistes au début des années 1840, que le curé, qui a béni ceux qui partaient se battre à Saint-Denis, se rangent maintenant du côté du gouvernement pour garantir le soutien du comté au gouverneur général et à la reine Victoria[93]. Qui plus est, aux arguments de Dessaulles soumis à l’assemblée du 6 mai, on répond en tentant de discréditer Papineau.
Cette résistance se traduit également par un changement de perspective du journal L’Avenir. Au départ, le journal appuyait le mouvement d’adresses et soutenait l’indignation générale. Cependant, on perçoit vite le caractère organisé du soutien au gouvernement, qu’on définit comme « l’incroyable intrigue ourdie à Montréal par les amis de ces mendiants de votes de confiance qu’on appelle les ministres responsables[94] ». Le 12 mai, un éditorial de Jean-Baptiste Éric dénonce avec vigueur cette manipulation : il jette « le blâme le plus sévère sur les intrigues déplacées et inconséquentes dont les ministres forment aujourd’hui leur occupation la plus importante », car le « ministère » « a exploité la situation pour tâcher d’escamoter çà et là quelques votes de confiance arrachés à la faveur de l’indignation soulevée chez les canadiens-français [sic] par les derniers événemens [sic][95] ». L’éditorialiste dénonce non seulement le « loyalisme outré » et la célébration de la connexion avec l’Empire, mais aussi le fait que le gouvernement ait fait imprimer les adresses et les envoie dans les comtés. Ce cri ne sera que faiblement entendu, devant une machine bien organisée et huilée.
En guise de conclusion
En juillet 1849, toute cette campagne prend fin : le débat au Canada est clos, et la position d’Elgin confirmée par Londres. À sa suite, les oppositions tories et républicaines vont livrer un dernier baroud d’honneur sous la forme du débat sur l’annexion, car leur marginalisation mènera à leur radicalisation et à la poussée annexionniste de l’automne 1849.
Mais revenons aux événements. Pour Jacques Monet,
Lorsque l’attaque contre Lord Elgin fut déclenchée, ils [les Canadiens] comprirent que toutes les insultes et tous les oeufs pourris qu’on lui lançait étaient en réalité lancés contre eux. Une fois de plus, l’honneur du Canada français était lié à celui de la couronne britannique, et tous les journaux de langue française s’empressèrent de le souligner[96].
Cette interprétation, nous l’avons vu, reflète bien le point de vue de la majorité des acteurs de l’époque mais fait l’impasse sur les tenants et aboutissants de ce « mouvement spontané ». Certes, l’incendie du parlement et l’agitation tory à Montréal suscitent une indignation qui secoue l’ensemble de la province. Cependant, s’appuyant sur ce sentiment, une mobilisation massive de la plus grande partie de l’élite, avec l’encouragement manifeste des journaux, de l’Église et de l’État, permet de cristalliser le récit, consolidant ainsi l’imaginaire social et l’engageant en soutien au gouvernement responsable. Si cette campagne a fixé le regard sur les événements et le rôle joué par les différents acteurs dans l’incendie et ses suites, ce récit mérite aujourd’hui d’être nuancé et replacé dans son contexte global. Au final, par le soutien sollicité de la population des deux Canadas au parlementarisme britannique et à l’Empire, toute séquelle des Rébellions, comme de l’influence tory, est oblitérée.
Se concentrant sur cette image forte du parlement incendié et des troubles à Montréal, le récit cristallisé appuie l’émergence d’une nouvelle communauté politique fondée sur un consensus social fermement établi autour du gouvernement responsable et du maintien du lien impérial. Sont alors en place les conditions pour le renouveau politique des années 1850, marqué par la disparition ou transformation des protagonistes : Papineau se retire, Baldwin et La Fontaine démissionnent, les Réformistes se transforment ou plutôt révèlent leur dimension plutôt conservatrice et les Rouges se radicalisent[97]. Dans ce contexte, Montréal perd son statut de capitale et les ruines du parlement sont rapidement démolies. Il ne reste alors que le souvenir amer des événements, un souvenir exacerbé par cette campagne d’adresses qui, elle, a disparu des mémoires.
