Comptes rendus

Sawaya, Jean-Pierre, Des braves et des guerriers. Les Amérindiens du Québec et la guerre de 1812, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, 236 pages[Notice]

  • Roch Legault

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  • Roch Legault
    Département d’histoire, Collège militaire royal du Canada

Les Presses de l’Université Laval nous présentent une publication qui s’intéresse enfin à l’un des acteurs les plus importants de la guerre de 1812, les Amérindiens, ceux qui sont liés de près à l’histoire du Québec. Si l’on tient pour acquis qu’ils sont l’une des quatre raisons majeures évoquées par toutes les historiographies pour le déclenchement de la guerre entre les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni, il y a de quoi se réjouir que l’on songe à combler les vides de l’histoire des Amérindiens dans la guerre de 1812. Le manque de participation des Amérindiens du Québec aux principaux engagements et manoeuvres de ce conflit n’est pas la cause de cet oubli, car les braves et les guerriers semblent être de toutes les actions, autant principales que secondaires. La carence documentaire du début du XIXe siècle non plus, comme le démontre Sawaya dans cet ouvrage richement pourvu à cet égard. Il fallait peut-être attendre qu’une société canadienne, plus libérale, continue de poser les yeux sur son passé pluriel. Jean-Pierre Sawaya expose le but de son entreprise d’une façon très concise et directe dans son avant-propos d’une page et demie. Il veut faire la démonstration que les Amérindiens ont participé à la guerre de 1812 « et joué un rôle crucial dans ce conflit » (p. 1). Le principal mérite de ce travail est de nous faire voir et même entendre les protagonistes amérindiens de la guerre de 1812. Tecumseh ne sera pas oublié pour autant, on lui a fait jouer son rôle de figurant, le bon « sauvage », depuis tellement d’années, et encore récemment dans les représentations du gouvernement fédéral de Stephen Harper ! Mais c’est justement l’histoire « réelle » du guerrier et du chef dans des actions, des hésitations, des pourparlers, des blessures et des frustrations qui occupe la première place de ce livre. L’approche narrative traditionnelle nous permet de suivre les principaux jalons de la guerre, d’établir une trame événementielle solide, ce que l’historien de tous les champs d’étude devrait lui-même ne jamais oublier de réaliser, mais en empruntant résolument, à tous les tournants, une perspective amérindienne. Cette perspective ne paraît pas fausse ou plaquée, elle suit sa logique de plein droit. Une jeune entreprise de réinterprétation de l’histoire n’est pas sans risque de quelques dérives sans doute parce que le champ d’étude manque encore de balises fournies par d’autres recherches. Les travers les plus importants de ce livre sont ceux liés à l’identité et à l’alliance. Le premier se glisse dès le titre : Les Amérindiens du Québec. Projeter le Québec (plutôt le Bas-Canada) au début du XIXe siècle est peut-être une concession à l’éditeur, mais elle représente bien mal le contenu. Le titre diminue l’apport intellectuel et le mérite scientifique de l’auteur qui n’a pas produit une histoire populaire. C’est aussi inférer qu’ils sont « avec » ou « pour » ou « dans » le Québec historique et actuel. Là, il y a méprise. On peut comprendre le désir de Sawaya d’exprimer l’harmonie des acteurs de l’histoire d’abord. Il montre par exemple à plusieurs reprises les combats des chefs et des guerriers autochtones aux côtés de l’exemplaire régiment canadien-français des Voltigeurs, puis la collaboration aussi entre les Amérindiens eux-mêmes, des tribus étant chargées d’en représenter d’autres dans des négociations importantes. Mais au contraire, sans le désirer, le livre montre amplement les conflits profonds, multiformes et tenaces dans le camp qui s’oppose aux Américains. Entre Amérindiens d’abord, alors que les Iroquois s’attaquent à d’autres, comme après la bataille de Beaver Dams (p. 84) où les domiciliés ne sont pas des alliés …