Comptes rendus

Lefebvre, Marie-Thérèse, dir., Chroniques des arts de la scène à Montréal durant l’entre-deux-guerres. Danse, théâtre, musique (Québec, Septentrion, 2016), 328 p.[Notice]

  • Mireille Barrière

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  • Mireille Barrière
    Chercheuse indépendante, Montréal

Les travaux qui donnent naissance à cet ouvrage collectif s’inscrivent dans les recherches poursuivies au sein du groupe Penser l’histoire de la vie culturelle du Québec (PHVC), auquel s’associe le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). De nouveaux supports technologiques ont permis de numériser et de stocker plus de 7000 pages de textes répartis en deux périodes : 36% couvrent la décennie 1919-1929, et le reste, la dernière décennie. L’équipe réunie par Marie-Thérèse Lefebvre comprend Jean-Pierre Pinson (musique religieuse), Marie Beaulieu (danse), Hervé Guay (théâtre), Dominique Garand (littérature) et Lorne Houston (histoire). Cette pesée globale de la presse culturelle donnera lieu à une histoire prometteuse des arts de la scène. Le livre se divise en deux parties, la première s’intitulant « Des quotidiens à géométrie variable » et la seconde, « Des chroniqueurs sous la loupe ». Deux annexes et une bibliographie complètent l’information. Dans le premier chapitre, l’équipe prend le pouls des six quotidiens retenus à l’aide du répertoire signalétique d’André Beaulieu et Jean Hamelin sur la presse québécoise : quatre francophones (Le Canada, Le Devoir, La Patrie et La Presse) et deux anglophones (The Montreal Daily Star et The Gazette). Après le survol des idéologies dominantes et des principales questions débattues, l’analyse du traitement de l’information culturelle dans chaque journal oriente déjà le lecteur vers des acteurs qui interviennent tout au long de l’étude. Les chroniqueurs culturels ont-ils été des agents de la modernité et qui sont-ils ? Avant de proposer une anthologie de textes consacrés au regard que chroniqueurs et critiques portent sur leur métier (chapitre 3), Dominique Garand offre dans le chapitre 2 une vision panoramique des principaux acteurs, décrit leurs compétences et identifie leurs orientations esthétiques. Elle expose aussi leur position sur l’objectivité du critique et leurs rapports aux nouveaux médias que sont la radio, le disque et le cinéma parlant ainsi que les contraintes imposées par la presse et ses heures de tombée qui laissent peu de temps à la réflexion. La seconde partie suit les chroniqueurs en action et évalue leur degré d’ouverture à la modernité. La danse a été le parent pauvre dans la presse du temps. Marie Beaulieu choisit donc un moment exceptionnel, les deux visites à Montréal en 1931 de la danseuse allemande Mary Wigman, identifiée à l’avant-garde de Weimar (chapitre 4). Les chroniqueurs préparent le public tant bien que mal à une expérience « brutale », écrit l’un d’eux, car ses improvisations solos structurées et exécutées sans accompagnement musical ou avec quelques instruments seulement se démarquent nettement de l’art de la ballerine russe Anna Pavlova qui vient de mourir et dont les tournées à Montréal ont connu un grand succès (annexe 2). Or, même Léo-Pol Morin, qui avait pourtant assisté à la création du Sacre du printemps de Stravinsky à Paris en 1913, demeure tiède. Pourtant, un Archer réputé conservateur vante « sa retenue et son sens de la forme [qui] sont ses plus grandes forces » (p.121). Le théâtre fait l’objet de deux chapitres. La scène canadienne-française se heurte à l’Église catholique et à l’élite conservatrice toujours plus combatives au nom de la censure et de la morale (chapitre 5). Les chroniqueurs en débattent, mais sans atteindre une position commune, écrit Hervé Guay. Ils rejettent la création d’un bureau de censure municipal qui verra quand même le jour, et la majorité d’entre eux place les critères esthétiques au-dessus des principes moraux, mais leurs propos demeurent prudents. Les directions théâtrales pratiquent toujours l’autocensure et la modernisation du répertoire en souffre. Cependant, Béraud et Morgan-Powell réclament la liberté …