Parties annexes
Note biographique
Après avoir complété sa maîtrise en histoire (Université Laval, 1995), Alain Roy a oeuvré pendant de nombreuses années comme consultant en histoire, patrimoine et muséologie. Il s’intéresse notamment aux rapports entre histoire, patrimoine et mémoire, au patrimoine viaire ainsi qu’à l’histoire urbaine. Il a publié de nombreux articles et rapports de recherche et est le coauteur de deux ouvrages sur l’histoire de Québec. Il a également assumé la codirection du volume Les traces de la Nouvelle-France au Québec et en Poitou-Charentes (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008). Il est actuellement à l’emploi de Bibliothèque et Archives Canada et chercheur régulier au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (UQAM).
Notes
-
[1]
Cet article est le fruit d’une recherche menée dans le cadre du vaste projet Montréal, plaque tournante des échanges : histoire, patrimoine, devenir, dont un volet porte sur Montréal-Capitale. Il a été rendu possible grâce à la collaboration de mes distinguées collègues dans ce projet, Joanne Burgess et Louise Pothier, ainsi que grâce au soutien des assistants de recherche Andréa Shaulis et Didier Séguin. Nous remercions également Guylaine Girouard, Christian Blais et les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires. Le présent article n’engage que le point de vue de l’auteur.
-
[2]
Musée McCord, M11588, Joseph Légaré, L’incendie du Parlement à Montréal, vers 1849 ; Bibliothèque et Archives Canada (BAC), C2726, « The Burning of the House of Assembly at Montreal, 25 April 1849 », The Illustrated London News, 19 mai 1849 ; BAC, C073717, Charles William Jefferys, Burning the Parliament Buildings, in Montreal, 1849, c1925.
-
[3]
Nous utilisons ce terme d’époque (qui reste en usage aujourd’hui) en précisant qu’il est, en partie, trompeur, car il couvre à la fois la responsabilité ministérielle et le repartage des pouvoirs au sein de l’Empire. De facto, il donne l’impression que le gouvernement local avait autorité sur tout, ce qui n’était pas le cas.
-
[4]
Bas-Canada est le terme légal en usage pour la partie est de la province. On utilise les termes Canada-Est et Canada-Ouest sur le plan administratif, Encyclopédie du parlementarisme britannique, www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/lexique/canada-est-canada-ouest.html [consulté le 12 juin 2016].
-
[5]
BAC, RG4 C1, fonds du Secrétariat provincial, Canada-Est, Série Correspondance reçue constituée en dossiers. Pour sa part, le fonds du Secrétariat provincial, Canada-Ouest, Série Correspondance reçue constituée en dossiers (BAC, RG5 C1) comprend 94 dossiers. »
-
[6]
BAC, R977-16-4-E, fonds Lord Elgin, sous-série Albums of newspaper clippings. L’album de janvier à juillet 1849 totalise 209 pages (par la suite abrégé en BAC, Elgin clippings).
-
[7]
BAC, R6266-1-3-E, fonds Sir Allan Napier McNab, série Albemarie manuscrits.
-
[8]
