Comptes rendus

Jean Lesage vous parle. Les grands discours de la Révolution tranquille, Discours choisis et présentés par Denis Monière et Jean-François Simard (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2017), 387 p.[Notice]

  • Michel Lévesque

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  • Michel Lévesque
    Historien

Après Lomer Gouin, Louis-Alexandre Taschereau, Adélard Godbout et Maurice Duplessis, c’est au tour de Jean Lesage, qui fut chef du Parti libéral du Québec de 1958 à 1970 et premier ministre du Québec de 1960 à 1966, de voir plusieurs de ses discours réunis dans une anthologie. Outre la présentation du rôle et de la symbolique du personnage de Jean Lesage par le sociologue Jean-François Simard et l’analyse de ses discours par Denis Monière et Dominique Labbé, l’ouvrage contient 52 discours prononcés par Lesage entre le 31 mai 1958, jour de son élection à titre de chef du Parti libéral du Québec, et le 17 janvier 1970, jour de l’élection de son successeur, Robert Bourassa. Parmi ces 52 discours, plus de 40 %, soit 21, ont été prononcés à l’occasion d’événements partisans réunissant des militants de son parti, tandis que les autres ont été présentés devant des chambres de commerce, lors de conférence fédérale-provinciale, ou encore, devant des publics extérieurs du Québec tels que, notamment, l’Empire Club de Toronto, le Canadian Club de Calgary, le Canadian Club de Victoria ou l’Alliance française de Vancouver. La plupart des discours prononcés à l’extérieur du Québec l’ont été lors de sa tournée dans le reste du Canada en 1965. À la lecture de ces discours, trois constats principaux s’en dégagent. Premièrement, les textes réunis dans cette anthologie révèlent les principales difficultés auxquelles les deux gouvernements de Jean Lesage ont fait face. Parmi ces difficultés, mentionnons en premier lieu l’état de l’économie. Le Québec traverse alors la pire crise économique depuis les années 1930. Cet important élément conjoncturel, que plusieurs analystes de ces années ont négligé ou tout simplement passé sous silence, a probablement contribué à la victoire des libéraux en juin 1960 et rendu leur tâche passablement difficile une fois au pouvoir. À ce contexte économique difficile s’ajoutent les embûches qui ont parsemé la voie des libéraux, soit la lutte au patronage et son corollaire, la déception de plusieurs militants libéraux. Quelques mois seulement après son élection, Lesage aborde de front cette question litigieuse qui allait miner le moral d’une bonne partie des troupes libérales tout au long des six années pendant lesquelles son parti est au pouvoir. À l’occasion du congrès de la Fédération libérale du Québec, qui se déroule en octobre 1960, Lesage déclare alors aux militants et principaux dirigeants de son parti : « Je vous parlais tantôt d’unité. Il y a une unité, mes amis, dont le gouvernement n’a pas à se réjouir. C’est celle qui concentre les critiques – et je l’admets – le mécontentement, sur un seul point des politiques du gouvernement. Il s’agit du fameux patronage ! Qu’il existe du mécontentement, je ne cherche pas à le nier. Beaucoup de libéraux et beaucoup d’indépendants qui ont travaillé au renversement du régime s’impatientent parce que le changement de gouvernement ne s’accompagne pas d’un changement complet et immédiat d’appareil administratif ; parce que les injustices dans la structure du fonctionnarisme régi par la seule règle du favoritisme risquent maintenant d’être immobilisées et consacrées par notre respect de la loi ; parce que l’appel des soumissions publiques paraît mettre sur le même pied que les autres ceux qui se sont rendus coupables d’une majoration éhontée des dépenses gouvernementales. […] Le système du patronage qui a édifié la nouvelle classe des millionnaires de l’Union nationale est aboli depuis le premier jour de notre élection. Jamais notre gouvernement n’y retournera. Que cela soit compris et bien entendu. Jamais ! » (p. 59-60 et 62) Dans les faits, la lutte au patronage a considérablement compliqué la tâche du gouvernement Lesage. À un …