A. G. Doughty, dir., The Elgin-Grey Papers, 1841-1867 (Ottawa, J. O. Patenaude, 1937), 4 vol.
-
[9]
Parmi les principaux ouvrages, notons, du côté francophone, Louis-Philippe Turcotte, Le Canada sous l’Union, 1841-1867, tomes 1 et 2 (Québec, Demers, 1882) ; Lionel Groulx, « L’émeute de 1849 à Montréal », dans Ville, ô ma ville (Montréal, Éditions de la société des écrivains canadiens,1941), 179-205 ; Gaston Deschênes, dir., Une capitale éphémère. Montréal et les événements tragiques de 1849 (Sillery, Septentrion, coll. « Les cahiers du Septentrion no 13 », 1999) ainsi que Robert Comeau et Gaston Deschênes, dir., « Dossier : L’incendie du parlement de Montréal : un événement occulté », Bulletin d’histoire politique, 22, 1 (automne 2013) : 17-92. Notons, du côté anglophone, parmi de nombreux autres, John Charles Dent, The last forty years : Canada since the union of 1841 (Toronto, G. Virtue, 1881), 2 vol. et J. M. S. Careless, The Union of the Canadas : The Growth of Canadian Institutions, 1841-1857 (Toronto, McLelland and Stewart, coll. « Canadian Centenary Series no 10 », 1967). Plus récemment, des biographies ont aussi jeté un éclairage particulier sur cette période, notamment Éric Bédard, Les réformistes (Montréal, Boréal, [2009] 2012) et John Saul, Louis-Hippolyte Lafontaine et Robert Baldwin (Montréal, Boréal, 2010).
-
[10]
Jacques Monet, La première révolution tranquille. Le nationalisme canadien-français (1837-1850) (Montréal, Fides, 1981). Notre étude y fait écho : Alain Roy, Le Marché Sainte-Anne, le Parlement de Montréal et la formation d’un État moderne : un lieu d’échanges, des événements marquants, une époque charnière : étude historique, Rapport présenté à l’Institut d’histoire de l’Amérique française pour le ministère de la Culture et des Communications du Québec (Montréal, Direction de Montréal, 1999).
-
[11]
Arthur R. M. Lower, Colony to Nation : A history of Canada (Toronto, McClelland and Stewart, [1946] 1977, 5e édition), 246.
-
[12]
Éric Bédard, « Récits de fondation et téléologie. Réflexions autour de l’historiographie du réformisme canadien-français », dans Anne Trépanier, dir., La rénovation de l’héritage démocratique (Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2009), 20-48. Le gouvernement responsable a fait l’objet d’une imposante littérature. Outre les titres mentionnés par Bédard, ajoutons notamment (et de manière non exhaustive), les recueils de J. Arthur Lower, Self Government, selected sources from the history of the Commonwealth (Toronto, McClelland & Stewart, 1968) et d’Elizabeth Nish, Racism or Responsible Government : The French Canadian Dilemna in the 1840’s (Toronto, Copp Clark, 1967) ainsi que le dossier thématique dirigé par René Castonguay, « Genèse et historique du gouvernement responsable au Canada », Bulletin d’histoire politique, 6, 3 (printemps 1998). Parmi les ouvrages récents publiés sur cette question, mentionnons Benjamin T. Jones, Republicanism and Responsible Government : The Shaping of Democracy in Australia and Canada (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014).
-
[13]
Christian Blais, « Brève histoire du gouvernement responsable », Bulletin d’histoire politique, 22, 2 (hiver 2014) : 111-138.
-
[14]
Peter Burroughs, dir., Colonial Reformers and Canada, 1830-1849. Selections from Documents and Publications of the Times (Toronto, McClelland & Stewart Limited, 1969), xxiv.
-
[15]
Notons ici la notion de « empire by consent ». Ibid., xxiv-xxv.
-
[16]
Phillip A. Buckner, The Transition to Responsible Government : British Policy in British North America, 1815-1850 (Londres & Westport, Greenwood Press, 1985), 8.
-
[17]
Le titre de l’ouvrage de Jacques Monet, La première révolution tranquille, en est un exemple, op. cit. Cette vision est partagée du côté anglophone. A. Lower intitule ainsi son chapitre « A Revolutionary Decade », Colony to Nation, op. cit., 261. Pour sa part, Janet Azjenstat qualifie la période comme étant celle du « renversement des oligarchies coloniales », voir J. Azjenstat, The Canadian Founding, John Locke and Parliament (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2007), 7.
-
[18]
John Hodgetts, Pioneer Public Service : An Administrative History of the United Canadas (Toronto, University of Toronto Press, 1956) ; Bruce Curtis, « Representation and State formation in the Canada, 1790-1850 », Studies in Political Economy, 28 (printemps 1989) : 59-87 ; Rainer Baehre, « The State in Canadian History », Acadiensis, XXIV, 1 (automne 1994) : 119-133 ; et principalement Allan Greer et Ian Radforth, dir., Colonial Leviathan. State Formation in the Mid-Ninenteenth-Century (Toronto, University of Toronto Press, 1992). Un important débat va y faire suite sur un schéma interprétatif d’ensemble de la période, défini comme l’ordre libéral, mais dont les tenants et aboutissants dépassent les limites de cet article.
-
[19]
R. Baehre, « The State in Canadian History… », loc. cit., 125.
-
[20]
Allan Greer et Ian Radforh, « Introduction », dans A. Greer et I. Radforth, Colonial Leviathan…, op. cit., 8.
-
[21]
E. A. Heaman, A Short History of the State in Canada (Toronto, University of Toronto Press, 2015), 84-85.
-
[22]
Au total, 34 pétitions, dont 7 du Bas-Canada, sont déposées. BAC, fonds Lord Elgin, R977-565-4-E., « List of Petitions to the Governor General against the Rebellion [illisible] Bill ».
-
[23]
J. Monet, La première révolution… op. cit., 406.
-
[24]
Pour une histoire plus détaillée des événements, voir A. Roy, Le Marché Sainte-Anne, op. cit., et autres.
-
[25]
Lettre de lord Elgin à lord Grey, 30 avril 1849, dans Papers Relative to the Affairs of Canada, [Presented to both houses of Parliament by command of Her Majesty, May 1849] (Londres, W. Clowes, 1849), 5.
-
[26]
Un article de presse de janvier 1849 mentionne la forte disproportion de représentativité des Tories, qui représentent 9,5 % de la population mais disposent de 28 % des sièges, BAC, Elgin Clippings, « Political State of Canada », sans référence, #41.
-
[27]
Jacques Monet, « The Personal and Living Bond, 1839-1849 », dans W. L. Morton, dir., The Shield of Achilles : Aspects of Canada in the Victorian Age (Toronto et Montréal, McClelland and Stewart, 1968), 63.
-
[28]
Louis-Joseph Papineau, Cette fatale union. Adresses, discours et manifestes, 1847-1848 (Montréal, Lux, 2003) ; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Erreur sur la personne (Montréal, Boréal, 2012) ; Gilles Laporte, « Les patriotes de 1837 et le gouvernement responsable... une erreur tenace », Huffington Post, 4 novembre 2013 http://quebec.huffingtonpost.ca/gilles-laporte/patriotes-1837-gouvernement-responsable_b_4208390.html [consulté le 25 mai 2015] et Yvan Lamonde, Fais ce que dois, advienne que pourra. Papineau et l’idée de nationalité (Montréal, Lux, 2015).
-
[29]
En novembre 1847, Joseph-Édouard Cauchon écrit à La Fontaine qu’il faut isoler Papineau, cité dans É. Bédard, Les Réformistes, op. cit., 112.
-
[30]
BAC, Elgin Clippings, « Our Duty at the Present Crisis », The Globe, 2 mai 1849, #118.
-
[31]
La version originale anglaise mentionne plutôt que « Drummond and Cartier drew up an address to be circulated among the citizens at large », J. Monet, La première révolution…, op. cit., 429 ; Jacques Monet, The Last Cannon Shot : a Study of French-Canadian Nationalism, 1837-1850 (Toronto, University of Toronto Press, 1969), 356.
-
[32]
« Circulaire à messieurs les curés du diocèse de Montréal », Évêché de Montréal, 27 avril 1849, dans Mandements, lettres pastorales et autres documents publiés dans le diocèse de Montréal, Tome second (Montréal, Chapleau Frères, 1869), 67.
-
[33]
BAC, Elgin Clippings, # 105, « Loyauté des Tories à Montréal », Le Canadien, 27 avril 1849.
-
[34]
Souligné en italique dans l’original. BAC,Elgin Clippings, # 118, « Our duty at the present crisis », The Globe, 2 mai 1849.
-
[35]
Une assemblée de 7000 à 8000 personnes est tenue et endosse différentes résolutions ainsi qu’une adresse. La rencontre est présidée par le juge Glackermeyer, l’un des juges de paix de la ville de Québec, qui est assisté du journaliste Napoléon Aubin comme secrétaire. « Grande assemblée publique des citoyens de Québec », Le Canadien, 30 avril 1849.
-
[36]
« Grand Meeting », La Gazette du Canada, 5 mai 1849, 6389 ; « Adresse », ibid., 6401.
-
[37]
Les Tories du Bas-Canada n’ayant pas transmis leurs adresses au secrétaire provincial James Leslie, ce total est estimé à partir des comptes rendus de The Montreal Gazette.
-
[38]
« Le ministère », L’Avenir, 12 mai 1849.
-
[39]
BAC, RG4 C1, dossier #1909, bobine H-2614.
-
[40]
BAC, RG4 C1, dossier # 1957, bobine H-2614. Reproduit avec la réponse dans Gazette du Canada, 23 juin 1849, 6783.
-
[41]
On y propose même de placer un portrait de lord Elgin dans chaque maison. La pétition est signée de 1003 personnes. « St. Denis » et « Address », Gazette du Canada, 23 mai 1849, 6506-6507. Voir aussi « Adresse », La Minerve, 14 mai 1849.
-
[42]
BAC, RG4 C1, dossier # 1561, bobine H-2613.
-
[43]
BAC, Elgin Clippings, # 109, « The Montreal Outrage and the Tories », The Provincialist, 30 avril 1849 ; # 110, « The late Riot », The Pilot, 30 avril 1849 ; # 114, « Quelques mots de réflexion », Les mélanges religieux, 1er mai 1849 ; # 117, « The Riots In Montreal », The Globe, 2 mai 1849 ; # 119, « The Outrages in Montreal », The Examiner, 2 mai 1849 ; # 122, « Jeudi soir, 3 Mai 1849 », L’écho des campagnes, 1849 ; # 130, « Organisation », L’Avenir, 5 mai 1849.
-
[44]
La dernière adresse reçue par le secrétaire provincial provient de Saint-Georges-de Cacouna et est datée du 26 juin 1849. BAC, RG4 C1, dossier # 2078, bobine H-2615.
-
[45]
Le Canadien, The Montreal Gazette, La Minerve, L’Avenir, Le Journal de Québec et Les Mélanges religieux.
-
[46]
La répartition des 457 articles par journal démontre l’importance prépondérante des Mélanges religieux (43 %) et du Journal de Québec (15 %). The Montreal Gazette compte pour 22 %, laissant La Minerve, Le Canadien et L’Avenir se partager le 19,5 % restant.
-
[47]
J. Monet, La première révolution…, op. cit., 429-430.
-
[48]
« Circulaire au clergé du diocèse de Montréal » [27 avril 1849]. Mandements, lettres pastorales et autres documents publiés dans le diocèse de Montréal, Tome second (Montréal, Chapleau Frères, 1869), 66.
-
[49]
Lettre de René-Édouard Caron à l’abbé Charles-Félix Cazeau, datée du 29 avril 1849, citée dans J. Monet, La première révolution…, op. cit.,, 429.
-
[50]
« Adresse du clergé de Québec à la Reine », 2 mai 1849, dans Mgr. H. Têtu et abbé C. O. Casgrain. Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, Volume troisième (Québec, Imprimerie générale A. Côté, 1888), 542.
-
[51]
Citée dans J. Monet, La première révolution…, op. cit., 430.
-
[52]
« Circulaire », 7 mai 1849. ICMH # 41687.
-
[53]
« Ce que pense le peuple. District de Québec », Les Mélanges religieux, 11 mai ; « Adresses à Son Excellence », La Minerve, 14 mai ; sans titre, Le Canadien, 14 mai ; « À son Excellence », Le Journal de Québec, le 15 mai 1849.
-
[54]
BAC, RG4 C1, dossier #1344, bobine H-2611, Lettre de Lord Elgin au clergé de Québec, s.d.
-
[55]
Canada. Further papers relative to the affairs of Canada (In Continuation of the Papers presented May 1849) [Presented to both houses of Parliament by command of Her Majesty, 25th May 1849] (Londres, W. Clowes, 1849), 10.
-
[56]
« Circulaire à messieurs les curés à l’occasion de l’incendie du parlement, Québec », 2 mai 1849, dans H. Têtu et C. O. Casgrain, « Mandements… », op. cit., 538.
-
[57]
Ibid., 540.
-
[58]
« Circulaire », 7 mai 1849, ICMH # 41687.
-
[59]
Léon Pouliot, « Au lendemain de l’émeute de 1849. Une lettre de Mgr Bourget à Mgr Turgeon », Revue d’histoire de l’Amérique française, 9, 1 (juin 1955) : 117.
-
[60]
BAC, RG4 C1, Dossier # 1639, bobine H-2613 ; La Minerve, 24 mai, 4 et 8 juin 1849 ; Gazette du Canada, 13 juin 1849, 6716-6717.
-
[61]
J. Monet, La première révolution…, op. cit., 429.
-
[62]
Id. En italiques et majuscules dans le texte.
-
[63]
« Rebellion Losses Disturbances - Destruction of the Parliament House by Fire ! ! ! », The Montreal Gazette, 27 avril 1849.
-
[64]
Sans titre, The Montreal Gazette, 3 mai 1849.
-
[65]
Il est probable que le taux de réponse soit plus élevé, car certaines lettres ont servi de réponse à plusieurs adresses.
-
[66]
Gazette du Canada, 26 mai 1849, 6545. Cette assemblée est particulièrement importante, relativement à la réponse des Rouges.
-
[67]
« Answer », Gazette du Canada, 5 mai 1849, 6402.
-
[68]
La réponse de lord Elgin aux citoyens du comté de Berthier fait cinq pages. BAC, RG4 C1, Dossier # 1568, bobine H-2613.
-
[69]
La Gazette du Canada, 19 mai 1849, 6482.
-
[70]
Alexander Morris, The Question answered : « Did the ministry intend to pay rebels ? » (Montréal, Armour, 1849). The Montreal Gazette en annonce la publication le 8 juin et encourage ses lecteurs à en faire l’acquisition.
-
[71]
Further papers relative to the affairs of Canada (In Continuation of the Papers presented 25th May 1849) [Presented to both houses of Parliament by command of Her Majesty, 7th June 1849], Londres, W. Clowes, 1849, 41. Dans la lettre à MacNab, on mentionne que la réponse de lord Elgin à l’adresse du comté d’Hastings exprime des vues « qui sont parfaitement d’accord avec celles des serviteurs de Sa Majesté », « À Sir Allan McNab » [Lettre de B. Hawes, sous-secrétaire parlementaire à Sir Allan McNab, 13 juin 1849], reproduite dans Le Journal de Québec, 7 juillet 1849.
-
[72]
J. Monet, La première révolution…, op. cit., 430.
-
[73]
Ibid., 412-413.
-
[74]
BAC, Elgin clippings, # 176, « Lord Elgin’s reception of the Ottawa Deputations » The Packet, Bytown, 16 juin 1849.
-
[75]
Canada. Papers relative to the affairs of Canada, op. cit. ; Canada. Further papers..., 25 mai 1849, op. cit. ; Canada, Further papers, 7 juin 1849, op. cit..
-
[76]
« Monster Meeting on the Champ de Mars », The Montreal Gazette, 30 avril 1849.
-
[77]
« Petitions to the Queen », The Montreal Gazette, 13 juin 1849.
-
[78]
Assemblée de 600 personnes et pétition à Missisquoi, et assemblée à Stanstead ; sans titre, The Montreal Gazette, 22 mai 1849 ; sans titre, The Montreal Gazette, 29 mai 1849.
-
[79]
Sans titre, The Montreal Gazette, 4 mai ; sans titre, 7 mai 1849 ; « To the Editor of the Montreal Gazette », The Montreal Gazette, 11 mai 1849.
-
[80]
Sans titre, The Montreal Gazette, 24 mai 1849.
-
[81]
Sans titre, The Montreal Gazette, 11 mai 1849.
-
[82]
Souligné en italique dans l’original. « To the editor of the Montreal Gazette, Quebec, May 9th », The Montreal Gazette, 11 mai 1849.
-
[83]
Sans titre, The Montreal Gazette, 21 mai 1849.
-
[84]
« Petitions to the Queen », The Montreal Gazette, 13 juin 1849.
-
[85]
Les documents parlementaires reproduisent une lettre de lord Elgin qui devrait inclure l’adresse des Tories de Montréal, mais on y indique « Copy not received from the Governor, nor the original yet delivered by Sir Allan McNab ». Further papers [7th June 1849], op. cit., 46.
-
[86]
Le fonds sir Allan Napier McNab, déposé à BAC (R6266-0-1-E), ne comprend que les lettres accompagnant les adresses en provenance de six localités du Haut-Canada et trois du Bas-Canada (comtés de Shefford, Montréal et Québec).
-
[87]
« À Sir Allan McNab » [Lettre de B. Hawes, sous-secrétaire parlementaire à Sir Allan McNab, 13 juin], reproduite dans Le Journal de Québec, 7 juillet 1849.
-
[88]
Benjamin Disraeli et John Alexander Wilson Gunn, Benjamin Disraeli Letters : 1848-1851 (Toronto, University of Toronto Press, 1993), note 2, 186-187.
-
[89]
« À Sir Allan McNab », Journal de Québec, loc. cit.
-
[90]
Campagnard [Louis-Antoine Dessaulles], « Tribune du peuple » [lettre à la rédaction datée du 14 mai 1849], L’Avenir, 22 mai 1849.
-
[91]
Il publie même une brochure à cet effet en 1848. Jean-Paul Bernard et Yvan Lamonde, « Dessaulles, Louis-Antoine », Dictionnaire biographique du Canada, 12, Université Laval/University of Toronto, 2003, www.biographi.ca/fr/bio/dessaulles_louis_antoine_12F.html [consulté le 21 août 2015].
-
[92]
Jean-Paul Bernard, « Boutillier, Thomas », Dictionnaire biographique du Canada, 9, Université Laval/University of Toronto, 2003, www.biographi.ca/fr/bio/boutillier_thomas_9F.html [consulté le 21 août 2015].
-
[93]
BAC, RG4 C1, Dossier # 1640, bobine H-2613, La Minerve, 24 mai et 4 juin 1849 ; Les Mélanges religieux, 26 juin 1849 et Gazette du Canada, 26 mai 1849, 6544.
-
[94]
Campagnard [Louis-Antoine Dessaulles], loc. cit.
-
[95]
[Jean-Baptiste-Éric Dorion], « Le Ministère », L’Avenir, 12 mai 1849. En italique dans le texte.
-
[96]
J. Monet, La première révolution…, op. cit., 427.
-
[97]
Jean-Paul Bernard, Les Rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle, (Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1971), 91 et suiv.